Pupilles de la nation, orphelinats...
DIVERS
+ DE 2 ANS
Le 30/12/2016 à 09h47
231 vues
Question d'origine :
Bonjour,
J'aimerais savoir comment pouvait on devenir un orphelinat pendant la première guerre mondiale ? Quelles étaient les démarches ? Etc...
Merci d'avance !
Réponse du Guichet
gds_et
- Département : Équipe du Guichet du Savoir
Le 02/01/2017 à 14h57
Bonjour,
Au début du conflit, au-delà des bonnes volontés spontanées qui se manifestent un peu partout, une mobilisation associative massive se met en place :
« Le monde associatif constitue une réalité prégnante de la société française du début du XXe siècle. A titre d’exemple, la communauté juive parisienne ne compte pas moins de trente-quatre sociétés de charité en 1910. Les initiatives d’assistance vont toutefois se démultiplier de manière extraordinaire avec la guerre. Dès 1916, on compte plus de trois mille œuvres de bienfaisance à Paris. Ces associations sont généralement déclarées dans le cadre juridique de la loi du 1er juillet 1901, qui a très certainement contribué à une telle effervescence. Rappelons que, selon cette loi, les associations doivent se constituer auprès du préfet qui peut refuser l’agrément. C’est le dépôt des statuts qui les légalise. Les associations comptent des membres fondateurs, bienfaiteurs, donateurs, titulaires ou adhérents, distingués par le montant de leur cotisation, mais aussi un certain nombre de personnes bénévoles, souvent des femmes, qui assurent la réalité des tâches d’assistance sur le terrain. La loi du 30 mai 1916 sur les œuvres de guerre oblige en outre les associations charitables à justifier l’argent dépensé. Les associations peuvent demander leur reconnaissance comme établissement d’utilité publique. La procédure exige un rapport du ministre de l’Intérieur et la constitution d’un dossier volumineux ; quant à la reconnaissance, elle est entérinée par un décret du président de la République. Elle permet notamment de recevoir des legs, ce qui élargit singulièrement les possibilités de financement. »
On voit alors se développer des œuvres d’assistance aussi bien dans le milieu corporatif, chrétien, que laïc. Leur financement repose essentiellement sur les dons et les ventes :
« Le nerf de l’action est l’argent, absolument nécessaire pour aider les enfants. Les journées consacrées aux orphelins de guerre permettent de recueillir des sommes importantes sans toutefois atteindre le succès des manifestations en faveur des combattants. Dans la Nièvre, la vente d’insignes ou de médailles lors de la Journée de l’Orphelinat des armées du 27 juin 1915 rapporte environ 27000 francs et une autre Journée nationale des orphelins de guerre des 1er et 2 novembre 1916, presque 19000. Il s’agit de sommes tout à fait significatives mais inférieures aux 49000 francs de la Journée du Secours national, aux 40000 de la Journée nivernaise au profit des mutilés de la guerre ou encore aux 23500 francs de la Journée du poilu. La répartition est à peu près la même dans d’autres régions. Les associations confessionnelles jouent un rôle majeur dans l’organisation de ces journées. Selon le Journal de la Nièvre du 18 novembre 1916, les jeunes filles des œuvres catholiques « se sont astreintes à vendre des insignes aux portes des églises de la ville et à celle du cimetière, […] avec un dévouement digne d’éloges, et avec une régularité presque toute militaire ».
Au-delà de l’exceptionnel de ces grandes journées, les œuvres essaient de solliciter au quotidien le maximum de dons. Les associations départementales des pupilles de l’école publique, orphelins de la guerre se démontrent sans aucun doute parmi les plus imaginatives. Elles multiplient les initiatives : des lapins élevés par les écoliers dans des « jardins scolaires » à la vente des vieux papiers ou des images d’Epinal. Différents noms sont donnés à cette solidarité entre enfants comme « tronc des privations » - à savoir des troncs pour les pupilles placés dans les mairies » ou « dîme du bonheur ». Les associations mettent surtout en place le sou des écoliers. Les élèves, à l’exception de ceux des familles les plus modestes, ont le « devoir » d’apporter régulièrement à leur instituteur une pièce d’un sou, destinée aux orphelins secourus. Cette contribution a une forte connotation pédagogique car elle permet d’inculquer les valeurs non seulement de l’argent mais aussi de la fraternité entre camarades.
L’argent ainsi recueilli, à travers des manifestations étonnamment diverses, est le levier de l’assistance envers les orphelins.
A partir de 1917 les structures existantes ont tendance à s’institutionnaliser ; le rôle des associations privées décline progressivement face à une action sans cesse plus efficace de l’Etat.
« Le tout étatique qui se met alors en place cherche avant tout à canaliser le courant philanthropique qui se manifeste ici ou là. C’est à la nation elle-même, à tous ses membres, d’incarner la reconnaissance due aux orphelins de guerre. Peu importe la plus ou moins grande efficacité, il faut que l’action publique ne soit pas confisquée par les agents de l’Etat mais au contraire qu’elle soit l’apanage des citoyens sans distinction. Message fort qui insiste sur la spécificité de la reconnaissance due à des enfants qui symbolisent la grandeur de notre pays mais en même temps confirme la suprématie des notabilités locales. »
Pour aller plus loin vous pouvez consulter l’ouvrage d’Olivier Faron : Les enfants du deuil : orphelins et pupilles de la nation de la Première Guerre mondiale (1914-1941) dont sont tirés tout les extraits cités ci-dessus. En complément vous pouvez également lire cet article du même auteur : « Aux côtés, avec, pour les pupilles de la nation. Les formes de mobilisation en faveur des orphelins de la Première Guerre mondiale », Guerres mondiales et conflits contemporains, 1/2002 (n° 205), p. 15-33. (consultable sur Cairn depuis une bibliothèque abonnée)
Bonne journée, et bonne année!
Au début du conflit, au-delà des bonnes volontés spontanées qui se manifestent un peu partout, une mobilisation associative massive se met en place :
« Le monde associatif constitue une réalité prégnante de la société française du début du XXe siècle. A titre d’exemple, la communauté juive parisienne ne compte pas moins de trente-quatre sociétés de charité en 1910. Les initiatives d’assistance vont toutefois se démultiplier de manière extraordinaire avec la guerre. Dès 1916, on compte plus de trois mille œuvres de bienfaisance à Paris. Ces associations sont généralement déclarées dans le cadre juridique de la loi du 1er juillet 1901, qui a très certainement contribué à une telle effervescence. Rappelons que, selon cette loi, les associations doivent se constituer auprès du préfet qui peut refuser l’agrément. C’est le dépôt des statuts qui les légalise. Les associations comptent des membres fondateurs, bienfaiteurs, donateurs, titulaires ou adhérents, distingués par le montant de leur cotisation, mais aussi un certain nombre de personnes bénévoles, souvent des femmes, qui assurent la réalité des tâches d’assistance sur le terrain. La loi du 30 mai 1916 sur les œuvres de guerre oblige en outre les associations charitables à justifier l’argent dépensé. Les associations peuvent demander leur reconnaissance comme établissement d’utilité publique. La procédure exige un rapport du ministre de l’Intérieur et la constitution d’un dossier volumineux ; quant à la reconnaissance, elle est entérinée par un décret du président de la République. Elle permet notamment de recevoir des legs, ce qui élargit singulièrement les possibilités de financement. »
On voit alors se développer des œuvres d’assistance aussi bien dans le milieu corporatif, chrétien, que laïc. Leur financement repose essentiellement sur les dons et les ventes :
« Le nerf de l’action est l’argent, absolument nécessaire pour aider les enfants. Les journées consacrées aux orphelins de guerre permettent de recueillir des sommes importantes sans toutefois atteindre le succès des manifestations en faveur des combattants. Dans la Nièvre, la vente d’insignes ou de médailles lors de la Journée de l’Orphelinat des armées du 27 juin 1915 rapporte environ 27000 francs et une autre Journée nationale des orphelins de guerre des 1er et 2 novembre 1916, presque 19000. Il s’agit de sommes tout à fait significatives mais inférieures aux 49000 francs de la Journée du Secours national, aux 40000 de la Journée nivernaise au profit des mutilés de la guerre ou encore aux 23500 francs de la Journée du poilu. La répartition est à peu près la même dans d’autres régions. Les associations confessionnelles jouent un rôle majeur dans l’organisation de ces journées. Selon le Journal de la Nièvre du 18 novembre 1916, les jeunes filles des œuvres catholiques « se sont astreintes à vendre des insignes aux portes des églises de la ville et à celle du cimetière, […] avec un dévouement digne d’éloges, et avec une régularité presque toute militaire ».
Au-delà de l’exceptionnel de ces grandes journées, les œuvres essaient de solliciter au quotidien le maximum de dons. Les associations départementales des pupilles de l’école publique, orphelins de la guerre se démontrent sans aucun doute parmi les plus imaginatives. Elles multiplient les initiatives : des lapins élevés par les écoliers dans des « jardins scolaires » à la vente des vieux papiers ou des images d’Epinal. Différents noms sont donnés à cette solidarité entre enfants comme « tronc des privations » - à savoir des troncs pour les pupilles placés dans les mairies » ou « dîme du bonheur ». Les associations mettent surtout en place le sou des écoliers. Les élèves, à l’exception de ceux des familles les plus modestes, ont le « devoir » d’apporter régulièrement à leur instituteur une pièce d’un sou, destinée aux orphelins secourus. Cette contribution a une forte connotation pédagogique car elle permet d’inculquer les valeurs non seulement de l’argent mais aussi de la fraternité entre camarades.
L’argent ainsi recueilli, à travers des manifestations étonnamment diverses, est le levier de l’assistance envers les orphelins.
A partir de 1917 les structures existantes ont tendance à s’institutionnaliser ; le rôle des associations privées décline progressivement face à une action sans cesse plus efficace de l’Etat.
« Le tout étatique qui se met alors en place cherche avant tout à canaliser le courant philanthropique qui se manifeste ici ou là. C’est à la nation elle-même, à tous ses membres, d’incarner la reconnaissance due aux orphelins de guerre. Peu importe la plus ou moins grande efficacité, il faut que l’action publique ne soit pas confisquée par les agents de l’Etat mais au contraire qu’elle soit l’apanage des citoyens sans distinction. Message fort qui insiste sur la spécificité de la reconnaissance due à des enfants qui symbolisent la grandeur de notre pays mais en même temps confirme la suprématie des notabilités locales. »
Pour aller plus loin vous pouvez consulter l’ouvrage d’Olivier Faron : Les enfants du deuil : orphelins et pupilles de la nation de la Première Guerre mondiale (1914-1941) dont sont tirés tout les extraits cités ci-dessus. En complément vous pouvez également lire cet article du même auteur : « Aux côtés, avec, pour les pupilles de la nation. Les formes de mobilisation en faveur des orphelins de la Première Guerre mondiale », Guerres mondiales et conflits contemporains, 1/2002 (n° 205), p. 15-33. (consultable sur Cairn depuis une bibliothèque abonnée)
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