Question d'origine :
Bonjour,
Après avoir parcouru dans "chercher une réponse" style artistique puis courant artistique, je me pose des questions :
Un style artistique est-il une production chronologique, de plusieurs générations d'artistes? Production de plus en plus courte depuis l'Egypte jusqu'à nos jours, on dirait.
Un courant artistique est-il seulement contenu dans un style artistique? Et touche-t-il les domaines de la philosophie de l'artiste, ses convictions politiques, ce qui concerne sa production apparentée par cela à d'autres artistes en dehors de la manière technique? Est-ce aussi chronologique que le style? Est-ce ce qu'on appellerait une tendance d'époque?
Merci chère Guichetière, cher guichetier
Réponse du Guichet
bml_art
- Département : Arts et Loisirs
Le 15/12/2016 à 14h43
Pour préciser les notions essentielles de l’histoire de l’art, rien ne vaut un bon dictionnaire spécialisé. Voici les définitions empruntées au Vocabulaire d’esthétique, publié sous la direction d’Anne Souriau :
«
On a appelé école, en peinture, non seulement ceux qui ont travaillé dans l'atelier d'un Maître, mais ceux qui s'en inspirent et travaillent dans sa manière ; et ensuite, dans tous les arts, l'ensemble de ceux qui suivent les mêmes principes, cultivent le même style, usent de techniques analogues. Mais la différence entre une
Le terme de
Les groupes qui se forment dès le début du XXe siècle se caractérisent par une très grande conscience de leur rôle en même temps que par une grande activité théorique et une volonté d'action sur le public. Le phénomène du groupe artistique s'est précipité tout au long du XXe siècle où l'on voit les groupes se succéder les uns aux autres avec rapidité et affirmer leur volonté d'œuvrer collectivement.
…Tous ces groupes partagent la même croyance à une force sur-individuelle qui pourrait transformer le monde. Aussi les voit-on s'adresser au public par de nombreux manifestes où ils ne se contentent pas de présenter leurs nouvelles idées esthétiques mais où ils déclarent leur credo philosophique, éthique et politique.
Un mouvement artistique ou littéraire est une tendance commune à un certain nombre de créateurs, à une époque donnée, et qui les mène dans une même direction. Le
I • Le
On a aussi étendu le mot à ce qui caractérise, non plus seulement une personne, mais un groupe, un peuple, une époque. Toujours dans l'Encyclopédie, J .-J. Rousseau définit le style en musique comme « la manière de composer, d'exécuter et d'enseigner », qui varie selon « le caractère des peuples et le génie des auteurs ». Il oppose ainsi le style français au style italien ; on parlait plutôt auparavant de goût français et goût italien, que Couperin oppose puis réconcilie dans les goûts réunis ; on parle du style mais aussi de la manière d'un peintre, et en littérature d'un « à la manière de ... ». Les trois termes de goût, manière, et style, servent en effet tous les trois à désigner un genre caractéristique ; mais goût réfère plutôt à la sensibilité esthétique qui fait préférer certains caractères à d'autres, manière à un mode de l'action (et, souvent, d'une action consciente et voulue) dans la création et la réalisation des œuvres, et style aux formes des œuvres elles-mêmes et à l'unité foncière de leurs caractères dominants.
II • Un style, système organique de formes
Le terme de style a pris d'abord ce nouveau sens en littérature dans le cadre de la théorie des trois styles, qui vient de Cicéron. La Rhétorique à Hérennius (IV, 8) la formule explicitement en parlant de « genres » ; la rhétorique classique emploie indifféremment genres et styles, et distingue le style simple (ou familier), le style tempéré, ou médiocre (c'est-à-dire moyen, intermédiaire), et le style soutenu ou style sublime (à ne pas confondre avec le sublime ; les auteurs sont formels : le style sublime est une manière de s'exprimer, et non de penser, définie par l'emploi de mots nobles et une construction ornée). Les styles, en ce sens, correspondent assez bien à ce que la linguistique moderne appelle les registres du langage.
Mais les théoriciens du Moyen Age ont modifié la doctrine originelle en faisant correspondre les styles avec les sujets traités et surtout les conditions sociales des personnages dont on parle (cf. Geoffroi de Vinsauf, Documentum de modo et arte dictandi et versificandi, et jean de Garlande, Poetria). La rhétorique classique n'a pas été sans subir l'influence de ces idées, surtout en les reliant à celles de Quintilien sur la convenance du style qui doit être en rapport avec le sujet traité. On admettait donc qu'on devait parler en style noble de sujets ou de personnes nobles, en style simple de choses simples, etc. La discordance entre le style et les personnages donnait le burlesque, susceptible de deux variantes que Boileau a définies dans l'Avis au lecteur de la première édition du Lutrin : « Au lieu que dans l'autre burlesque Didon et Enée parlaient comme des harengères et des crocheteurs, dans celui-ci un horloger et une horlogère parlent comme Didon et Enée. »
Ce qui différencie donc le style en ce sens II du style au sens I, c'est qu'il ne s'agit plus de caractères d'origine particulière, subjective, spéciaux à une personne ou à un groupe, mais de caractères formels objectifs, de types de discours considérés en eux-mêmes. Le style est un système d'exigences reliées entre elles de manière organique, et cette entité existe en soi.
Cette nouvelle acception du style a été étendue aux autres arts. C'est en ce sens qu'on parle en architecture de style roman ou gothique, classique, ou baroque, en ameublement de style Louis XV ou Directoire, etc. Chaque style se définit par des caractères formels très précis. Mais que signifie, en général, le mot même de style ? C'est une acception qui commence à apparaître au XVIIIe siècle, lorsque la conscience de telles entités formelles rejoint l'idée d'étendre le sens I, des personnes, aux peuples ou aux époques. Une définition historique du style, qui commence à se répandre alors, fait difficulté : on peut à une époque quelconque composer dans le style d'une époque antérieure ; et surtout, on tombe dans un cercle vicieux ; car si l'on définit le style roman ou gothique, classique ou romantique, comme celui qui était en usage à l'époque romane ou gothique, classique ou romantique, d'après quoi définir de telles époques, les faire commencer ou finir à tel moment, sinon par les caractères de leurs styles et le moment où ceux-ci apparaissent ou tombent en désuétude ? L'histoire à elle seule ne suffit donc pas pour fixer le concept de style, et les historiens de l'art ont dû chercher d'autres critères que chronologiques. Cette recherche est nette chez Arcisse de Caumont, un des fondateurs de l'archéologie médiévale, vers le milieu du XIXe siècle. Focillon, dans La vie des formes (1937) aboutit à cette définition : un style est « un ensemble cohérent de formes unies par une convenance réciproque ». Ces formes sont en effet « soumises à une logique interne qui les organise ». Mais en ensemble organique n'est pas figé ; il vit, et « on peut caractériser la vie d'un style soit comme une dialectique, soit comme un processus expérimental ». La vie des formes « ne se fait pas au hasard, elle n'est pas un fond de décor bien adapté à l'histoire et sorti de ses nécessités, elles obéissent à des règles qui leur sont propres, qui sont en elles ». Un style peut traverser de la sorte un « état expérimental où le style cherche à se définir » ; après des tâtonnements il se trouve, et c'est « le point de la plus haute convenance des parties entre elles ». Il y a d'ailleurs quelques relations entre le sens I et le sens II du terme de style, car, comme le remarque encore Focillon, « peut-être chaque style et chaque état d'un style, peut-être chaque technique requièrent-ils de préférence telle nature d'homme, telle famille spirituelle ». Mais, si nous quittons Focillon et prolongeons l'idée dans le domaine philosophique, nous voyons que le terme de style désigne bien ici une entité, au service de qui des créateurs peuvent se mettre, et qui se trouve en rapport avec les œuvres de la même manière que les universaux avec les choses.
…Mais
Le terme
« Un mouvement artistique ou courant artistique est un ensemble d'artistes et d'œuvres artistiques ayant une esthétique commune. Les historiens de l'art utilisent généralement la notion de mouvement lorsque le groupe qui y est associé se réclame d'un corpus théorique clairement défini en tant que manifeste. La notion de «
Pour approfondir votre réflexion, voici quelques titres de livres susceptibles de vous être utiles :
Ismes : du réalisme au postmodernisme / Anna Boschetti.
Les concepts en isme jalonnent l'histoire littéraire et celle des idées depuis le XIXe siècle, associés souvent aux notions de mouvement, de modernité et d'avant-garde. En faisant revivre la genèse et la diffusion des ismes, A. Boschetti renouvelle la connaissance de l'histoire intellectuelle et des courants artistiques.
Chronologie de l'histoire de l'art : de la Renaissance à nos jours / Guitemie Maldonado, Marie-Pauline Martin, Natacha Pernac.
L'art du XXe siècle : mouvements, théories, écoles et tendances 1900 - 2000 / Loredana Parmesani.
Dictionnaire des courants picturaux : tendances, mouvements, écoles, genres, du Moyen âge à nos jours.
Cet ouvrage réalisé par une équipe de spécialistes présente, du Moyen Âge à nos jours, les courants, tendances et mouvements picturaux, du gothique international aux « nouveaux » fauves, du maniérisme au suprématisme.
Dans sa préface, André Chastel décrit synthétiquement l’apparition dans l’histoire de l’art des lignages, des ateliers, des écoles, des styles, des mouvements. Il attire notre attention sur la création et l’évolution des mouvements, qui se multiplient au XXe siècle :
« Le monde artistique est celui des affinités accueillies ou recherchées, subies ou électives. Dans chaque
- un temps - leur force d'attraction, brisant sans difficulté les cloisons.
Il y a ainsi des plis, qu’il faut particulièrement discerner, dans le tissu historique. Mais le phénomène peut être abordé autrement. Nous sommes de plus en plus souvent amenés à concevoir la suite et la généralité de l’activité artistique comme une sorte de flux continu qui déferle dès l’origine humaine. C’est la conséquence à la fois de la force de la recherche et de l'organisation du musée : « au musée, la production artistique revêt les dehors d'un gigantesque atelier qui, non content de faire place aux « spécialités » les plus variées, impliquerait une manière de division universelle du travail, à l'échelle de la planète » (H. Damisch).
Vue spéculative certes, comparable à ce que Northrop Frye a su exposer dans la littérature : une seule et même réalité, à travers tous les chefs-d’oeuvre, glisse et se renouvelle indéfiniment jusqu'à nous. Comme il y a Homère et la Bible à l'origine, on placera les fresques de la préhistoire et les merveilles (perdues) de la peinture grecque, passées par Rome et Constantinople. Un vaste océan, plein de
Dictionnaire des mouvements artistiques et littéraires, 1870-2010 : groupes, courants, pôles, foyers : littérature, peinture, théâtre, cinéma, musique, architecture, photo, bande dessinée / Alain et Odette Virmaux.
Ce livre propose un panorama complet des mouvements (
Les mouvements dans l'art / Laure-Caroline Semmer.
Courants, mouvements, écoles, genres, foyers, groupes, tendances ont animé l'histoire de l'art occidental depuis la fin du Moyen Age jusqu'à l'art le plus contemporain. Ces mouvements sont le reflet de l'évolution de l'art, en perpétuelle mutation au fil du temps et des générations d'artistes. En replaçant tous ces phénomènes dans la chronologie, ce livre permet de comprendre et d'identifier les styles de chaque époque et leurs évolutions. Il montre aussi, par des commentaires d'œuvres clés, comment rattacher un artiste à une esthétique, un style, une période... Une véritable histoire de l'art, très synthétique et permettant d'acquérir facilement de nombreux repères.
L’auteur signale dans sa préface :
« Les
Panorama des grands courants artistiques / Gérard Denizeau.
Les mouvements dans la peinture / Patricia Fride-Carrassat, Isabelle Marcadé.
Dans l’avertissement, les auteurs attirent notre attention sur certains points soulevés par vos questions :
« On entend par mouvement, tout rapprochement d'artistes autour d'une même démarche dont on peut repérer les caractéristiques visuelles. Il peut y avoir un regroupement d'artistes subissant la même influence (d'un maître ou d'une mode), il s'agit alors de tendance ou de courant ; il peut y avoir des écoles qui rassemblent des artistes autour d'une même formation de base ; il peut y avoir aussi des groupes d'artistes qui se réunissent autour d'un manifeste, adoptant un même parti mais s'exprimant dans des styles différents…
L'histoire de l'art utilise fréquemment une terminologie qui permet de classer des peintures et des artistes d'après des caractéristiques générales historiques et stylistiques, classement parfois simplificateur mais pratique.
L'origine des noms est diverse. Certains termes sont donnés par les artistes eux-mêmes (le néoplasticisme par Mondrian), d'autres reprennent le nom du ou des chefs de file (caravagisme, B.M.P.T. : Buren, Mosset, Parmentier, Toroni), d'un lieu (Cobra :
Copenhague-Bruxelles-Amsterdam), d'autres encore naissent de l'anecdote (impressionnisme). Mais le plus souvent, ces noms ont été inventés indépendamment des artistes par les esthéticiens et les critiques d'art. Aucun artiste avant le XIXe siècle ne se qualifie de classique ; au XIXe siècle, Courbet déclare : « Le titre de réaliste m'a été imposé comme on a imposé aux hommes de 1830 celui de romantique ». Certains artistes protestent - Picasso niait qu'il était cubiste à une période déterminée - d'autres échappent à toute classification : Diego Velázquez, Francis Bacon, Balthus, Nicolas de Staël, etc.
Tout l'œuvre d'un artiste ne peut évidemment être réduit à sa seule appartenance à un mouvement. Toutefois une partie de son travail peut présenter des caractéristiques visuelles qui l'inscrivent de fait dans un courant, un style, un groupe identifié dans l'histoire de l'art…
Cette chronologie met en évidence le nombre de mouvements beaucoup plus élevé au XIXe et au XXe siècles, qu'aux XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles, époques où le pouvoir royal présidait à la création artistique. À partir du XIXe siècle, l'artiste engage son individualité et substitue de plus en plus aux anciennes références artistiques, des sources nouvelles (politiques, économiques, sociales, personnelles etc.). Apparaît alors la liberté créatrice de l'artiste, dégagée de toute contrainte. »
Des tableaux chronologiques, à la fin de l’ouvrage, vous montreront en graphique les très grandes disparités existantes dans la durée des mouvements.
La caractéristique des styles / Robert Ducher.
Ouvrage pédagogique qui note les phénomènes formels apparus, aux différentes époques, de l’art égyptien au Post-moderne, dans l’architecture et dans la décoration des différents pays.
Comment identifier... les grandes périodes stylistiques de l'art roman à l'Art nouveau / Daniela Tarabra.
L’auteur nous avertit ainsi dans son introduction :
« La spécificité de la manière d'un peintre se comprend justement par comparaison avec un corpus d'œuvres réalisées à date contemporaine. En effet, au-delà du style des individus (qu'il faudrait savoir reconnaître - c'est la tâche des historiens de l'art et en particulier des connaisseurs), il est possible de distinguer, au sein de chaque époque de l'histoire et dans les diverses aires géographiques, un style qui apparente les créations artistiques. C'est précisément ce style commun que nous cherchons à identifier lorsque nous hésitons entre les mots « roman » ou « gothique », « baroque » ou « rococo », « néoclassique » ou « Art nouveau ». Et c'est cette acception qu'il faudra retenir comme fil directeur de cet ouvrage. Il ne s'agira pas en revanche de s'interroger ici de manière précise sur l'origine et la nature de ces phénomènes complexes qui font l'objet de débats passionnés chez les historiens de l'art. En effet, pour les uns, dits «formalistes», se situant dans le sillage des théories du Viennois Aloïs Riegl (1858-1905), l'évolution des styles répond à une logique interne, les formes engendrant d'autres formes de façon autonome. D'autres au contraire insistent sur l'importance du contexte économique et social et portent leur attention sur les conditions de production des styles.
Par simplification, on fait traditionnellement correspondre les styles à des périodes historiques définies. Mais, il arrive souvent que différents styles coexistent, se superposent et s'influencent réciproquement. Par exemple, l'art normand de Sicile au XIIe siècle se caractérise par l'union du style roman avec des motifs et des techniques propres à l'art islamique. Plutôt que de prétendre à une impossible exhaustivité dans un ouvrage d'initiation qui embrasse déjà plus de neuf siècles d'histoire, il a été choisi d'écarter les périodes situées aux extrémités de la chronologie. »
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