Question d'origine :
Bonjour,
J'aimerais savoir comment le cartel divisé de l'OPEP parvient à subsister?
Merci d'avance!
Réponse du Guichet
gds_se
- Département : Équipe du Guichet du Savoir
Le 11/01/2017 à 11h33
Bonjour
Comme nous le mentionnons dans notre précédente réponse Système de cartellisation, l’ouvrage Economie industrielle de Dennis W. Carlton et Jeffrey M. Perloff revient longuement sur les cartels. Une annexe au chapitre 6 de cet ouvrage (chapitre consacré aux cartels) est entièrement dédiée à l’exemple de l’OPEP :
« Durant des années, l’Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole (OPEP) fut considérée comme un exemple de cartel réussi. En effet, l’OPEP a considérablement augmenté le prix à la consommation des produits pétroliers, gagné des sommes colossales et survécu de nombreuses années. Aujourd’hui, cependant, ses profits sont moindres qu’à la grande époque. On se demande encore si l’OPEP fut un cartel qui maximisa son profit. »
Les auteurs tentent, dans la suite de l’annexe, de comprendre sur quel(s) modèle(s) fonctionne l’OPEP et ainsi évaluer sa longévité.
Créé en 1960, sous l’égide du Vénézuela, l’OPEP rassemble les principaux pays raffinant du pétrole, afin de soutenir les prix du baril :
« L'O.P.E.P. (O.P.E.C. en anglais) a été créée à Bagdad, en 1960, à l'initiative principale du Venezuela. Outre ce pays, les membres fondateurs sont l'Arabie Saoudite, l'Irak, l'Iran et le Koweït. Son siège est à Genève jusqu’en 1965, année où il est transféré à Vienne (Autriche). Dans un contexte d'offre pétrolière abondante, son influence reste faible jusqu'au début des années 1970, l'O.P.E.P. limitant son ambition à l'amélioration des recettes perçues par ses membres sur l'exploitation des concessions.
Mais le retournement du marché pétrolier, le poids croissant des pays du Moyen-Orient au sein de l'Organisation et la politisation des problèmes (nationalisation quasi générale des industries pétrolières ; conflit israélo-palestinien) transforment l'O.P.E.P. en acteur de premier plan, capable d'imposer unilatéralement aux économies du Nord des hausses massives du prix du brut.
Cependant, l'O.P.E.P. réunit des intérêts trop divergents (les intérêts vitaux de l'Algérie, de l'Indonésie ou du Nigeria, pays aux réserves pétrolières limitées et aux besoins de développement pressants, sont très différents de ceux de l'Arabie Saoudite ou des Émirats du Golfe) et entretient trop de rivalités internes (Irak-Iran, Arabie Saoudite-Iran, etc.) pour fonctionner comme un véritable cartel. »
OPEP / Encyclopaedia Universalis
« Cette organisation est créée à l’initiative de Juan Pablo Pérez Alfonzo, alors ministre du développement du Venezuela, qui souhaite en faire une force de régulation du marché pétrolier. Elle vise à rééquilibrer les relations entre les pays producteurs et les compagnies pétrolières occidentales qui régissent le marché depuis sa création à la fin du XIXe siècle. L'OPEP réunit aujourd'hui 14 pays membres : l'Algérie, l'Angola, l'Arabie saoudite, l'Équateur, le Gabon, l'Indonésie, l'Iran, l'Irak, le Koweït, la Libye, le Nigéria, le Qatar, les Émirats arabes unis et le Venezuela. […]
Fonctionnement
Le premier objectif de l’OPEP est l’orientation à la hausse du cours du pétrole et la maîtrise de son cycle de production. Depuis mi-2014, l'Arabie saoudite, qui a historiquement joué le rôle de « swing producer », privilégie toutefois la défense de ses parts de marché face à l'augmentation de la production américaine, dans un contexte de forte chute des cours.
L’OPEP dispose depuis 1982 d'un système de régulation de la production et du prix de vente au moyen d'un montant total de production d'environ 30 millions de barils par jour (le système des quotas de production a été arrêté en 2011). Le volume de production de chacun des membres est défini en fonction de ses réserves et ajusté en fonction des besoins des pays consommateurs. Les treize membres actuels de l’OPEP constituent donc un cartel de producteurs. […]
Enjeux
Après avoir limité son action à l’amélioration des recettes tirées de l’exploitation pétrolière par les pays membres, l’OPEP est devenue un interlocuteur économique majeur capable d’influer sur le prix d’une ressource stratégique. Elle est aussi implicitement devenue un acteur politique de premier plan, en particulier dans le cadre du conflit israélo-palestinien.
Emmenée par l’Arabie saoudite, l'OPEP a pour objectif de concilier l’optimisation des revenus de ses membres et la gestion sur le terme de leurs ressources pétrolières tout en préservant la stabilité des relations et des échanges avec les pays clients.
La réalisation de cet objectif paradoxal implique un contrôle permanent sans faille des prix mondiaux du pétrole. Ce contrôle n'est toutefois pas assuré depuis la chute des cours mi-2014 : l'Arabie saoudite a refusé à plusieurs reprises de réduire sa production, ce qui impliquerait une perte de parts de marché au profit des États-Unis, devenu premier producteur mondial grâce à l'exploitation de ses hydrocarbures non conventionnels.
Cinquante ans après sa fondation, l’OPEP doit relever trois défis majeurs qui perdurent depuis les années 1990 :
• la résolution des nouveaux conflits internes : la fracture entre membres pro et anti-Américains exacerbe ces conflits. L’Arabie saoudite, alliée traditionnelle des États-Unis, est confrontée à l’Iran et au Venezuela, deux des pays les plus ouvertement anti-Américains dans le monde, qui contestent son influence sur l’organisation. Au-delà des divergences idéologiques, une frontière se dessine entre les pays pour qui l’OPEP doit avant tout être l’animateur d’un marché de matières premières et ceux désireux d’en faire une arme plus politique ;
• la montée en puissance de la Russie…et des autres : l’OPEP est le seul cartel dans son domaine et ne possède pas de moyen de pression sur les États qui n’en sont pas membres, notamment sur la Russie. Dopée par des investissements importants et des réserves a priori substantielles, la Russie s’est engagée dans une course à la production. Entre maintien des prix pour l’un et gain de parts de marché pour l’autre, les intérêts de l’OPEP et ceux de la Russie sont clairement divergents. Avec 10,8 millions de barils par jour en 2014(5), la Russie produit autant que l’Iran, le Nigéria, le Venezuela, l'Algérie et l’Équateur réunis.
La production croissante d'hydrocarbures non conventionnels aux États-Unis (qui ont fait du pays le premier producteur mondial avec 11,6 millions de barils par jour en 2014) est également susceptible de réduire l'influence de l'OPEP. Si cette influence tient encore à ses réserves d’hydrocarbures annoncées comme les premières au monde, personne ne sait les évaluer avec précision. Les nouveaux gisements découverts notamment au Canada ou au large du Brésil pourraient bouleverser la répartition mondiale de ces réserves et donc diminuer significativement la part de l’OPEP. Dans un contexte économique mondial difficile, la consommation de pétrole est soutenue par la croissance des BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine). Sauf à convaincre de nouveaux États d’adhérer à son organisation, l’influence de l’OPEP sur les cours du pétrole pourrait décliner ;
• les déclins simultanés de son influence et de l’économie pétrolière : la dépendance des pays industrialisés envers le pétrole décline (ex. la facture pétrolière de la France représentait 4 % de son PIB en 1980 et 2,1% en 2014). A contrario, les pays de l’OPEP restent très dépendants du pétrole. A l’exception du Koweït et du Qatar, les membres ont encore peu développé un modèle économique pérenne pouvant relayer l’industrie pétrolière, or les revenus pétroliers représentent en moyenne plus de la moitié de leur PIB. Les contextes politiques favorisent cette atonie dans la mesure où une partie importante des revenus du pétrole finance en priorité des activités militaires ou de maintien de l’ordre. Notons que la consommation de gaz naturel croît plus vite que celle de pétrole, ressource à laquelle se limite l’OPEP. »
OPEP / Connaissances des énergies
Les pays de l’OPEP cherchent toujours à défendre un intérêt commun, à savoir le prix du pétrole, malgré de fortes tensions :
« Depuis plusieurs semaines, l’Arabie saoudite tente d’arracher aux autres producteurs de pétrole un accord de réduction d’environ 2 % de la production mondiale afin de faire remonter les cours tombés sous la barre de 50 dollars le baril. Et depuis plusieurs jours, on assiste à un ballet diplomatique intense pour sceller un accord et faire oublier l’échec, en avril, du sommet de Doha (Qatar).
Tout devrait se jouer lors de la réunion des 14 membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), mercredi 30 novembre, à Vienne. Les pourparlers s’intensifient entre quatre acteurs majeurs : les trois plus gros producteurs de l’OPEP (Arabie saoudite, Irak, Iran) et la Russie, qui est actuellement le premier producteur mondial d’or noir. […]
L’accord est loin d’être acquis au sein du cartel, ce qui explique l’annulation de la réunion russo-saoudienne prévue lundi. Avant de s’engager, Moscou réclame un accord préalable au sein de l’OPEP.
Les pays pétroliers sont au moins d’accord sur un diagnostic, partagé par l’OPEP et l’Agence internationale de l’énergie (AIE) : le déséquilibre entre une offre surabondante et une demande en progression modérée persistera au premier semestre 2017, le rééquilibrage ne pouvant intervenir qu’au second semestre.
34 millions de barils par jour en novembre
Cette situation plaide en faveur d’un resserrement rapide des vannes. En septembre, à Alger, l’OPEP, qui produit un tiers du brut mondial, s’était entendu pour discuter d’une baisse de production. Elle se fondait alors sur les données d’août. Depuis, la production a continué de progresser et l’on estime que le cartel de Vienne a produit, en moyenne, 34 millions de barils par jour en novembre.
Il est envisagé que l’OPEP la réduise d’environ 1,1 million, une partie importante de l’effort étant consentie par les Saoudiens. Si la Libye et le Nigeria sont autorisés à redresser leur production pour retrouver le niveau d’avant la guerre civile ou les troubles dans le delta du Niger, l’Irak et l’Iran n’en seront pas exemptés. Or si l’Irak fait preuve pour l’heure de bonne volonté, rien n’est acquis du côté des Iraniens. Un refus du géant chiite freinerait les velléités régulatrices du royaume sunnite de Ryad. »
Pétrole : intense ballet diplomatique avant le sommet de l’OPEP / Jean-Michel Bezat (in Le Monde)
« Le cartel des pays producteurs de pétrole est parvenu à un accord la semaine dernière, en dépit de la rivalité entre Iraniens et Saoudiens. Les négociations auront permis à la Russie d’exercer son influence.
«On peut être rivaux, afficher de forts différends politiques et coopérer malgré tout.» Devant la télévision iranienne, Bijan Namdar Zangeneh ne boude pas son plaisir. Après des mois de rebondissements, le ministre iranien du Pétrole, son homologue saoudien et le reste des délégations de l’Organisation des pays producteurs de pétrole (OPEP) sont parvenus mercredi, in extremis, à un accord visant à réduire la production de pétrole de 1,2 million de barils par jour, à 32,5 millions. Depuis, le cours du baril de Brent a gagné 18%, atteignant lundi 55,02 dollars. Un niveau plus vu depuis 17 mois. […]
L’OPEP, qui regroupe 34 à 35% du brut mondial selon l’Agence internationale de l’énergie, n’était par parvenue à un accord de limitation de la production depuis le début de la crise financière de 2008. Entre-temps, les Etats-Unis se sont lancés massivement dans la production de pétrole de schiste et l’Iran a fait son retour sur le marché mondial. Conséquence: le baril de Brent, qui valait plus de 110 dollars en juin 2014, a chuté à moins de 30 dollars début 2016. »
OPEP : les dessous de l’accord historique / Adrià Budry Carbò (in Le Temps)
« L'Organisation des pays exportateurs de pétrole affiche sa volonté de renouer avec sa mission de gestion du marché, abandonnée depuis 2014. Elle souhaite devenir plus active dans l'anticipation de l'évolution de la demande et de l'offre d’or noir. […]
Lundi, quatre sources de l'Opep ont indiqué que le conseil des gouverneurs de l’Organisation, qui discute d'une actualisation de la stratégie à long terme depuis 2015, s'était réuni à Vienne et avait approuvé la dernière version du document. La réunion s'est "bien passée", a indiqué une autre source, ajoutant que le texte avait subi peu de modifications et que, contrairement aux précédentes réunions au cours desquelles l'Iran et l'Arabie saoudite s'étaient affrontés, Ryad avait réussi lundi sans trop de difficultés à convaincre les autres pays. Ils se sont mis d'accord sur le fait que l'Opep devait retrouver sa mission de gestion du marché (abandonnée de fait depuis 2014) et devenir plus active dans l'anticipation de l'évolution de la demande et de l'offre, ont dit les sources. »
Pétrole : l’Opep veut retrouver sa mission de gestion du marché / Capital
« Les pays exportateurs de pétrole paient cher le conflit entre les deux puissances rivales et l’organisation, qui représente le tiers de la production mondiale, échoue dans son rôle de régulation.
Les pays exportateurs de pétrole paient cher le conflit entre les deux puissances rivales et l’organisation, qui représente le tiers de la production mondiale, échoue dans son rôle de régulation.
L’Opep surmontera-t-elle la crise ouverte entre Riyad et Téhéran? Les deux frères ennemis sont des piliers de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole, créée en 1960. En novembre dernier, selon les dernières statistiques, l’Arabie saoudite a produit un peu plus de 10 millions de barils/jour, contre 3,3 millions pour l’Iran, dépassé seulement par l’Irak (3,7 millions de barils/jour). Or, l’Opep avec une moyenne de 31,5 millions de barils/jour ne représente plus que le tiers de la production mondiale de pétrole. […]
Le choc des deux puissances sur le terrain pétrolier n’est que le prolongement de leur conflit ancestral. Leur bras de fer pourrait même durer longtemps, si l’on considère leurs abondantes réserves respectives d’or noir (à l’avantage toutefois de l’Arabie saoudite). Mais dans ces conditions, c’est le rôle même de l’Opep comme régulateur de la production de ses membres qui est remis en question. D’autant que les autres pays qui font partie de l’organisation n’ont pas les moyens des deux belligérants pour faire face longtemps à l’effondrement des cours. Entre les producteurs de pétrole, une véritable guerre d’usure est engagée.
Les pays importateurs en profitent. Mais pour les exportateurs, c’est la déroute de leur économie. Et l’Opep n’est plus un bouclier contre les fluctuations des prix du pétrole lorsque l’organisation est impuissante en enrayer une division par trois des cours en dix-huit mois. […]
Certains spécialistes ont d’ailleurs déjà prédit la fin de l’Opep compte tenu du rôle dominant des pays non-Opep. D’autres considèrent que, grâce aux réserves de ses membres, l’organisation regagnera de l’influence lorsque les non-Opep auront épuisé les leurs, ou devront les utiliser avec plus de parcimonie. À moyen terme en tout cas, l’efficacité du cartel pour ses membres est neutralisée à cause des enjeux géopolitiques au Moyen-Orient. Pour tenter de revenir dans le débat, la présidence de l’Opep a proposé une réunion des pays producteurs de l’organisation début mars alors qu’il n’en était pas prévu avant juin; mais rien ne dit que les piliers du cartel souscriront à cette proposition émise dans l’urgence. »
L’opep survivra-t-elle au conflit entre l’Arabie Saoudite et l’Iran ? / Gilles Bridier (in Slate)
Bonne journée
Comme nous le mentionnons dans notre précédente réponse Système de cartellisation, l’ouvrage Economie industrielle de Dennis W. Carlton et Jeffrey M. Perloff revient longuement sur les cartels. Une annexe au chapitre 6 de cet ouvrage (chapitre consacré aux cartels) est entièrement dédiée à l’exemple de l’OPEP :
« Durant des années, l’Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole (OPEP) fut considérée comme un exemple de cartel réussi. En effet, l’OPEP a considérablement augmenté le prix à la consommation des produits pétroliers, gagné des sommes colossales et survécu de nombreuses années. Aujourd’hui, cependant, ses profits sont moindres qu’à la grande époque. On se demande encore si l’OPEP fut un cartel qui maximisa son profit. »
Les auteurs tentent, dans la suite de l’annexe, de comprendre sur quel(s) modèle(s) fonctionne l’OPEP et ainsi évaluer sa longévité.
Créé en 1960, sous l’égide du Vénézuela, l’OPEP rassemble les principaux pays raffinant du pétrole, afin de soutenir les prix du baril :
« L'O.P.E.P. (O.P.E.C. en anglais) a été créée à Bagdad, en 1960, à l'initiative principale du Venezuela. Outre ce pays, les membres fondateurs sont l'Arabie Saoudite, l'Irak, l'Iran et le Koweït. Son siège est à Genève jusqu’en 1965, année où il est transféré à Vienne (Autriche). Dans un contexte d'offre pétrolière abondante, son influence reste faible jusqu'au début des années 1970, l'O.P.E.P. limitant son ambition à l'amélioration des recettes perçues par ses membres sur l'exploitation des concessions.
Mais le retournement du marché pétrolier, le poids croissant des pays du Moyen-Orient au sein de l'Organisation et la politisation des problèmes (nationalisation quasi générale des industries pétrolières ; conflit israélo-palestinien) transforment l'O.P.E.P. en acteur de premier plan, capable d'imposer unilatéralement aux économies du Nord des hausses massives du prix du brut.
Cependant, l'O.P.E.P. réunit des intérêts trop divergents (les intérêts vitaux de l'Algérie, de l'Indonésie ou du Nigeria, pays aux réserves pétrolières limitées et aux besoins de développement pressants, sont très différents de ceux de l'Arabie Saoudite ou des Émirats du Golfe) et entretient trop de rivalités internes (Irak-Iran, Arabie Saoudite-Iran, etc.) pour fonctionner comme un véritable cartel. »
OPEP / Encyclopaedia Universalis
« Cette organisation est créée à l’initiative de Juan Pablo Pérez Alfonzo, alors ministre du développement du Venezuela, qui souhaite en faire une force de régulation du marché pétrolier. Elle vise à rééquilibrer les relations entre les pays producteurs et les compagnies pétrolières occidentales qui régissent le marché depuis sa création à la fin du XIXe siècle. L'OPEP réunit aujourd'hui 14 pays membres : l'Algérie, l'Angola, l'Arabie saoudite, l'Équateur, le Gabon, l'Indonésie, l'Iran, l'Irak, le Koweït, la Libye, le Nigéria, le Qatar, les Émirats arabes unis et le Venezuela. […]
Le premier objectif de l’OPEP est l’orientation à la hausse du cours du pétrole et la maîtrise de son cycle de production. Depuis mi-2014, l'Arabie saoudite, qui a historiquement joué le rôle de « swing producer », privilégie toutefois la défense de ses parts de marché face à l'augmentation de la production américaine, dans un contexte de forte chute des cours.
L’OPEP dispose depuis 1982 d'un système de régulation de la production et du prix de vente au moyen d'un montant total de production d'environ 30 millions de barils par jour (le système des quotas de production a été arrêté en 2011). Le volume de production de chacun des membres est défini en fonction de ses réserves et ajusté en fonction des besoins des pays consommateurs. Les treize membres actuels de l’OPEP constituent donc un cartel de producteurs. […]
Après avoir limité son action à l’amélioration des recettes tirées de l’exploitation pétrolière par les pays membres, l’OPEP est devenue un interlocuteur économique majeur capable d’influer sur le prix d’une ressource stratégique. Elle est aussi implicitement devenue un acteur politique de premier plan, en particulier dans le cadre du conflit israélo-palestinien.
Emmenée par l’Arabie saoudite, l'OPEP a pour objectif de concilier l’optimisation des revenus de ses membres et la gestion sur le terme de leurs ressources pétrolières tout en préservant la stabilité des relations et des échanges avec les pays clients.
La réalisation de cet objectif paradoxal implique un contrôle permanent sans faille des prix mondiaux du pétrole. Ce contrôle n'est toutefois pas assuré depuis la chute des cours mi-2014 : l'Arabie saoudite a refusé à plusieurs reprises de réduire sa production, ce qui impliquerait une perte de parts de marché au profit des États-Unis, devenu premier producteur mondial grâce à l'exploitation de ses hydrocarbures non conventionnels.
Cinquante ans après sa fondation, l’OPEP doit relever trois défis majeurs qui perdurent depuis les années 1990 :
• la résolution des nouveaux conflits internes : la fracture entre membres pro et anti-Américains exacerbe ces conflits. L’Arabie saoudite, alliée traditionnelle des États-Unis, est confrontée à l’Iran et au Venezuela, deux des pays les plus ouvertement anti-Américains dans le monde, qui contestent son influence sur l’organisation. Au-delà des divergences idéologiques, une frontière se dessine entre les pays pour qui l’OPEP doit avant tout être l’animateur d’un marché de matières premières et ceux désireux d’en faire une arme plus politique ;
• la montée en puissance de la Russie…et des autres : l’OPEP est le seul cartel dans son domaine et ne possède pas de moyen de pression sur les États qui n’en sont pas membres, notamment sur la Russie. Dopée par des investissements importants et des réserves a priori substantielles, la Russie s’est engagée dans une course à la production. Entre maintien des prix pour l’un et gain de parts de marché pour l’autre, les intérêts de l’OPEP et ceux de la Russie sont clairement divergents. Avec 10,8 millions de barils par jour en 2014(5), la Russie produit autant que l’Iran, le Nigéria, le Venezuela, l'Algérie et l’Équateur réunis.
La production croissante d'hydrocarbures non conventionnels aux États-Unis (qui ont fait du pays le premier producteur mondial avec 11,6 millions de barils par jour en 2014) est également susceptible de réduire l'influence de l'OPEP. Si cette influence tient encore à ses réserves d’hydrocarbures annoncées comme les premières au monde, personne ne sait les évaluer avec précision. Les nouveaux gisements découverts notamment au Canada ou au large du Brésil pourraient bouleverser la répartition mondiale de ces réserves et donc diminuer significativement la part de l’OPEP. Dans un contexte économique mondial difficile, la consommation de pétrole est soutenue par la croissance des BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine). Sauf à convaincre de nouveaux États d’adhérer à son organisation, l’influence de l’OPEP sur les cours du pétrole pourrait décliner ;
• les déclins simultanés de son influence et de l’économie pétrolière : la dépendance des pays industrialisés envers le pétrole décline (ex. la facture pétrolière de la France représentait 4 % de son PIB en 1980 et 2,1% en 2014). A contrario, les pays de l’OPEP restent très dépendants du pétrole. A l’exception du Koweït et du Qatar, les membres ont encore peu développé un modèle économique pérenne pouvant relayer l’industrie pétrolière, or les revenus pétroliers représentent en moyenne plus de la moitié de leur PIB. Les contextes politiques favorisent cette atonie dans la mesure où une partie importante des revenus du pétrole finance en priorité des activités militaires ou de maintien de l’ordre. Notons que la consommation de gaz naturel croît plus vite que celle de pétrole, ressource à laquelle se limite l’OPEP. »
OPEP / Connaissances des énergies
Les pays de l’OPEP cherchent toujours à défendre un intérêt commun, à savoir le prix du pétrole, malgré de fortes tensions :
« Depuis plusieurs semaines, l’Arabie saoudite tente d’arracher aux autres producteurs de pétrole un accord de réduction d’environ 2 % de la production mondiale afin de faire remonter les cours tombés sous la barre de 50 dollars le baril. Et depuis plusieurs jours, on assiste à un ballet diplomatique intense pour sceller un accord et faire oublier l’échec, en avril, du sommet de Doha (Qatar).
Tout devrait se jouer lors de la réunion des 14 membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), mercredi 30 novembre, à Vienne. Les pourparlers s’intensifient entre quatre acteurs majeurs : les trois plus gros producteurs de l’OPEP (Arabie saoudite, Irak, Iran) et la Russie, qui est actuellement le premier producteur mondial d’or noir. […]
L’accord est loin d’être acquis au sein du cartel, ce qui explique l’annulation de la réunion russo-saoudienne prévue lundi. Avant de s’engager, Moscou réclame un accord préalable au sein de l’OPEP.
Les pays pétroliers sont au moins d’accord sur un diagnostic, partagé par l’OPEP et l’Agence internationale de l’énergie (AIE) : le déséquilibre entre une offre surabondante et une demande en progression modérée persistera au premier semestre 2017, le rééquilibrage ne pouvant intervenir qu’au second semestre.
Cette situation plaide en faveur d’un resserrement rapide des vannes. En septembre, à Alger, l’OPEP, qui produit un tiers du brut mondial, s’était entendu pour discuter d’une baisse de production. Elle se fondait alors sur les données d’août. Depuis, la production a continué de progresser et l’on estime que le cartel de Vienne a produit, en moyenne, 34 millions de barils par jour en novembre.
Il est envisagé que l’OPEP la réduise d’environ 1,1 million, une partie importante de l’effort étant consentie par les Saoudiens. Si la Libye et le Nigeria sont autorisés à redresser leur production pour retrouver le niveau d’avant la guerre civile ou les troubles dans le delta du Niger, l’Irak et l’Iran n’en seront pas exemptés. Or si l’Irak fait preuve pour l’heure de bonne volonté, rien n’est acquis du côté des Iraniens. Un refus du géant chiite freinerait les velléités régulatrices du royaume sunnite de Ryad. »
Pétrole : intense ballet diplomatique avant le sommet de l’OPEP / Jean-Michel Bezat (in Le Monde)
« Le cartel des pays producteurs de pétrole est parvenu à un accord la semaine dernière, en dépit de la rivalité entre Iraniens et Saoudiens. Les négociations auront permis à la Russie d’exercer son influence.
«On peut être rivaux, afficher de forts différends politiques et coopérer malgré tout.» Devant la télévision iranienne, Bijan Namdar Zangeneh ne boude pas son plaisir. Après des mois de rebondissements, le ministre iranien du Pétrole, son homologue saoudien et le reste des délégations de l’Organisation des pays producteurs de pétrole (OPEP) sont parvenus mercredi, in extremis, à un accord visant à réduire la production de pétrole de 1,2 million de barils par jour, à 32,5 millions. Depuis, le cours du baril de Brent a gagné 18%, atteignant lundi 55,02 dollars. Un niveau plus vu depuis 17 mois. […]
L’OPEP, qui regroupe 34 à 35% du brut mondial selon l’Agence internationale de l’énergie, n’était par parvenue à un accord de limitation de la production depuis le début de la crise financière de 2008. Entre-temps, les Etats-Unis se sont lancés massivement dans la production de pétrole de schiste et l’Iran a fait son retour sur le marché mondial. Conséquence: le baril de Brent, qui valait plus de 110 dollars en juin 2014, a chuté à moins de 30 dollars début 2016. »
OPEP : les dessous de l’accord historique / Adrià Budry Carbò (in Le Temps)
« L'Organisation des pays exportateurs de pétrole affiche sa volonté de renouer avec sa mission de gestion du marché, abandonnée depuis 2014. Elle souhaite devenir plus active dans l'anticipation de l'évolution de la demande et de l'offre d’or noir. […]
Lundi, quatre sources de l'Opep ont indiqué que le conseil des gouverneurs de l’Organisation, qui discute d'une actualisation de la stratégie à long terme depuis 2015, s'était réuni à Vienne et avait approuvé la dernière version du document. La réunion s'est "bien passée", a indiqué une autre source, ajoutant que le texte avait subi peu de modifications et que, contrairement aux précédentes réunions au cours desquelles l'Iran et l'Arabie saoudite s'étaient affrontés, Ryad avait réussi lundi sans trop de difficultés à convaincre les autres pays. Ils se sont mis d'accord sur le fait que l'Opep devait retrouver sa mission de gestion du marché (abandonnée de fait depuis 2014) et devenir plus active dans l'anticipation de l'évolution de la demande et de l'offre, ont dit les sources. »
Pétrole : l’Opep veut retrouver sa mission de gestion du marché / Capital
« Les pays exportateurs de pétrole paient cher le conflit entre les deux puissances rivales et l’organisation, qui représente le tiers de la production mondiale, échoue dans son rôle de régulation.
Les pays exportateurs de pétrole paient cher le conflit entre les deux puissances rivales et l’organisation, qui représente le tiers de la production mondiale, échoue dans son rôle de régulation.
L’Opep surmontera-t-elle la crise ouverte entre Riyad et Téhéran? Les deux frères ennemis sont des piliers de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole, créée en 1960. En novembre dernier, selon les dernières statistiques, l’Arabie saoudite a produit un peu plus de 10 millions de barils/jour, contre 3,3 millions pour l’Iran, dépassé seulement par l’Irak (3,7 millions de barils/jour). Or, l’Opep avec une moyenne de 31,5 millions de barils/jour ne représente plus que le tiers de la production mondiale de pétrole. […]
Le choc des deux puissances sur le terrain pétrolier n’est que le prolongement de leur conflit ancestral. Leur bras de fer pourrait même durer longtemps, si l’on considère leurs abondantes réserves respectives d’or noir (à l’avantage toutefois de l’Arabie saoudite). Mais dans ces conditions, c’est le rôle même de l’Opep comme régulateur de la production de ses membres qui est remis en question. D’autant que les autres pays qui font partie de l’organisation n’ont pas les moyens des deux belligérants pour faire face longtemps à l’effondrement des cours. Entre les producteurs de pétrole, une véritable guerre d’usure est engagée.
Les pays importateurs en profitent. Mais pour les exportateurs, c’est la déroute de leur économie. Et l’Opep n’est plus un bouclier contre les fluctuations des prix du pétrole lorsque l’organisation est impuissante en enrayer une division par trois des cours en dix-huit mois. […]
Certains spécialistes ont d’ailleurs déjà prédit la fin de l’Opep compte tenu du rôle dominant des pays non-Opep. D’autres considèrent que, grâce aux réserves de ses membres, l’organisation regagnera de l’influence lorsque les non-Opep auront épuisé les leurs, ou devront les utiliser avec plus de parcimonie. À moyen terme en tout cas, l’efficacité du cartel pour ses membres est neutralisée à cause des enjeux géopolitiques au Moyen-Orient. Pour tenter de revenir dans le débat, la présidence de l’Opep a proposé une réunion des pays producteurs de l’organisation début mars alors qu’il n’en était pas prévu avant juin; mais rien ne dit que les piliers du cartel souscriront à cette proposition émise dans l’urgence. »
L’opep survivra-t-elle au conflit entre l’Arabie Saoudite et l’Iran ? / Gilles Bridier (in Slate)
Bonne journée
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