Question d'origine :
Cher guichet,
Dans le Languedoc au XVIIe siècle,les maîtres artisans des villes parlaient-ils le français ? Le comprenaient-ils ? Les dialectes étaient-ils nombreux ?
Bonne année à vous!
Réponse du Guichet
gds_se
- Département : Équipe du Guichet du Savoir
Le 30/12/2016 à 16h01
Bonjour
En 1539, est promulguée l’ordonnance de Villers-Cotterêts, qui impose le français, en lieu et place du latin, dans tous les documents notariaux et judiciaires. « Par là, elle donne à ce dernier une force d'impact considérable qui le fera progresser, au cours des siècles suivants, au détriment de la langue d'oc et des autres parlers du royaume et en fera un admirable instrument de centralisation. »
Ordonnance de Villers-Cotterêts / Jean Meyer (in Encyclopaedia Universalis)
Toutefois, si cette ordonnance impose le français dans les écrits officiels, ce dernier a bien du mal à se faire une place dans la langue orale. Dans le Languedoc, c’est donc l’Occitan qui est parlé :
« L'occitan est donc une de ces langues romanes issues d'une déformation progressive du latin oral, autrement dit de la forme vernaculaire de latin utilisée pour la communication quotidienne. »
Du latin aux langue romanes / L’occitan, une langue (in Université Montpellier 3)
« L'annexion progressive des provinces méridionales au royaume de France après la Croisade contre les Albigeois (les Cathares) au XIIIe siècle va introduire une nouvelle situation linguistique. Dorénavant séparées de la Catalogne vers laquelle elles étaient tournées, les provinces méridionales ne regardent plus que vers le nord et l'occitan entre en concurrence avec le français. Les liens étroits qui pouvaient exister entre occitan et catalan sont rompus. Même si les usages écrits officiels en occitan croissent encore après le rattachement du Languedoc, on est entré dans une phase où le français, langue du pouvoir, est désormais en concurrence avec l'occitan. La promulgation de l'ordonnance de Villers-Cotterêts en 1539, sous le règne de François Ier, représente symboliquement l'officialisation du français écrit.
Dans l'article 111, le texte de l'ordonnance stipule que dorénavant tous les documents devront être rédigés « en langage maternel françois et non autrement ». La promulgation de ce texte, au XVIe siècle, représente symboliquement la fin des usages écrits officiels de l'occitan, même si concrètement le français a commencé à remplacer l'occitan officiel dès le courant du XVe siècle et même si sporadiquement l'occitan peut encore être utilisé dans la vie publique.
Pour la population méridionale, majoritairement analphabète, ces changements ne sont pas perceptibles et l'occitan restera d'ailleurs pour plusieurs siècles encore la langue quotidienne de plusieurs millions de Méridionaux. Quoi qu'il en soit, le processus de substitution linguistique est d'ores et déjà enclenché, même si quelques écrivains tentent encore de défendre l'écriture littéraire en occitan face à une littérature française en plein essor. Les siècles suivants ne seront que l'histoire d'une lente et progressive exclusion de l'occitan, pris dans un processus diglossique qui lui est défavorable. »
L’occitan face à la langue du roi / L’occitan, une langue (in Université Montpellier 3)
Néanmoins, il semble peu probable que les artisans – au minimum des villes importantes du Languedoc – ne connaissent pas quelques rudiments de français afin de pouvoir converser avec leur clientèle :
« Acte symbolique, le parlement créé à Toulouse en 1443 ouvre d’emblée ses registres en français, offrant aux élites toulousains de nouvelles perspectives dans un vaste ressort judiciaire. Autour des parlementaires se développe au XVIe siècle tout un monde d’hommes de loi habitués à s’exprimer en français. […]
Au même moment, avec en particulier le succès du pastel, Toulouse accède pour la première fois au rang de centre économique international, et les négociants, qui achètent souvent pour leurs enfants des charges judiciaires, se doivent de maîtriser le français. Marchands, aubergistes, artisans enfin, ne peuvent en ignorer les traits fondamentaux dans leurs relations avec leur clientèle.
L’élan donné, il se développe au cours des trois siècles des temps modernes un bilinguisme où, selon des rythmes variables, l’occitan recule au profit de la langue française. […]
Pour les artisans et pour beaucoup de petits métiers, la rue est aussi souvent un lieu de travail journalier où l’on interpelle le voisin ou le chaland en un mélange où le patois tient sans doute beaucoup plus de place que le français.
Parallèlement le fossé se creuse sur le plan culturel. Avant même l’ordonnance de Villers-Cotterêts, qui oblige à rédiger les textes officiels en français (1539), cette langue s’impose dans les actes notariés, les statuts des corporations, les Annales de la ville. »
Histoire sociale des langues de France / sous la direction de Georg Kremnitz
En ce qui concerne les différents patois, « l’occitan est habituellement divisé en six dialectes : gascon, languedocien, provençal, vivaro-alpin (ou provençal alpin), auvergnat, limousin. »
Les langues de France / sous la direction de Bernard Cerquiglini
« La langue occitane se compose de six dialectes que l'on peut regrouper en trois grands groupes:
• l'occitan méridional (sud-occitan) : languedocien et provençal,
• l'occitan septentrional (nord-occitan) : limousin, auvergnat et vivaro-alpin,
• le gascon. […]
L’occitan méridional (sud-occitan)
L'occitan méridional comprend le languedocien et le provençal. On considère qu'il s'agit d'un seul groupe dialectal jusqu'au XVIe siècle et XVIIe siècle, période où apparaissent la majorité des innovations provençales qui permettent aujourd'hui de distinguer les deux dialectes. […]
L’occitan septentrional (nord-occitan)
Le groupe nord-occitan (occitan septentrional) rassemble trois dialectes (limousin, auvergnat et vivaro-alpin) qui se caractérisent par la palatalisation ancienne de CA en cha et de GA en ja : cantar « chanter » se dit chantar, galina « poule » se dit jalina. […]
Le gascon
Le dialecte gascon forme un groupe dialectal à lui tout seul. Il possède des traits assez particuliers qui s'expliquent par la place importante du substrat basque et par des relations fortes avec la péninsule Ibérique. »
Les dialectes de l’occitan / L’occitan, une langue (in Université Montpellier 3)
Bonnes fêtes
En 1539, est promulguée l’ordonnance de Villers-Cotterêts, qui impose le français, en lieu et place du latin, dans tous les documents notariaux et judiciaires. « Par là, elle donne à ce dernier une force d'impact considérable qui le fera progresser, au cours des siècles suivants, au détriment de la langue d'oc et des autres parlers du royaume et en fera un admirable instrument de centralisation. »
Ordonnance de Villers-Cotterêts / Jean Meyer (in Encyclopaedia Universalis)
Toutefois, si cette ordonnance impose le français dans les écrits officiels, ce dernier a bien du mal à se faire une place dans la langue orale. Dans le Languedoc, c’est donc l’Occitan qui est parlé :
« L'occitan est donc une de ces langues romanes issues d'une déformation progressive du latin oral, autrement dit de la forme vernaculaire de latin utilisée pour la communication quotidienne. »
Du latin aux langue romanes / L’occitan, une langue (in Université Montpellier 3)
« L'annexion progressive des provinces méridionales au royaume de France après la Croisade contre les Albigeois (les Cathares) au XIIIe siècle va introduire une nouvelle situation linguistique. Dorénavant séparées de la Catalogne vers laquelle elles étaient tournées, les provinces méridionales ne regardent plus que vers le nord et l'occitan entre en concurrence avec le français. Les liens étroits qui pouvaient exister entre occitan et catalan sont rompus. Même si les usages écrits officiels en occitan croissent encore après le rattachement du Languedoc, on est entré dans une phase où le français, langue du pouvoir, est désormais en concurrence avec l'occitan. La promulgation de l'ordonnance de Villers-Cotterêts en 1539, sous le règne de François Ier, représente symboliquement l'officialisation du français écrit.
Dans l'article 111, le texte de l'ordonnance stipule que dorénavant tous les documents devront être rédigés « en langage maternel françois et non autrement ». La promulgation de ce texte, au XVIe siècle, représente symboliquement la fin des usages écrits officiels de l'occitan, même si concrètement le français a commencé à remplacer l'occitan officiel dès le courant du XVe siècle et même si sporadiquement l'occitan peut encore être utilisé dans la vie publique.
Pour la population méridionale, majoritairement analphabète, ces changements ne sont pas perceptibles et l'occitan restera d'ailleurs pour plusieurs siècles encore la langue quotidienne de plusieurs millions de Méridionaux. Quoi qu'il en soit, le processus de substitution linguistique est d'ores et déjà enclenché, même si quelques écrivains tentent encore de défendre l'écriture littéraire en occitan face à une littérature française en plein essor. Les siècles suivants ne seront que l'histoire d'une lente et progressive exclusion de l'occitan, pris dans un processus diglossique qui lui est défavorable. »
L’occitan face à la langue du roi / L’occitan, une langue (in Université Montpellier 3)
Néanmoins, il semble peu probable que les artisans – au minimum des villes importantes du Languedoc – ne connaissent pas quelques rudiments de français afin de pouvoir converser avec leur clientèle :
« Acte symbolique, le parlement créé à Toulouse en 1443 ouvre d’emblée ses registres en français, offrant aux élites toulousains de nouvelles perspectives dans un vaste ressort judiciaire. Autour des parlementaires se développe au XVIe siècle tout un monde d’hommes de loi habitués à s’exprimer en français. […]
Au même moment, avec en particulier le succès du pastel, Toulouse accède pour la première fois au rang de centre économique international, et les négociants, qui achètent souvent pour leurs enfants des charges judiciaires, se doivent de maîtriser le français. Marchands, aubergistes, artisans enfin, ne peuvent en ignorer les traits fondamentaux dans leurs relations avec leur clientèle.
L’élan donné, il se développe au cours des trois siècles des temps modernes un bilinguisme où, selon des rythmes variables, l’occitan recule au profit de la langue française. […]
Pour les artisans et pour beaucoup de petits métiers, la rue est aussi souvent un lieu de travail journalier où l’on interpelle le voisin ou le chaland en un mélange où le patois tient sans doute beaucoup plus de place que le français.
Parallèlement le fossé se creuse sur le plan culturel. Avant même l’ordonnance de Villers-Cotterêts, qui oblige à rédiger les textes officiels en français (1539), cette langue s’impose dans les actes notariés, les statuts des corporations, les Annales de la ville. »
Histoire sociale des langues de France / sous la direction de Georg Kremnitz
En ce qui concerne les différents patois, « l’occitan est habituellement divisé en six dialectes : gascon, languedocien, provençal, vivaro-alpin (ou provençal alpin), auvergnat, limousin. »
Les langues de France / sous la direction de Bernard Cerquiglini
« La langue occitane se compose de six dialectes que l'on peut regrouper en trois grands groupes:
• l'occitan méridional (sud-occitan) : languedocien et provençal,
• l'occitan septentrional (nord-occitan) : limousin, auvergnat et vivaro-alpin,
• le gascon. […]
L'occitan méridional comprend le languedocien et le provençal. On considère qu'il s'agit d'un seul groupe dialectal jusqu'au XVIe siècle et XVIIe siècle, période où apparaissent la majorité des innovations provençales qui permettent aujourd'hui de distinguer les deux dialectes. […]
Le groupe nord-occitan (occitan septentrional) rassemble trois dialectes (limousin, auvergnat et vivaro-alpin) qui se caractérisent par la palatalisation ancienne de CA en cha et de GA en ja : cantar « chanter » se dit chantar, galina « poule » se dit jalina. […]
Le dialecte gascon forme un groupe dialectal à lui tout seul. Il possède des traits assez particuliers qui s'expliquent par la place importante du substrat basque et par des relations fortes avec la péninsule Ibérique. »
Les dialectes de l’occitan / L’occitan, une langue (in Université Montpellier 3)
Bonnes fêtes
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