Question d'origine :
Bonjour,
Je dois travailler sur le printemps arabe et plus précisément les révolutions égyptiennes.
Premièrement saviez vous si il faut considérer les évènements comme une longue révolution qui s'entend sur plusieurs années, ou bien deux évènements distincts?
j'aurais également aimé savoir si quels ont été les réseaux sociaux durant ces différentes révolutions égyptiennes?
Réponse du Guichet
gds_se
- Département : Équipe du Guichet du Savoir
Le 11/01/2017 à 15h17
Bonjour
En 2011, plusieurs révolutions secouent le « monde arabe », révolutions qui donneront naissance au nom de « Printemps arabe ». C’est en Tunisie que démarre le mouvement avec la « révolution de jasmin » :
« L’histoire retiendra que les événements exceptionnels que connaît le monde arabe tout au long de l’année 2011 trouvent leur origine dans l’immolation par le feu d’un jeune tunisien désespéré, en plein hiver nord-africain, le 17 décembre 2010. Son geste inhabituel a été repris un peu partout, par d’autres jeunes non moins désespérés, réveillant les consciences populaires dans le monde arabe et musulman.
A Tunis, la « révolution de jasmin » n’a pas eu lieu au printemps mais début janvier 2011, lorsque le mur de la peur tombe et que les foules défient le régime, jusque-là considéré comme l’un des plus solides de la région, entraînant la fuite du président Ben Ali, le 17 janvier 2011, après vingt-trois ans de dictature.
Le vent de la révolution tunisienne parcourt le monde arabe déclenchant un tourbillon de manifestations et de protestations qui préparent le printemps : le 28 décembre 2010 en Algérie, le 14 janvier 2011 en Jordanie, le 17 janvier en Mauritanie et à Oman, le 18 janvier au Yémen, le 21 janvier en Arabie Saoudite, le 24 janvier au Liban , le 25 janvier en Egypte, le 26 janvier en Syrie, le 28 janvier dans les territoires palestiniens, le 30 janvier au Soudan, le 1er février à Djibouti, le 4 février au Bahreïn … […]
Le « printemps arabe » a commencé, amplifié par la caisse de résonance extraordinaire qu’est l’internet et magnifié par les chaînes de télévision satellitaires comme Al-Jazeera, permettant aux peuples de vivre la révolution en direct, à partir de la place de la libération (Tahrir) du Caire et d’ailleurs. Les manifestations se poursuivent un peu partout : le 13 février en Libye et en Somalie, le 18 février au Koweït, le 20 février au Maroc … »
Le choc des revolutions arabes / Mathieu Guidère
« Le basculement révolutionnaire de la Tunisie a pris le monde entier de court. Les Tunisiens eux-mêmes, acteurs de ce basculement, vécurent l’année 2011 dans un étonnement qui le disputait à l’incrédulité. […]
Mais le pays ressemblait à un vaste champ de broussailles asséchées qui n’attendait qu’une mèche pour s’embraser. Ce fut l’immolation de Mohammad Bouazizi le 17 décembre 2010. Depuis, tout un peuple s’est mis en marche sans crainte, sans leader, sans encadrement d’aucun parti politique. Le mur de la peur brisé, la dictature s’effondre. Le 14 janvier 2011, Ben Ali s’enfuit. […]
Ce n’est pas un effet domino dont la Tunisie aurait été la première pièce à basculer. Ce n’est pas non plus un effet contagion. Mais sans doute un effet de démonstration, presque d’exemplarité. […]
Mais, en brisant le mur de la peur, la Tunisie a démontré la fragilité intrinsèque des systèmes autoritaires. Si les Tunisiens ont pu le faire, les autres Arabes le peuvent aussi, reprenant ainsi le slogan électoral de Barack Obama (« Yes, we can »), scandé sur la place Al Tahrir. »
Le printemps arabe : un premier bilan / coordonné par Bichara Khader
« L'expression de « Printemps arabe » fait référence au « Printemps des peuples » de 1848 auquel il a été comparé, tout comme le Printemps de Prague. Ces mouvements révolutionnaires nationaux sont aussi qualifiés de révolutions arabes, de révoltes arabes, ou encore de « réveil arabe », certains vont jusqu’à parler d’une révolution Facebook, d’une révolution Twitter voire d’une révolution 2.0 tant l’usage des réseaux sociaux et des géants du Net aurait été important. Avec le recul, le pluriel « Printemps arabes » a également été privilégié pour mieux rendre compte de la diversité des mouvements regroupés sous cette appellation. »
Printemps arabe / Wikipédia
Pour en savoir plus sur ces révolutions :
• Ouvrages de la Bibliothèque municipale de Lyon sur le printemps arabe et les révolutions arabes
• Révolutions arabes / Guichet du Savoir
• Printemps arabe ou révolutions arabes / Philippe Droz-Vincent (in Encyclopaedia Universalis)
• Les printemps arabes, ans après : pour le pire et le meilleur / Timothée Vilars (in L’Obs)
• Le « printemps arabe » cinq ans après / Amnesty International
• Les printemps arabes / Dossiers spéciaux de l’Express
• Révoltes arabes / Dossiers Huffington Post
• Printemps arabe / Articles des Cahiers de l’Islam
• Printemps arabe / Articles parus dans Al Huffington Post Maghreb
• Que sont devenus les printemps arabes ? / Catherine Frammery et Etienne Dubuis (in Le Temps)
La révolution égyptienne, qui s’inscrit dans le mouvement du printemps arabe, « commence » le 25 janvier 2011 (peu après la chute de Ben Ali en Tunisie) et voit la chute du président Moubarak :
« Le 25 janvier 2011, des centaines de milliers d’Egyptiens manifestaient aux cris de « pain, justice et dignité » pour réclamer le départ du président Hosni Moubarak — au pouvoir depuis trente ans —, dans la foulée du « printemps arabe » commencé en Tunisie. Après dix-huit jours de sit-in place Tahrir au Caire et huit cent cinquante morts dans des heurts avec les forces de l’ordre, le raïs remettait le pouvoir au Conseil suprême des forces armées (CSFA).
La transition politique a ouvert la voie aux premières élections démocratiques du pays, dont celle, en juin 2012, du premier président civil du pays, Mohammed Morsi, le candidat de la confrérie des Frères musulmans.
Mais, un an plus tard, le 30 juin 2013, la population, lassée des troubles récurrents, minée par la détérioration de l’économie et craignant un péril islamiste, a de nouveau manifesté massivement pour réclamer le départ du président Morsi. Elle a acclamé la reprise en main du pouvoir par l’armée et la répression contre les Frères et a voté, à une écrasante majorité, pour le nouvel homme fort du pays, le maréchal Abdel Fattah Al-Sissi, à l’élection présidentielle de juin 2014. »
Cinq ans après, que reste-t-il de la révolution égyptienne ? / Hélène Sallon (in Le Monde)
« La « Révolution égyptienne de 2011 » (en écho à celles de 1919, dirigée contre l’occupant anglais et de 1952, en fait un coup d’État contre une monarchie décadente) débuta le mardi 25 janvier, date de la « fête de la police » (il faudrait dire « des polices », tant elle comporte de corps spécialisés, tous honnis de la population pour leur brutalité et leur corruption). Un réseau militant informel constitué depuis quelques années avait appelé, depuis quelques semaines et via facebook, à manifester ce jour-là sur la place Tahrir (place la Libération), avec pour mots d’ordre le départ du président Moubarak du pouvoir, la lutte contre la corruption et l’instauration au plus vite d’un régime politique démocratique. À la grande surprise des manifestants eux-mêmes, ceux-ci se retrouvèrent 15 000 sur la dite place, entourés par un dispositif impressionnant de policiers anti-émeute qui ne tardèrent pas à charger, à lancer des grenades lacrymogènes et à mettre en action leurs canons à eau. […]
Bien que non relayée par les médias officiels, cette manifestation le fut largement par les chaînes de langue arabe très regardées que sont Al-Jazeera et Al-Arabiyya. Les Égyptiens, le soir même du 25 janvier, surent que les manifestants étaient 15 000 sur la place Tahrir, qu’ils avaient résisté aux forces de police et qu’il était donc possible, en Égypte, d’exprimer massivement son mécontentement et ses revendications, comme l’avaient fait – et continuaient de le faire – leurs « frères » tunisiens. L’effet de démonstration de cette première manifestation, les médias arabes non gouvernementaux, les réseaux facebook, les téléphones portables, le bouche à oreille, tout cela concourut à ce que des manifestants de plus en plus nombreux convergent vers la place Tahrir durant les jours suivants, immédiatement imités par de nombreux habitants d’Alexandrie – la seconde ville du pays – et d’autres villes de province. »
Egypte : un résumé des événements / François Ireton (in Le Café pédagogique)
Pour aller plus loin sur la révolution égyptienne :
• Ouvrages de la Bibliothèque municipale de Lyon sur la révolution en Egypte
• 2011 : le printemps arabe ? L’Egypte / Samir Amin (in Journal des anthropologues)
• Les racines de la « révolution du 25 janvier » en Egypte : une réflexion géographique / Delphine Pagès-El Karoui et Leila Vignal
On a effectivement beaucoup parler du rôle des réseaux sociaux dans ce printemps arabe et dans la révolution égyptienne en particulier :
« Les révolutions arabes, de Tunisie au Bahreïn, en passant par l’Egypte, l’Algérie, l’Arabie Saoudite, la Syrie, la Jordanie et le Yémen, peuvent-elles être qualifiées de « numériques », de « révolutions Facebook », ou encore de « révolution Twitter » ? […]
Après les blogs, les sites de réseaux sociaux Twitter et Facebook sont les deux autres facteurs de communication instantanée qui ont contribué à resserrer les liens entre internautes arabes dans les sphères du militantisme de tout genre. »
Le printemps arabe décodé : faces cachées des révoltes / Bassam Tayyara
« La question du rôle des médias sociaux dans le « printemps arabe » est bien souvent traitée de manière caricaturale. Certains n’ont pas hésité à parler de « révolution Facebook », « révolution Twitter » ou « révolution WikiLeaks », présentant l’avènement du Web social comme la cause principale du déclenchement des révoltes. D’autres, au contraire, ont expliqué qu’Internet n’avait joué aucun rôle. La question des rapports entre médias sociaux et changement politique requiert une approche plus nuancée, se fondant plus spécifiquement sur les cas de l’Égypte et de la Tunisie. […]
Le facteur numérique dans la révolution égyptienne
Quelle a été la contribution réelle des médias sociaux à la révolution égyptienne ? Les premières manifestations du 25 janvier 2011 ont été organisées lors de la journée nationale de la police afin de dénoncer les actions sans foi ni loi des forces de sécurité du pays, en particulier la torture devenue courante depuis l’arrivée au ministère de l’Intérieur d’Habib el-Adli. L’organisation de ces manifestations a été attribuée aussi bien au Mouvement du 6 avril (qui avait débuté sous la forme d’un groupe Facebook en mars 2008) qu’au groupe Facebook « Nous sommes tous des Khaled Saïd », ainsi nommé en hommage à un jeune homme d’Alexandrie tué par la police en juin 2010. Nombre d’analyses du rôle des médias sociaux dans la révolution égyptienne commencent soit au moment de la fondation du Mouvement du 6 avril en 2008, soit au moment de la création du groupe Facebook « Nous sommes tous des Khaled Saïd ». Ces deux mouvements, bien que d’une importance capitale, sont en fait venus s’ajouter à une base de protestation établie depuis des années par des activistes numériques. Sans leurs efforts initiaux pour amener la question de la torture dans la sphère publique, la mort de Khaled Saïd n’aurait pas connu la même résonnance, et aurait encore moins pu déclencher un soulèvement national.
D’abord concentrée autour de blogs en anglais comme The Arabist d’Issandr el-Amrani, Sandmonkey de Mahmoud Salem ou encore 3arabawy d’Hossam el-Hamalawy, la blogosphère égyptienne s’est rapidement étoffée avec le lancement de blogs en arabe par Amr Gharbeia, Alaa Abdel-Fattah ou encore Wael Abbas Abdel-Fattah et son épouse Manal ont créé une sorte de cercle de blogueurs, « Manal and Alaa’s Bit Bucket », qui a permis de soutenir l’émergence d’autres jeunes blogueurs. Cette communauté était très majoritairement basée au Caire et dans ses environs. Ensemble, ces activistes ont fait pression sur les nouveaux journaux indépendants du pays, comme Al-Masri Al-Youm ou Al-Dustour, pour qu’ils rendent publique une série de scandales gênants pour le régime. […]
Ces premiers efforts d’organisation des blogueurs se sont avérés essentiels lorsque de nouveaux outils sont arrivés à la disposition de la communauté activiste. Fin 2007, alors que les Égyptiens commençaient à affluer en masse vers Facebook, on était encore loin d’imaginer que ce réseau deviendrait la plateforme privilégiée pour l’organisation de rassemblements populaires. En mars 2008, d’anciens membres de la branche jeunesse de Kefaya ont ouvert un groupe Facebook pour organiser un mouvement de solidarité envers les ouvriers du textile de la ville d’El-Mahalla dans le delta du Nil. Le 6 avril, des grèves et des manifestations ont ainsi eu lieu. Cette date marque un tournant. D’un phénomène mené et exécuté uniquement par des blogueurs, la contestation est devenue plus complète et diversifiée, s’appuyant dorénavant sur les médias sociaux comme Facebook et Twitter. En outre, les événements du 6 avril 2008 ont également donné naissance au Mouvement de la jeunesse du 6 avril, un des principaux instigateurs de la révolution du 25 janvier 2011. Dès lors, le nombre d’utilisateurs de Facebook en Égypte n’a cessé d’augmenter : de 822 560 en 2008 à 5 millions à la veille de la révolution et à plus de 9,3 millions au début de l’année 2012. »
La révolte en réseau : le « printemps arabe » et les médias sociaux / David M. Faris (in Politique étrangère)
«Le rôle des réseaux sociaux en 2011
Facebook a permis à la veille de la révolution du 25 janvier 2011 une véritable prise de conscience de la portée de la contestation de Moubarak, d'une part, et la coordination du mouvement, d'autre part.
Mais la contribution de ces réseaux aux mobilisations et manifestations de masse reste tributaire de la mobilisation de la jeunesse. Elle reste marginale puisqu'elle ne touche pas la population égyptienne dans son ensemble même si elle a indéniablement révolutionné l'espace médiatique depuis janvier 2011...
En effet, le profil type du cyber-activiste utilisant les réseaux sociaux est un jeune âgé entre 18 et 40 ans, citadin, sensibilisé aux valeurs démocratiques, le plus souvent lors d'un passage en Occident.
Un impact surestimé ?
Selon Mounir Bensalah, militant et blogueur marocain auteur de Réseaux sociaux et révolutions arabes ? (éd. Michalon), l'Occident aurait exagéré l'impact des réseaux sociaux dès la naissance du printemps arabe.
Ces réseaux auraient simplement accompagné les révolutions arabes en mobilisant les internautes égyptiens. "La révolution Facebook ou Twitter, tel que ces évènements ont été qualifiés, sont un mythe et un fantasme nés de raccourcis journalistiques." »
Egypte : les réseaux sociaux derrière la mobilisation anti-Morsi / Dounia Hadni (in L’Express)
Pour aller plus loin :
• Egypte : la révolution, le militant et le hastag / Vinciane Jacquet (in Rue89)
• Printemps arabe : « Le rôle des réseaux sociaux a été très exagéré » / Marc Daou (in France 24)
• Le rôle des réseaux sociaux dans les révolutions arabes a-t-il été fantasmé ? / Le secret des sources (France Culture)
• Internet, le « Printemps arabe » et la dévaluation du cuberactivisme arabe / Yves Gonzalez-Quijano (in Egypte / Monde arabe)
• La révolution arabe, fille de l’Internet ? / Marie Bénilde (in Le Monde diplomatique)
• Les révoltes arabes sont-elles des « révolutions 2.0 » ? / Rémy Ourdan (in Le Monde)
• Internet : nouvel outil de démocratie ? Etude de cas de l’Egypte / Dina Mandour (Mémoire Master2 professionnel communication politique et sociale)
Bonnes lectures
En 2011, plusieurs révolutions secouent le « monde arabe », révolutions qui donneront naissance au nom de « Printemps arabe ». C’est en Tunisie que démarre le mouvement avec la « révolution de jasmin » :
« L’histoire retiendra que les événements exceptionnels que connaît le monde arabe tout au long de l’année 2011 trouvent leur origine dans l’immolation par le feu d’un jeune tunisien désespéré, en plein hiver nord-africain, le 17 décembre 2010. Son geste inhabituel a été repris un peu partout, par d’autres jeunes non moins désespérés, réveillant les consciences populaires dans le monde arabe et musulman.
A Tunis, la « révolution de jasmin » n’a pas eu lieu au printemps mais début janvier 2011, lorsque le mur de la peur tombe et que les foules défient le régime, jusque-là considéré comme l’un des plus solides de la région, entraînant la fuite du président Ben Ali, le 17 janvier 2011, après vingt-trois ans de dictature.
Le vent de la révolution tunisienne parcourt le monde arabe déclenchant un tourbillon de manifestations et de protestations qui préparent le printemps : le 28 décembre 2010 en Algérie, le 14 janvier 2011 en Jordanie, le 17 janvier en Mauritanie et à Oman, le 18 janvier au Yémen, le 21 janvier en Arabie Saoudite, le 24 janvier au Liban , le 25 janvier en Egypte, le 26 janvier en Syrie, le 28 janvier dans les territoires palestiniens, le 30 janvier au Soudan, le 1er février à Djibouti, le 4 février au Bahreïn … […]
Le « printemps arabe » a commencé, amplifié par la caisse de résonance extraordinaire qu’est l’internet et magnifié par les chaînes de télévision satellitaires comme Al-Jazeera, permettant aux peuples de vivre la révolution en direct, à partir de la place de la libération (Tahrir) du Caire et d’ailleurs. Les manifestations se poursuivent un peu partout : le 13 février en Libye et en Somalie, le 18 février au Koweït, le 20 février au Maroc … »
Le choc des revolutions arabes / Mathieu Guidère
« Le basculement révolutionnaire de la Tunisie a pris le monde entier de court. Les Tunisiens eux-mêmes, acteurs de ce basculement, vécurent l’année 2011 dans un étonnement qui le disputait à l’incrédulité. […]
Mais le pays ressemblait à un vaste champ de broussailles asséchées qui n’attendait qu’une mèche pour s’embraser. Ce fut l’immolation de Mohammad Bouazizi le 17 décembre 2010. Depuis, tout un peuple s’est mis en marche sans crainte, sans leader, sans encadrement d’aucun parti politique. Le mur de la peur brisé, la dictature s’effondre. Le 14 janvier 2011, Ben Ali s’enfuit. […]
Ce n’est pas un effet domino dont la Tunisie aurait été la première pièce à basculer. Ce n’est pas non plus un effet contagion. Mais sans doute un effet de démonstration, presque d’exemplarité. […]
Mais, en brisant le mur de la peur, la Tunisie a démontré la fragilité intrinsèque des systèmes autoritaires. Si les Tunisiens ont pu le faire, les autres Arabes le peuvent aussi, reprenant ainsi le slogan électoral de Barack Obama (« Yes, we can »), scandé sur la place Al Tahrir. »
Le printemps arabe : un premier bilan / coordonné par Bichara Khader
« L'expression de « Printemps arabe » fait référence au « Printemps des peuples » de 1848 auquel il a été comparé, tout comme le Printemps de Prague. Ces mouvements révolutionnaires nationaux sont aussi qualifiés de révolutions arabes, de révoltes arabes, ou encore de « réveil arabe », certains vont jusqu’à parler d’une révolution Facebook, d’une révolution Twitter voire d’une révolution 2.0 tant l’usage des réseaux sociaux et des géants du Net aurait été important. Avec le recul, le pluriel « Printemps arabes » a également été privilégié pour mieux rendre compte de la diversité des mouvements regroupés sous cette appellation. »
Printemps arabe / Wikipédia
Pour en savoir plus sur ces révolutions :
• Ouvrages de la Bibliothèque municipale de Lyon sur le printemps arabe et les révolutions arabes
• Révolutions arabes / Guichet du Savoir
• Printemps arabe ou révolutions arabes / Philippe Droz-Vincent (in Encyclopaedia Universalis)
• Les printemps arabes, ans après : pour le pire et le meilleur / Timothée Vilars (in L’Obs)
• Le « printemps arabe » cinq ans après / Amnesty International
• Les printemps arabes / Dossiers spéciaux de l’Express
• Révoltes arabes / Dossiers Huffington Post
• Printemps arabe / Articles des Cahiers de l’Islam
• Printemps arabe / Articles parus dans Al Huffington Post Maghreb
• Que sont devenus les printemps arabes ? / Catherine Frammery et Etienne Dubuis (in Le Temps)
La révolution égyptienne, qui s’inscrit dans le mouvement du printemps arabe, « commence » le 25 janvier 2011 (peu après la chute de Ben Ali en Tunisie) et voit la chute du président Moubarak :
« Le 25 janvier 2011, des centaines de milliers d’Egyptiens manifestaient aux cris de « pain, justice et dignité » pour réclamer le départ du président Hosni Moubarak — au pouvoir depuis trente ans —, dans la foulée du « printemps arabe » commencé en Tunisie. Après dix-huit jours de sit-in place Tahrir au Caire et huit cent cinquante morts dans des heurts avec les forces de l’ordre, le raïs remettait le pouvoir au Conseil suprême des forces armées (CSFA).
La transition politique a ouvert la voie aux premières élections démocratiques du pays, dont celle, en juin 2012, du premier président civil du pays, Mohammed Morsi, le candidat de la confrérie des Frères musulmans.
Mais, un an plus tard, le 30 juin 2013, la population, lassée des troubles récurrents, minée par la détérioration de l’économie et craignant un péril islamiste, a de nouveau manifesté massivement pour réclamer le départ du président Morsi. Elle a acclamé la reprise en main du pouvoir par l’armée et la répression contre les Frères et a voté, à une écrasante majorité, pour le nouvel homme fort du pays, le maréchal Abdel Fattah Al-Sissi, à l’élection présidentielle de juin 2014. »
Cinq ans après, que reste-t-il de la révolution égyptienne ? / Hélène Sallon (in Le Monde)
« La « Révolution égyptienne de 2011 » (en écho à celles de 1919, dirigée contre l’occupant anglais et de 1952, en fait un coup d’État contre une monarchie décadente) débuta le mardi 25 janvier, date de la « fête de la police » (il faudrait dire « des polices », tant elle comporte de corps spécialisés, tous honnis de la population pour leur brutalité et leur corruption). Un réseau militant informel constitué depuis quelques années avait appelé, depuis quelques semaines et via facebook, à manifester ce jour-là sur la place Tahrir (place la Libération), avec pour mots d’ordre le départ du président Moubarak du pouvoir, la lutte contre la corruption et l’instauration au plus vite d’un régime politique démocratique. À la grande surprise des manifestants eux-mêmes, ceux-ci se retrouvèrent 15 000 sur la dite place, entourés par un dispositif impressionnant de policiers anti-émeute qui ne tardèrent pas à charger, à lancer des grenades lacrymogènes et à mettre en action leurs canons à eau. […]
Bien que non relayée par les médias officiels, cette manifestation le fut largement par les chaînes de langue arabe très regardées que sont Al-Jazeera et Al-Arabiyya. Les Égyptiens, le soir même du 25 janvier, surent que les manifestants étaient 15 000 sur la place Tahrir, qu’ils avaient résisté aux forces de police et qu’il était donc possible, en Égypte, d’exprimer massivement son mécontentement et ses revendications, comme l’avaient fait – et continuaient de le faire – leurs « frères » tunisiens. L’effet de démonstration de cette première manifestation, les médias arabes non gouvernementaux, les réseaux facebook, les téléphones portables, le bouche à oreille, tout cela concourut à ce que des manifestants de plus en plus nombreux convergent vers la place Tahrir durant les jours suivants, immédiatement imités par de nombreux habitants d’Alexandrie – la seconde ville du pays – et d’autres villes de province. »
Egypte : un résumé des événements / François Ireton (in Le Café pédagogique)
Pour aller plus loin sur la révolution égyptienne :
• Ouvrages de la Bibliothèque municipale de Lyon sur la révolution en Egypte
• 2011 : le printemps arabe ? L’Egypte / Samir Amin (in Journal des anthropologues)
• Les racines de la « révolution du 25 janvier » en Egypte : une réflexion géographique / Delphine Pagès-El Karoui et Leila Vignal
On a effectivement beaucoup parler du rôle des réseaux sociaux dans ce printemps arabe et dans la révolution égyptienne en particulier :
« Les révolutions arabes, de Tunisie au Bahreïn, en passant par l’Egypte, l’Algérie, l’Arabie Saoudite, la Syrie, la Jordanie et le Yémen, peuvent-elles être qualifiées de « numériques », de « révolutions Facebook », ou encore de « révolution Twitter » ? […]
Après les blogs, les sites de réseaux sociaux Twitter et Facebook sont les deux autres facteurs de communication instantanée qui ont contribué à resserrer les liens entre internautes arabes dans les sphères du militantisme de tout genre. »
Le printemps arabe décodé : faces cachées des révoltes / Bassam Tayyara
« La question du rôle des médias sociaux dans le « printemps arabe » est bien souvent traitée de manière caricaturale. Certains n’ont pas hésité à parler de « révolution Facebook », « révolution Twitter » ou « révolution WikiLeaks », présentant l’avènement du Web social comme la cause principale du déclenchement des révoltes. D’autres, au contraire, ont expliqué qu’Internet n’avait joué aucun rôle. La question des rapports entre médias sociaux et changement politique requiert une approche plus nuancée, se fondant plus spécifiquement sur les cas de l’Égypte et de la Tunisie. […]
Quelle a été la contribution réelle des médias sociaux à la révolution égyptienne ? Les premières manifestations du 25 janvier 2011 ont été organisées lors de la journée nationale de la police afin de dénoncer les actions sans foi ni loi des forces de sécurité du pays, en particulier la torture devenue courante depuis l’arrivée au ministère de l’Intérieur d’Habib el-Adli. L’organisation de ces manifestations a été attribuée aussi bien au Mouvement du 6 avril (qui avait débuté sous la forme d’un groupe Facebook en mars 2008) qu’au groupe Facebook « Nous sommes tous des Khaled Saïd », ainsi nommé en hommage à un jeune homme d’Alexandrie tué par la police en juin 2010. Nombre d’analyses du rôle des médias sociaux dans la révolution égyptienne commencent soit au moment de la fondation du Mouvement du 6 avril en 2008, soit au moment de la création du groupe Facebook « Nous sommes tous des Khaled Saïd ». Ces deux mouvements, bien que d’une importance capitale, sont en fait venus s’ajouter à une base de protestation établie depuis des années par des activistes numériques. Sans leurs efforts initiaux pour amener la question de la torture dans la sphère publique, la mort de Khaled Saïd n’aurait pas connu la même résonnance, et aurait encore moins pu déclencher un soulèvement national.
D’abord concentrée autour de blogs en anglais comme The Arabist d’Issandr el-Amrani, Sandmonkey de Mahmoud Salem ou encore 3arabawy d’Hossam el-Hamalawy, la blogosphère égyptienne s’est rapidement étoffée avec le lancement de blogs en arabe par Amr Gharbeia, Alaa Abdel-Fattah ou encore Wael Abbas Abdel-Fattah et son épouse Manal ont créé une sorte de cercle de blogueurs, « Manal and Alaa’s Bit Bucket », qui a permis de soutenir l’émergence d’autres jeunes blogueurs. Cette communauté était très majoritairement basée au Caire et dans ses environs. Ensemble, ces activistes ont fait pression sur les nouveaux journaux indépendants du pays, comme Al-Masri Al-Youm ou Al-Dustour, pour qu’ils rendent publique une série de scandales gênants pour le régime. […]
Ces premiers efforts d’organisation des blogueurs se sont avérés essentiels lorsque de nouveaux outils sont arrivés à la disposition de la communauté activiste. Fin 2007, alors que les Égyptiens commençaient à affluer en masse vers Facebook, on était encore loin d’imaginer que ce réseau deviendrait la plateforme privilégiée pour l’organisation de rassemblements populaires. En mars 2008, d’anciens membres de la branche jeunesse de Kefaya ont ouvert un groupe Facebook pour organiser un mouvement de solidarité envers les ouvriers du textile de la ville d’El-Mahalla dans le delta du Nil. Le 6 avril, des grèves et des manifestations ont ainsi eu lieu. Cette date marque un tournant. D’un phénomène mené et exécuté uniquement par des blogueurs, la contestation est devenue plus complète et diversifiée, s’appuyant dorénavant sur les médias sociaux comme Facebook et Twitter. En outre, les événements du 6 avril 2008 ont également donné naissance au Mouvement de la jeunesse du 6 avril, un des principaux instigateurs de la révolution du 25 janvier 2011. Dès lors, le nombre d’utilisateurs de Facebook en Égypte n’a cessé d’augmenter : de 822 560 en 2008 à 5 millions à la veille de la révolution et à plus de 9,3 millions au début de l’année 2012. »
La révolte en réseau : le « printemps arabe » et les médias sociaux / David M. Faris (in Politique étrangère)
«
Facebook a permis à la veille de la révolution du 25 janvier 2011 une véritable prise de conscience de la portée de la contestation de Moubarak, d'une part, et la coordination du mouvement, d'autre part.
Mais la contribution de ces réseaux aux mobilisations et manifestations de masse reste tributaire de la mobilisation de la jeunesse. Elle reste marginale puisqu'elle ne touche pas la population égyptienne dans son ensemble même si elle a indéniablement révolutionné l'espace médiatique depuis janvier 2011...
En effet, le profil type du cyber-activiste utilisant les réseaux sociaux est un jeune âgé entre 18 et 40 ans, citadin, sensibilisé aux valeurs démocratiques, le plus souvent lors d'un passage en Occident.
Selon Mounir Bensalah, militant et blogueur marocain auteur de Réseaux sociaux et révolutions arabes ? (éd. Michalon), l'Occident aurait exagéré l'impact des réseaux sociaux dès la naissance du printemps arabe.
Ces réseaux auraient simplement accompagné les révolutions arabes en mobilisant les internautes égyptiens. "La révolution Facebook ou Twitter, tel que ces évènements ont été qualifiés, sont un mythe et un fantasme nés de raccourcis journalistiques." »
Egypte : les réseaux sociaux derrière la mobilisation anti-Morsi / Dounia Hadni (in L’Express)
Pour aller plus loin :
• Egypte : la révolution, le militant et le hastag / Vinciane Jacquet (in Rue89)
• Printemps arabe : « Le rôle des réseaux sociaux a été très exagéré » / Marc Daou (in France 24)
• Le rôle des réseaux sociaux dans les révolutions arabes a-t-il été fantasmé ? / Le secret des sources (France Culture)
• Internet, le « Printemps arabe » et la dévaluation du cuberactivisme arabe / Yves Gonzalez-Quijano (in Egypte / Monde arabe)
• La révolution arabe, fille de l’Internet ? / Marie Bénilde (in Le Monde diplomatique)
• Les révoltes arabes sont-elles des « révolutions 2.0 » ? / Rémy Ourdan (in Le Monde)
• Internet : nouvel outil de démocratie ? Etude de cas de l’Egypte / Dina Mandour (Mémoire Master2 professionnel communication politique et sociale)
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