Question d'origine :
J'aimerais connaître le nombre de cités dans l'empire, disons vers les 1er ou IIe siècles ap. J.-C. Les rares évaluations trouvées vont de 2 000 à 5 000/6 000 (Von Harnack), de quoi y perdre son latin ! Merci de votre aide et de vos conseils bibliographiques.
Alain
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 17/12/2016 à 14h05
Bonjour,
Dans aucun des ouvrages de langue française que nous avons pu consulter il n’est fait mention d’une quelconque estimation du nombre de cités... Si tant est que l’on définisse précisément une cité.
Dans son ouvrage la Cité Antique, Fustel de Coulanges rappelle à ce propos que « cité et ville n’étaient pas des mots synonymes chez les anciens » (chapitre 4). « La cité était l’association religieuse et politique des familles et des tribus ; la ville était le lieu de réunion, le domicile et surtout le sanctuaire de cette association. Il ne faudrait pas nous faire des villes anciennes l’idée que nous donnent celles que nous voyons s’édifier de nos jours […] On fondait une ville d’un seul coup, tout entière en un jour ».
La très bonne synthèse des historiens Claude Briand-Ponsart et Frédéric Hurlet, l’Empire romain d’Auguste à Domitien, livre encore davantage de détails concernant les cités de l’empire (p.133 à p. 140) et distingue différents statuts de cités : « coexistaient (au Ier siècle ap. JC) des colonies romaines et latines, des municipes romains et latins et des cités pérégrines [ces dernières vivant selon leur propre droit]. Proches dans leur mode de fonctionnement, ces communautés avaient des origines différentes »
Le professeur Yves Roman propose des pages très éclairantes dans son livre Rome de Romulus à Constantin, histoire d’une première mondialisation, sur le rôle et l’enjeu des villes sous l’Empire.
« La ville fut, pour la romanité, beaucoup plus qu’une vitrine, le concept de ville-vitrine […] reposant d’ailleurs sur une mauvaise lecture de Max Weber […]. Elle était, en effet, une composante essentielle de la vile romaine. Malgré un paradoxe apparent, le souci du maintien et de l’accroissement de leur propre pouvoir ne pouvait que conduire les empereurs de Rome à assurer le développement de la vie municipale en général et de la ville en premier lieu […]. En maintenant très largement et en diffusant la vie municipale là où elle n’existait pas jusqu’alors, les empereurs romains non seulement ne limitaient pas leur propre pouvoir, mais donnaient à leur domination une assise qui était, en même temps, une chance de survie […]. La vie municipale avait, pour l’empereur de Rome, un avantage incomparable, celui de l’existence de ces corps intermédiaires sans lesquels se limitent très vite l’assise et la durée d’un Etat ».
Pour vous donner toutefois quelques chiffres susceptibles de vous aider dans votre recherche, nous avons dénombré une centaine de cités espagnoles au Ier siècle à l’aide du Grand Atlas de l’antiquité romaine dont nous vous recommandons la consultation.
Par ailleurs, le site cosmovisions (dont cependant nous ne pouvons garantir la fiabilité puisqu’aucune source n’est mentionnée) indique que, sous le règne d’Auguste, la Gaule compte 64 cités ; ce que confirme le site (qui lui non plus ne livre pas ses sources) ulysse.saloff.free.fr.
Dans sa Gaule lyonnaise, le professeur Alain Ferdière, signale que sur cet espace 26 cités s’étendent « de l’est lyonnais au Finistère », mais son étude ne prend pas en compte les autres régions (aquitaine, narbonnaise, belge…).
En réalité, c’est avec la littérature universitaire de langue anglaise que vos chances de préciser l’estimation pourraient augmenter !
Nous vous recommandons tout particulièrement le projet de recherche intitulé An empire of 2000 cities: urban networks and economic integration in the Roman Empire, de l’Université de Leyde aux Pays-Bas.
Le travail, toujours en cours, donne d’importantes précisions et permet de parcourir l’ensemble des grandes régions de l’empire romain. Cependant, le groupe de recherche part du postulat suivant, qui rejoint votre interrogation :
« How many cities were there actually in the Roman Empire? And why did some regions only have a few cities, while others consisted of a tight urban network? Strangely enough we do not know how many cities there were in the Roman Empire ».
Nous traduisons :
« Combien y avait-il réellement de cités dans l’Empire romain ? Et pourquoi certains régions ne comptaient que quelque cités, alors que d’autres formaient un dense réseau urbain ? De façon tout à fait surprenante, nous ne savons pas combien de cités il y avait dans cet empire »
Si vous en avez la possibilité, vous pouvez consulter le livre Hadrian and the Cities of the Roman Empire de Mary T. Boatwright professeur d’histoire à la Duke University aux USA, dont le 1er chapitre peut être lu sur Google books.
Enfin, pour compléter votre parcours sur les routes de l’empire romain, faites un détour par the Stanford geospatial Network Model of the Roman World. Le Google Map de l’Empire romain… Où vous apprendrez qu’en hiver, il fallait à pied 5 jours pour effectuer le trajet entre Lyon et Marseille (en marchant 30 km/jour) !
Pour aller plus loin :
- Rome et l’Occident, de Jean-Pierre Martin et Giovanni Brizzi (notamment la 2ème partie, le chapitre 2)
- Les villes romaines de Pierre Grimal
- Les cités de l’Occident romain (documents traduits et commentés par François Jacques)
Bonnes lectures !
Dans aucun des ouvrages de langue française que nous avons pu consulter il n’est fait mention d’une quelconque estimation du nombre de cités... Si tant est que l’on définisse précisément une cité.
Dans son ouvrage la Cité Antique, Fustel de Coulanges rappelle à ce propos que « cité et ville n’étaient pas des mots synonymes chez les anciens » (chapitre 4). « La cité était l’association religieuse et politique des familles et des tribus ; la ville était le lieu de réunion, le domicile et surtout le sanctuaire de cette association. Il ne faudrait pas nous faire des villes anciennes l’idée que nous donnent celles que nous voyons s’édifier de nos jours […] On fondait une ville d’un seul coup, tout entière en un jour ».
La très bonne synthèse des historiens Claude Briand-Ponsart et Frédéric Hurlet, l’Empire romain d’Auguste à Domitien, livre encore davantage de détails concernant les cités de l’empire (p.133 à p. 140) et distingue différents statuts de cités : « coexistaient (au Ier siècle ap. JC) des colonies romaines et latines, des municipes romains et latins et des cités pérégrines [ces dernières vivant selon leur propre droit]. Proches dans leur mode de fonctionnement, ces communautés avaient des origines différentes »
Le professeur Yves Roman propose des pages très éclairantes dans son livre Rome de Romulus à Constantin, histoire d’une première mondialisation, sur le rôle et l’enjeu des villes sous l’Empire.
« La ville fut, pour la romanité, beaucoup plus qu’une vitrine, le concept de ville-vitrine […] reposant d’ailleurs sur une mauvaise lecture de Max Weber […]. Elle était, en effet, une composante essentielle de la vile romaine. Malgré un paradoxe apparent, le souci du maintien et de l’accroissement de leur propre pouvoir ne pouvait que conduire les empereurs de Rome à assurer le développement de la vie municipale en général et de la ville en premier lieu […]. En maintenant très largement et en diffusant la vie municipale là où elle n’existait pas jusqu’alors, les empereurs romains non seulement ne limitaient pas leur propre pouvoir, mais donnaient à leur domination une assise qui était, en même temps, une chance de survie […]. La vie municipale avait, pour l’empereur de Rome, un avantage incomparable, celui de l’existence de ces corps intermédiaires sans lesquels se limitent très vite l’assise et la durée d’un Etat ».
Pour vous donner toutefois quelques chiffres susceptibles de vous aider dans votre recherche, nous avons dénombré une centaine de cités espagnoles au Ier siècle à l’aide du Grand Atlas de l’antiquité romaine dont nous vous recommandons la consultation.
Par ailleurs, le site cosmovisions (dont cependant nous ne pouvons garantir la fiabilité puisqu’aucune source n’est mentionnée) indique que, sous le règne d’Auguste, la Gaule compte 64 cités ; ce que confirme le site (qui lui non plus ne livre pas ses sources) ulysse.saloff.free.fr.
Dans sa Gaule lyonnaise, le professeur Alain Ferdière, signale que sur cet espace 26 cités s’étendent « de l’est lyonnais au Finistère », mais son étude ne prend pas en compte les autres régions (aquitaine, narbonnaise, belge…).
En réalité, c’est avec la littérature universitaire de langue anglaise que vos chances de préciser l’estimation pourraient augmenter !
Nous vous recommandons tout particulièrement le projet de recherche intitulé An empire of 2000 cities: urban networks and economic integration in the Roman Empire, de l’Université de Leyde aux Pays-Bas.
Le travail, toujours en cours, donne d’importantes précisions et permet de parcourir l’ensemble des grandes régions de l’empire romain. Cependant, le groupe de recherche part du postulat suivant, qui rejoint votre interrogation :
« How many cities were there actually in the Roman Empire? And why did some regions only have a few cities, while others consisted of a tight urban network? Strangely enough we do not know how many cities there were in the Roman Empire ».
Nous traduisons :
« Combien y avait-il réellement de cités dans l’Empire romain ? Et pourquoi certains régions ne comptaient que quelque cités, alors que d’autres formaient un dense réseau urbain ? De façon tout à fait surprenante, nous ne savons pas combien de cités il y avait dans cet empire »
Si vous en avez la possibilité, vous pouvez consulter le livre Hadrian and the Cities of the Roman Empire de Mary T. Boatwright professeur d’histoire à la Duke University aux USA, dont le 1er chapitre peut être lu sur Google books.
Enfin, pour compléter votre parcours sur les routes de l’empire romain, faites un détour par the Stanford geospatial Network Model of the Roman World. Le Google Map de l’Empire romain… Où vous apprendrez qu’en hiver, il fallait à pied 5 jours pour effectuer le trajet entre Lyon et Marseille (en marchant 30 km/jour) !
Pour aller plus loin :
- Rome et l’Occident, de Jean-Pierre Martin et Giovanni Brizzi (notamment la 2ème partie, le chapitre 2)
- Les villes romaines de Pierre Grimal
- Les cités de l’Occident romain (documents traduits et commentés par François Jacques)
Bonnes lectures !
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