Question d'origine :
Bonjour,
Des comportements d'addiction prolongée à des produits nocifs (drogues dures, alcool, etc.) peuvent-elles altérer le patrimoine génétique transmis (ovules, spermatozoïdes), même si la procréation à proprement parler a lieu plusieurs années après l'arrêt de ces drogues ?
Merci
wysebaba
Réponse du Guichet
bml_san
- Département : Médiathèque du Bachut Santé
Le 13/05/2005 à 11h32
Dans le rapport officiel intitulé "La dangerosité des drogues", remis à Bernard Kouchner en 1998 par le professeur Bernard Roques, l'auteur revient sur les effets du cannabis sur les fonctions de reproduction :
Chez le rongeur, le THC conduirait à des réductions dans la taille de certains organes impliqués dans les fonctions sexuelles (testicule, prostate, ovaire). Par contre, les effets observés chez l’homme sont très contradictoires. Les études les plus anciennes rapportaient soit des effets de diminution transitoire, soit aucune modification des taux de LH et testostérone. Toutefois, plusieurs études effectuées entre 1974 et 1979 laissaient entendre que les cannabinoïdes pouvaient altérer les fonctions testiculaires du fait des modifications hormonales induites par le cannabis.
Depuis, d’autres travaux ont démontré que les taux de LH et de testostérone ne subissaient pas de modification significative après consommation de cannabis (Cone et al., 1986) et que ces taux étaient similaires chez les consommateurs de cannabis et les contrôles (Block et al., 1991). Des études avaient montré une diminution des spermatozoïdes dans un groupe de 16 consommateurs de cannabis (Hembree et al., 1991). En 1990, Murphy et al. ont également rapporté que le THC pouvait empêcher l’ovulation et la production de sperme. Toutefois, comme ceci est souligné par l’OMS dans son dernier rapport (1997), aucune étude épidémiologique n’a encore confirmé ces résultats.
Néanmoins, des travaux récents ont relancé le débat sur les effets éventuels du cannabis sur les organes de reproduction. Le récepteur CB1 est présent à la fois dans l’utérus et à la surface des cellules embryonnaires des rongeurs. Récemment, des quantités d’anandamide, plus de 100 fois supérieures à celles trouvées dans le cerveau, ont été mises en évidence dans l’utérus de souris (Schmidt et al., 1997). Ces concentrations semblent osciller légèrement en fonction des états de pré- ou post-implantation de l’embryon avec un taux plus bas dans la première situation. Des résultats obtenus sur un nombre restreint de souris montrent un effet inhibiteur in vitro de l’anandamide sur le développement de l’embryon dont les premières cellules (blastocyte) portent le récepteur CB1 (Yang et al., 1996). De même, l’infusion par minipompe d’un agoniste CB1 préviendrait l’implantation embryonnaire et ce phénomène serait antagonisé par le SR 141716A (Schmidt et al., 1997). Ces résultats sont cependant à prendre avec prudence car établis sur un nombre très restreint (n=4-5) d’animaux et leur transposition chez la femme, en particulier comme hypothèse d’infertilité inexpliquée, très prématurée. Néanmoins, la mise en évidence du récepteur CB1 humain dans l’endomètre et la capacité de l’utérus à synthétiser l’anandamide avec augmentation d’activité d’une des deux enzymes de synthèse durant la phase de réceptivité et une diminution de l’enzyme de métabolisation (amidase) après l’implantation (Paric et al., 1998) conduit à s’interroger sur les effets négatifs que pourraient avoir les cannabinoïdes exogènes sur les phases d’implantation de l’embryon. Il reste, selon les auteurs, à expliquer l’énorme quantité d’anandamide dans l’utérus au moins chez la souris, vis à vis d’une concentration limitée de récepteur ce qui est difficilement compatible avec un rôle régulateur de la nidation à moins qu’il existe une compartementalisation à démontrer.
Chez l’homme, les testicules et les cellules spermatiques expriment de très nombreuses protéines membranaires et ectoenzymes, dont le rôle reste inconnu dans la plupart des cas. Il en est de même du récepteur CB1 (Schuel et al., 1994) qui se trouve également sur les spermatozoïdes d’oursin et dont le pouvoir fertilisant est réduit in vitro par des concentrations importantes (10-6M) d’anandamide ou de THC. L’action des cannabinoïdes consisterait à bloquer les réactions impliquant l’acrosome, i.e., l’exposition de la partie membranaire du spermatozoïde qui permettra la fécondation de l’ovule. Aucune expérience in vivo n’a encore été décrite et même si, comme c’est probable, le récepteur CB1 se trouve également sur le spermatozoïde humain, il est prématuré d’en conclure que, in vivo, les processus de fusion des gamètes sont régis par l’activité du récepteur CB1, chez les primates et l’homme. Le THC semble capable de moduler le fonctionnement des cellules de Sertoli qui jouent un rôle très important dans la spermatogenèse. Ceci a été mesuré par accumulation de lactate dans la cellule mais les résultats sont divergents selon que la cellule est isolée ou au sein d’un tissu (Newton et al., 1993).
Chez les rongeurs, les concentrations d’anandamide dans l’utérus semblent très élevées (voir au-dessus). Il serait intéressant d’étudier si les effets de cet effecteur, obtenus chez l’oursin à 10-6M, sont compatibles avec les concentrations du ligand et des récepteurs en fonction des affinités de l’un pour l’autre. Dans tous les cas, il faut se garder de transposer directement à l’homme les résultats obtenus in vitro sur une espèce, en l’occurrence très éloignée.
Des études épidémiologiques (absence de fertilité, avortement, accouchement prématuré, etc.…) sur un nombre important de femmes ne consommant pas d’autres produits susceptibles de masquer l’effet spécifique du cannabis, devraient lever ces interrogations. Il existe aux USA un recul de près de 30 ans depuis le début de la consommation de cannabis et aucune étude, avançant une baisse de fertilité due à cette substance, n’a été publiée. Il serait par ailleurs intéressant que des études soient menées par des spécialistes du fonctionnement des cellules reproductrices en utilisant du matériel humain (spermatozoïdes, en particulier) et sur des tissus (utérus et placenta) qui peuvent être obtenus sans difficultés techniques (postopératoires par exemple) après consentement du patient.
Concernant les effets des produits nocifs sur les spermatozoïdes :
Les drogues, au sens large, ont une incidence sur la fertilité :
- haschich, s'il est utilisé régulièrement; tabac ; alcool)
- les médicaments: certains antibiotiques et certains antidépresseurs, la salazopyrine (utilisée dans la colite ulcéreuse),
- les antimitotiques (auto conservation du sperme avant traitement),
- certaines conditions de travail, comme l'exposition aux radiations ou à certains agents chimiques de synthèse comme les pesticides.
Les expositions prolongées aux fortes chaleurs ou la position assise prolongée en voiture, quotidiennement.
Dans la plupart des cas cités ci-dessus, il y a réversibilité des phénomènes après élimination de la cause. Il faudra tout de même penser que la spermiogénèse dure 74 jours et qu'il faudra donc attendre un laps de temps suffisant pour annuler les effets délétères.
Vous pouvez également consulter un article consacré à l'alcool maternel et paternel sur le processus de reproduction.
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