Question d'origine :
Un (mais sans doute plusieurs) philosophe, ou penseur, ou intellectuel, explique (où ?) très clairement que la haine trouve sa source dans la peur, et que c'est ce que nous ne connaissons pas qui provoque notre peur. Ainsi, la peur de l'étranger (xénophobie) vient-elle de ce que nous ne connaissons pas cet étranger. Et cette peur, chez certains, se transforme en haine (ce qu'on appelle xénophobie, islamophobe ou homophobie sont davantage des haines que des peurs) Ainsi est-ce que je cherche quel(s) philosophe(s) aurait exprimé cette analyse. J'ai pensé à Thomas Hobbes, mais sans aucune certitude. Merci de vos lumières
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 14/01/2017 à 16h54
Bonjour,
Nous n’avons malheureusement pas trouvé de présentation aussi claire.
Le passage de Hobbes qui ressemble un peu à votre phrase pourrait être celui où il décrit l’état de nature (dans Elements de loi et le Léviathan), que présente ainsi Carlo Ginzburg dans Peur, révérence, terreur : une approche oblique du présent
« Depuis quelques temps désormais (disons, depuis le 11 septembre 2001), au sein des commentaires qui se multiplient sur les attentats avec une fréquence sinistre dans de nombreuses régions du monde, le nom de Hobbes, l’auteur du Léviathan, revient avec insistance. Il est possible que ces noms – Hobbes, Le Léviathan – rappellent à la mémoire de certains d’entre vous des souvenirs scolaires plus ou moins anciens : « la guerre de tous contre tous » (bellum omnium contra omnes) ; « l’homme qui est un loup pour l’homme » (homo homini lupus). Ce sont des phrases dures, désenchantées.[…] Dans les Elements of Law nous trouvons une description synthétique de l’état de nature, liée à une argumentation que Hobbes ne devait plus abandonner. Dans l’état de nature, les hommes sont égaux en substance et ils ont les mêmes droits (parmi lesquels le droit de s’attaquer et de se défendre) : c’est pourquoi ils vivent dans un état de guerre permanent, de « défiance générale », de « peur réciproque » (mutual fear). »
Voir aussi : Hobbes, la peur et le lien social, Pierre Dockès
Mais on ne peut pas vraiment dire qu’il y explique clairement « que la haine trouve sa source dans la peur, et que c'est ce que nous ne connaissons pas qui provoque notre peur ».
Spinoza a lui aussi étudié cet affect dans son Ethique mais ce n’est guère plus probant :
« Dans la mesure où haïr c’est vouloir du mal à quelqu’un, s’imaginer haï signifie s’imaginer que quelqu’un nous veut du mal, cet affect triste se transformant en une crainte qui donne lieu à une peur qui nous fait prendre les devants dans l’agressivité vis-à-vis de celui qui est supposé nous vouloir du mal. Cette situation est d’autant plus dangereuse qu’elle déstabilise le régime mental de l’individu pouvant donner lieu à un affolement généralisé de peur de tous envers tous, débouchant sur un état proche de l’état de nature, tel que le décrit Hobbes. Cette peur est aussi donc peur de l’autre et de l’altérité en général. Dès lors, n’importe quoi peut devenir objet de crainte. C’est donc cet obscur objet de la crainte qu’il convient d’analyser. »
Source : Spinoza et le problème de la peur : metus et timor, Jean-Marie VAYSSE, Philonsorbonne, 6, 2012
A lire : La haine. Préfigurations philosophiques de ses implications en psychanalyse familiale, Anne Loncan, Le divan familial, 2013/2 , n°31, article très instructif par ailleurs (voir notamment la partie La haine en philosophie) mais où nous n’avons pas reconnu non plus votre auteur, même si plusieurs sont cités (Hume, Aristote, Sartre, Ogien et bien sûr Freud).
Autres ouvrages et sites consultés :
- Haine(s) : philosophie et politique, Olivier Le Cour Grandmaison
- Opuscule : Qu’est-ce que la peur de l’autre ?, Loac Matéo, philosophie. Ce texte correspond tout à fait à votre problématique, et cite beaucoup Hobbes et Castoriadis.
- Les racines psychiques et sociales de la haine, Cornélius Castoriadis
- La haine : haine de soi, haine de l'autre, haine dans la culture
- Les territoires de la haine
- Autrui, textes choisis et présentés par Mildred Szymkowiak
- Les sentiments hostiles, Aurel Kolnai
- Le bouc émissaire, René Girard
On trouve souvent sur Internet une citation attribuée à Averroès : L'ignorance mène à la peur, la peur mène à la haine et la haine conduit à la violence. Voilà l'équation, mais nous n’avons pas trouvé de source, et ne pouvons donc vous indiquer le contexte.
Maître Yoda le sait bien aussi qui dit dans La Menace fantôme :
"La peur est le chemin du côté obscur. La peur mène à la colère, la colère mène à la haine, la haine mène à la souffrance ».
Les geeks par des geeks
Nous n’avons malheureusement pas trouvé de présentation aussi claire.
Le passage de Hobbes qui ressemble un peu à votre phrase pourrait être celui où il décrit l’état de nature (dans Elements de loi et le Léviathan), que présente ainsi Carlo Ginzburg dans Peur, révérence, terreur : une approche oblique du présent
« Depuis quelques temps désormais (disons, depuis le 11 septembre 2001), au sein des commentaires qui se multiplient sur les attentats avec une fréquence sinistre dans de nombreuses régions du monde, le nom de Hobbes, l’auteur du Léviathan, revient avec insistance. Il est possible que ces noms – Hobbes, Le Léviathan – rappellent à la mémoire de certains d’entre vous des souvenirs scolaires plus ou moins anciens : « la guerre de tous contre tous » (bellum omnium contra omnes) ; « l’homme qui est un loup pour l’homme » (homo homini lupus). Ce sont des phrases dures, désenchantées.[…] Dans les Elements of Law nous trouvons une description synthétique de l’état de nature, liée à une argumentation que Hobbes ne devait plus abandonner. Dans l’état de nature, les hommes sont égaux en substance et ils ont les mêmes droits (parmi lesquels le droit de s’attaquer et de se défendre) : c’est pourquoi ils vivent dans un état de guerre permanent, de « défiance générale », de « peur réciproque » (mutual fear). »
Voir aussi : Hobbes, la peur et le lien social, Pierre Dockès
Mais on ne peut pas vraiment dire qu’il y explique clairement « que la haine trouve sa source dans la peur, et que c'est ce que nous ne connaissons pas qui provoque notre peur ».
Spinoza a lui aussi étudié cet affect dans son Ethique mais ce n’est guère plus probant :
« Dans la mesure où haïr c’est vouloir du mal à quelqu’un, s’imaginer haï signifie s’imaginer que quelqu’un nous veut du mal, cet affect triste se transformant en une crainte qui donne lieu à une peur qui nous fait prendre les devants dans l’agressivité vis-à-vis de celui qui est supposé nous vouloir du mal. Cette situation est d’autant plus dangereuse qu’elle déstabilise le régime mental de l’individu pouvant donner lieu à un affolement généralisé de peur de tous envers tous, débouchant sur un état proche de l’état de nature, tel que le décrit Hobbes. Cette peur est aussi donc peur de l’autre et de l’altérité en général. Dès lors, n’importe quoi peut devenir objet de crainte. C’est donc cet obscur objet de la crainte qu’il convient d’analyser. »
Source : Spinoza et le problème de la peur : metus et timor, Jean-Marie VAYSSE, Philonsorbonne, 6, 2012
A lire : La haine. Préfigurations philosophiques de ses implications en psychanalyse familiale, Anne Loncan, Le divan familial, 2013/2 , n°31, article très instructif par ailleurs (voir notamment la partie La haine en philosophie) mais où nous n’avons pas reconnu non plus votre auteur, même si plusieurs sont cités (Hume, Aristote, Sartre, Ogien et bien sûr Freud).
Autres ouvrages et sites consultés :
- Haine(s) : philosophie et politique, Olivier Le Cour Grandmaison
- Opuscule : Qu’est-ce que la peur de l’autre ?, Loac Matéo, philosophie. Ce texte correspond tout à fait à votre problématique, et cite beaucoup Hobbes et Castoriadis.
- Les racines psychiques et sociales de la haine, Cornélius Castoriadis
- La haine : haine de soi, haine de l'autre, haine dans la culture
- Les territoires de la haine
- Autrui, textes choisis et présentés par Mildred Szymkowiak
- Les sentiments hostiles, Aurel Kolnai
- Le bouc émissaire, René Girard
On trouve souvent sur Internet une citation attribuée à Averroès : L'ignorance mène à la peur, la peur mène à la haine et la haine conduit à la violence. Voilà l'équation, mais nous n’avons pas trouvé de source, et ne pouvons donc vous indiquer le contexte.
Maître Yoda le sait bien aussi qui dit dans La Menace fantôme :
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