Question d'origine :
L'utilisation d'une crécelle ou tout autre instrument bruyant pendant le triduum pascal servait à appeler les fidèles aux offices.
Certains folkloristes pensent que cela pourrait aussi rappeler les bruits effrayants qui accompagnèrent la mort du Christ.
Qu'en est-il de cette théorie.
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 06/01/2017 à 08h40
Que penser de l’interprétation de certains folkloristes concernant l’utilisation des crécelles pendant le triduum pascal?
Une précédente réponse du Guichet du savoir, répondant notamment à la question « Quand l'usage de la crécelle, en remplacement des sonneries de cloches, a-t-il été supprimé pendant le triduum pascal ? », permet de situer plus généralement le triduum pascal et les rites actuels, par rapport à ceux qui se pratiquaient dans le passé.
- Dans Comprendre et vivre la liturgie. Signes et symboles expliqués à tous, de Xavier Accart
« Après chaque pièce psalmodiée, un des cierges du chandelier est éteint ; c’est comme une image de l’abandon progressif dont est victime Jésus et le symbole de la vie qui se retire du crucifié. L’obscurité s’épaissit dans la nef dépouillée jusqu’à ce que, au terme de long office, il ne reste plus que la flamme du sommet. Le Christ est seul. Sa vie humaine vacille sur la croix. Le cérémoniaire cache alors le dernier cierge derrière l’autel. L’église enténébrée semble devenu un tombeau où nous sommes ensevelis avec le Christ.
C’est alors que les fidèles se mettent à faire du vacarme, l’un frappant avec un livre de chant sur sa stalle, l’autre tapant des pieds, une troisième faisant tourner une crécelle. Ce
Dans Initiation à la liturgie romaine, de Michel Gitton, p. 102, on retrouve les éléments de description de l’office :
« A la fin, on retire la dernière lumière après avoir éteint les cierges de l’autel pendant le Benedictus et, dans le silence complet, retentit le fracas symbolique (
Cette interprétation du rôle des crécelles est donc bien en adéquation avec les symboles et rites liturgiques.
Les folkloristes dont vous parlez ont fait le lien entre ces rites et le folklore français. Tel est le propos de Arnod Van Gennep , Le Manuel du folklore français, dans un chapitre intitulé : les cérémonies liturgiques folklorisées.
«Le Jeudi, Vendredi le samedi et le dimanche, au contraire forment un tout dramatisé dans les Evangiles et dans le Rituel chrétien ; c’est à ce scénario que le peuple a ajouté des coutumes, dont certaines pouvant avoir existé avant la diffusion du christianisme, dont d’autres ont dû être inventées après elle, pendant les siècles du Moyen Age,[…]
On ne sait de quand date l’interdiction de sonner les cloches du Jeudi-Saint au Samedi-Saint afin de commémorer le temps qui s »écoula entre la mort du christ et sa Résurrection. Ce n’est qu’au VIII° qu’il y a à Rome »un moment assez mal déterminé » où l’on cesse de sonner les cloches pendant cette période.[…]
Ce n’est donc que de cette époque que peuvent dater l’interprétation populaire du silence des cloches, l’idée si répandue de nos jours de leur voyage à Rome et l’intervention des fidèles dans le rituel par du tapage et du vacarme. Le complexe folklorique actuel s’est formé de plusieurs éléments. En premier lieu il est dit dans les évangiles que la mort du Christ s’accompagna de bruits effrayants , de tremblements de terre ou d’autres prodiges , souvenirs visibles des rituels bien organisés des cultes d’Attis, d’Adonis, de Dyonisos et même de rituels asianiques et égyptiens antérieurs , dans lesquels la période entre la mort et la résurrection du dieu était considérée comme une période de marge pendant laquelle les règles ordinaires de la vie et les stipulations administratives et policières étaient temporairement suspendues . L’idée persista au Moyen Age ; mais on affecta les périodes de marge au Diable et aux démons »[…]
…celui qui se fait, à peu près partout en France, le jeudi-Saint au moment de l’office des ténèbres et dont le signal est donné par l’officiant. Le scénario de cet office est relativement complexe, même selon le Rite romain, et a dû l’être davantage autre fois quand les divers diocèses possédaient une certaine latitude liturgique. Le seul élément de ce rituel qui ait donné lieu à des interventions, ou à des inventions folkloriques et le remplacement des cloches par un instrument différent, le plus souvent en bois. »
Extraits p 1010 à 1018
Pour compléter :
- Université de Montréal,
- Le Grand Voyage pascal des cloches.
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