Question d'origine :
Existe-t-il une étude sérieuse (consultable sur Internet et en français c'est encore mieux !! mais à défaut je me contente du reste ..) sur ce genre particulier constitué par "Les Vanités", né aux alentours du XV° siècle ??
Réponse du Guichet
bml_art
- Département : Arts et Loisirs
Le 06/05/2005 à 14h59
Tout d’abord une définition :
Vanités. Beaux arts : Représentation picturale évoquant la précarité de la vie et l’inanité des occupations humaines. C’est une « Vanité » (le tableau des Ages de la femme (1544) de Hans Baldung Green) comme l’étaient à la fin du Moyen age ces revers des tableaux opposant des trépassés, des « transis », à l’effigie d’un homme, d’une femme ou d’un couple en pleine jeunesse, comme l’étaient les danses des morts et comme le seront au XVII° siècle ces innombrables natures mortes de « Vanités » (H. Haug, L’art en Alsace, Paris, Arthaud, 1962, p.123).Source : Trésor de la langue française
Le Dictionnaire Larousse de la peinture analyse dans un long article les Vanités et leur présence dans l’histoire de l’art :
« Genre particulier de nature morte à implication philosophique et dans laquelle des objets représentatifs des richesses de la nature et des activités humaines sont juxtaposées à des éléments évocateurs du triomphe de la Mort. Le genre se constitua dans un foyer intellectuel de la Hollande, à Leyde, vers 1620 ; il se développa surtout en France et en Flandre, essentiellement au XVII° siècle.
Les éléments du répertoire sont de 3 ordres : objets évoquant la vie terrestre, contemplative (sciences, lettres, arts) ou voluptueuse, le plaisir (les cinq sens), la richesse (argent), la puissance (armes) ; objets évoquant la brièveté de la vie par la fuite du temps (sabliers et horloges), la destruction de la matière (fleurs perdant leurs pétales, fruits abîmés, pierres lézardées) ; inscriptions dans le tableau : « Vanitas vanitatis et omnia vanitas » ou, une formule analogue.
L’origine iconographique est le thème de Saint Jérôme dans sa cellule : autour de lui les livres et la bougie sont les symboles des spéculations intellectuelles, et le crâne et le sablier rappellent que l’homme de chair n’est rien en face du temps (…) ».
On peut citer aussi autour de la figure de Saint Jérôme, Van Eyck, Colantonio, Antonello de Messine, Carpaccio, Lorenzo Lotto.
Ce même thème se retrouve dans le Saint Eloi de Petrus Christus, Les Banquiers de Quentin Metsys.
« Le genre lui-même est issu d’une double filiation : d’une part les cercles humanistes italiens du XV° et du XVI° siècles, qui ont donné dans leurs marqueteries une expression plastique indépendante à des attributs épiscopaux et, d’autre part, l’atmosphère intellectuelle et religieuse de Leyde, bastion calviniste (cf David Bailly).
La ferveur religieuse de la Contre Réforme a été favorable à l’extension d’un genre qui peut soutenir les méditations sur la mort. La réflexion sur la vanité des choses de ce monde est une constante de la pensée humaine, mais on peut en jalonner les étapes à partir de la représentation de la tête de mort (mosaïques de Pompéi, Van der Weyden, J. Gossaert, B. Bruyn l’Ancien, Jacopo Ligozzi, Jacob de Gheyn qui fût le maître de David Bailly).
Un dessin à la plume (Bibl. Royale de La Haye) est considéré comme l’incunable de la Vanité : sablier, crâne, pipe de Gouda encore fumante.
A partir du deuxième quart du XVII° siècle, le genre est bien constitué : avec David Bailly, Harmen et Peter Steenwyck, Claez, Heda …
La Vanité est importée en France par l’importante communauté flamande de Saint Germain des Prés : Philippe de Champaigne, Baugin, J. Linard, Stoskopff…
En Italie le thème est plus rare à l’époque baroque : S. Rosa et Giuseppe Recco. Il est plus fréquent au XVII° siècle dans l’Allemagne protestante, où il est lié au sentiment de la mort propre à l’âme nationale (Hainz) et en Espagne (Antonio de Pereda, Juan de Valdes Leal).
L’évolution du goût au XVIII° siècle exclut la méditation sur la mort. Au XIX°, l’héroïsation, puis le matérialisme et enfin le naturalisme ne s’embarrassent pas de réflexions sur la fragilité humaine».
Le thème renaît chez Cézanne, Braque, Picasso.
L’art contemporain s’en est lui aussi emparé : G. Richter, J. Fabre, Cueco, Philippe Favier, Orlan, Opalka, Titus Carmel…
Plusieurs sites accessibles en ligne analysent la question des « Vanités »
- Le site de Karine Lanini, auteur de la thèse « Dire la vanité à l’âge classique. Paradoxes d’un discours » dont la publication est prévue aux Editions Champion.
- Le site conçu autour de l’exposition « Filiation » qui s’est tenue au musée de Saint Etienne (avril-août 2003)
- L' article de Valérie Bougault "Lire les natures mortes" sur le site du CNDP
- Un dossier du Musée des Beaux Arts de Rouen sur les natures mortes et vanités accessible à l'adresse suivante : http://www.ac-rouen.fr/pedagogie/equipes/e...ature_morte.pdf.
Nous vous conseillons quelques lectures :
- Les Vanités dans la peinture au XVII° siècle. Méditations sur la richesse, le dénuement et la rédemption, qui est le catalogue de l’exposition présentée au Musée des Beaux Arts de Caen de juillet à octobre 1990
- Le trompe l'oeil : de l'Antiquité au XXe siècle / sous la dir. de Patrick Mauriès
- Vanités contemporaines d’Evelyne Artaud
- Les peintres flamands de nature morte au XVIIe siècle d’Edith Greindl
- Le dernier numéro de la revue FMR (n°6, avril-mai 2005) qui présente un dossier richement illustré « les objets de la mélancolie », texte de Jean Clair. Une exposition « Mélancolie, Génie et folie en Occident » dont Jean Clair est le commissaire sera présentée dans les Galeries nationales du Grand Palais du 22 septembre 2005 au 1 janvier 2006.
Tous ces documents sont consultables à la Bibliothèque Municipale de Lyon.
DANS NOS COLLECTIONS :
Ça pourrait vous intéresser :
Commentaires 0
Connectez-vous pour pouvoir commenter.
Se connecter