Question d'origine :
Bonjour,
auriez-vous des références et des repères culturels et temporels pour différencier Chronos, qui représente le temps et n'aurait pas de représentation humaine "un effroyable dragon qui est à l'origine du cosmos" (G.Pineau) et Cronos, dieu de la rupture qui a une représentation humaine et est fils de Ouranos et Gaïa. Que les romains mélangèrent ensuite pour en faire un Chronos/Kronos, mélangeant deux conceptions du temps, celui de la totalité et la linéarité, et celui de la rupture.
Je ne trouve que des sources qui mélangent tout...
Merci à vous,
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 30/11/2016 à 17h40
Bonjour,
« Le monde commença véritablement lorsque la Terre donna spontanément naissance à Ouranos, le Ciel, qui s’allongea sur elle et la couvrit toute entière, et à Pontos, le Flot de la mer, ainsi qu’aux Montagnes. Dans d’autres versions, la Terre comme le Ciel et la Mer, est en réalité fille du jour. (…) Après cette première série de forces abstraites et élémentaires qui viennent ordonner l’univers, la descendance de Gaïa et d’Ouranos voit l’apparition des premiers êtres anthropomorphiques, dotés d’une histoire et d’une personnalité. Gaïa conçut de ses unions avec Ouranos, dix-huit enfants : les six Titans mâles (Océan, Coeos, Crios, Hypérion, Japet etCronos ) et les six Titanides femelles (Théia, Rhéa, Thémis, Mnémosyne, Phoebé et Téthys), ainsi que deux trios monstrueux, les trois Cyclopes à l’œil unique et perçant (Argès, Stéropès et Brontès, dont les noms rappellent le bruit du tonnerre) et les trois Hécatonchires aux cent bras puissants (Cottos, Briarée et Cygès).
Mais Ouranos refusait de laisser ses enfants voir le jour : ils restaient enfouis dans les profondeurs de la Terre leur mère, car Ouranos restait en permanence uni à Gaïa et ne leur permettait pas de sortir. Seul Cronos le plus jeune de leurs enfants, accepta de venir en aide à sa mère, et de mettre fin à l’emprise de son père. La Terre créa dans ses entrailles l’acier pour qu’il s’en fasse une faucille. Ainsi armé, Cronos trancha les organes génitaux d’Ouranos toujours accouplé à sa mère. Le sang jaillit, en se répandant sur la Terre, donna naissance à d’autres êtres : les Géants, les Erinyes et les Méliades, nymphes qui habitent dans les frênes. Ce sont trois races violentes et guerrières. Cronos jeta dans la mer le sexe coupé de son père : ce fut ainsi que fut conçue Aphrodite, née de l’écume. La Terre et le Ciel étaient enfin dissociés, et dans l’espace ainsi créé, la vie pouvait commencer. » (…)
« Une fois victorieux,Cronos (Saturne de son nom latin) délivra les autres Titans et les Titanides, et épousa sa sœur Rhéa ; mais il garda prisonnier dans le Tartare les Cyclopes et les Hécatonchires. Ouranos et Gaïa lui avaient prédit qu’il serait un jour détrôné par l’un de ses enfants. Aussi s’empressait-il, sitôt que Rhéa donnait naissance à un nouvel enfant, de le dévorer. » Premiers pas dans la mythologie de Mélanie Bost-Fievet.
Rhéa ayant soustrait son petit dernier, Zeus, à la voracité de son père, celui-ci fut élevé sur l’île de Crète sous la protection nourricière de la chèvre Amalthée. Devenu grand, il donna à son père une potion qui lui fit régurgiter les autres enfants avalés.
Ces évènements mythologiques inspirèrent artistes (Goya, Rubens) et psychanalystes, qui y virent castration et meurtre du père.
L’une des principales sources pour la connaissance de la mythologique grecque est, au VIIe siècle avant notre ère, La Théogonie d’Hésiode , ici dans une traduction de Leconte de Lisle.
Mme Simondon, dans un article publié dans les Annales de Bretagne, consultable en ligne sur Persée,Le temps, père de toutes choses Chronos – Kronos , évoque différentes cosmogonies et cite plusieurs sources sur cette question.
La lecture du livre de Jacqueline de Romilly,Le temps dans la tragédie grecque devrait vous apporter des éléments de compréhension importants, si l’on en croit les passages accessibles en ligne , dont voici un extrait : « Et il importe de le rappeler avec force – dans la pensée grecque originelle comme dans la pensée grecque normale, il n’y a aucun rapport entre Cronos, l’ancienne divinité, le fils d’Ouranos, le père de Zeus, et, d’autre part, Chronos, le temps. Quand la confusion entre les deux a-t-elle commencé à se faire ? On nous dit que ce fut avec les orphiques (etc.) »
Surl’orphisme voir la fiche Wikipedia.
Barbara Cassin, dans un article de l'Encyclopédia Universalis en ligne , Kronos ou Cronos, évoque Aristote : « Cette ambivalence, cruauté et paix, qu'on retrouverait dans le Saturne romain ou le Baal babylonien, assimilés plus tard à Kronos, ne prend peut-être son sens que dans un jeu de mots qui s'autorise d'Aristote (De mundo, 401 a 15) : Kronos, Chronos, Temps. »
La citation d’Aristote évoquée par Barbara Cassin se trouve dans Lettre à Alexandre sur le monde, CHAPITRE VII : « Des noms de Dieu » : "Dieu, qui est un, a plusieurs noms par rapport aux différents effets qu'il produit. On l'appelle Zeus et Dis, deux mots qui, réunis, semblent signifier par qui nous vivons ; on l'appelle Chronus ou Cronus, parce que sa durée remplit le temps passé et à venir, on le nomme le Tonnant, l'Éthérien, le Serein, le Foudroyant, le Pluvieux, à cause de la pluie, de la foudre et des autres phénomènes ; le Fructifiant, à cause des fruits qu'il conserve; le Citoyen, à cause des villes dont il est le gardien.(…)»
Dans un article publié en 1847-48 dans la Revue sociale, Pierre Leroux expose l’assimilation de Cronos /Chronos telle qu’elle apparaît chez Macrobe, auteur latin de Saturnales.
Voir aussi cet article publié dans la Revue de l’histoire des religions oùJean-Pierre Vernant évoque page 28 le geste de Kronos, inscrivant désormais « toute chose dans l’espace et le temps.»
Cette précédente réponse du Guichet du savoir, qui traite du temps dans la pensée grecque, pourrait aussi vous intéresser.
Bonne lecture !
« Le monde commença véritablement lorsque la Terre donna spontanément naissance à Ouranos, le Ciel, qui s’allongea sur elle et la couvrit toute entière, et à Pontos, le Flot de la mer, ainsi qu’aux Montagnes. Dans d’autres versions, la Terre comme le Ciel et la Mer, est en réalité fille du jour. (…) Après cette première série de forces abstraites et élémentaires qui viennent ordonner l’univers, la descendance de Gaïa et d’Ouranos voit l’apparition des premiers êtres anthropomorphiques, dotés d’une histoire et d’une personnalité. Gaïa conçut de ses unions avec Ouranos, dix-huit enfants : les six Titans mâles (Océan, Coeos, Crios, Hypérion, Japet et
Mais Ouranos refusait de laisser ses enfants voir le jour : ils restaient enfouis dans les profondeurs de la Terre leur mère, car Ouranos restait en permanence uni à Gaïa et ne leur permettait pas de sortir. Seul Cronos le plus jeune de leurs enfants, accepta de venir en aide à sa mère, et de mettre fin à l’emprise de son père. La Terre créa dans ses entrailles l’acier pour qu’il s’en fasse une faucille. Ainsi armé, Cronos trancha les organes génitaux d’Ouranos toujours accouplé à sa mère. Le sang jaillit, en se répandant sur la Terre, donna naissance à d’autres êtres : les Géants, les Erinyes et les Méliades, nymphes qui habitent dans les frênes. Ce sont trois races violentes et guerrières. Cronos jeta dans la mer le sexe coupé de son père : ce fut ainsi que fut conçue Aphrodite, née de l’écume. La Terre et le Ciel étaient enfin dissociés, et dans l’espace ainsi créé, la vie pouvait commencer. » (…)
« Une fois victorieux,
Rhéa ayant soustrait son petit dernier, Zeus, à la voracité de son père, celui-ci fut élevé sur l’île de Crète sous la protection nourricière de la chèvre Amalthée. Devenu grand, il donna à son père une potion qui lui fit régurgiter les autres enfants avalés.
Ces évènements mythologiques inspirèrent artistes (Goya, Rubens) et psychanalystes, qui y virent castration et meurtre du père.
L’une des principales sources pour la connaissance de la mythologique grecque est, au VIIe siècle avant notre ère,
Mme Simondon, dans un article publié dans les Annales de Bretagne, consultable en ligne sur Persée,
La lecture du livre de Jacqueline de Romilly,
Sur
Barbara Cassin, dans un article de l'
La citation d’Aristote évoquée par Barbara Cassin se trouve dans
Dans un article publié en 1847-48 dans la Revue sociale, Pierre Leroux expose l’assimilation de Cronos /Chronos telle qu’elle apparaît chez Macrobe, auteur latin de Saturnales.
Voir aussi cet article publié dans la Revue de l’histoire des religions où
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