Vieillissement des cellules après cryogénisation ?
SCIENCES ET TECHNIQUES
+ DE 2 ANS
Le 29/04/2005 à 13h25
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Question d'origine :
Bonjour,
Constate-t-on un vieillissement prématuré des cellules après qu'on a interrompu le temps biologique par une cryogénisation/décryogénisation ? De la même manière, le vieillissement cellulaire est-il ralenti en période d'hibernation ?
L'objectif de ma question est : pourait-on faire vivre l'homme plus longtemps en le congélant ou en le faisant hiberner ?
Merci
wysebaba
Réponse du Guichet
bml_sci
- Département : Sciences et Techniques
Le 03/05/2005 à 07h37
Doctissimo propose un article sur ce sujet :
Des scientifiques ont réussi à congeler un organe complet tout en préservant ses fonctions. Ils ont prélevé les ovaires de plusieurs rates et les ont stocké dans de l’azote liquide. Ensuite, ils ont transplanté ces organes dans plusieurs rongeurs génétiquement identiques, évitant ainsi tout risque de rejet. Bien que moins "performants", plus de la moitié des animaux greffés ont retrouvé leur fertilité et une rate a même entamé une grossesse. sur la cryopréservation. La cryopréservation de cellules ou de tissus est possible depuis plusieurs années, mais la conservation d’organes entiers restait impossible compte-tenu des dégâts occasionnés lors des changements de température. Selon les auteurs, cette technique pourrait aider les femmes sur le point d’entamer une chimiothérapie. En stockant leurs ovaires avant le début du traitement, elles pourraient préserver leur fertilité. Mais avant de tenter une expérimentation sur l’homme, le procédé devra faire ses preuves sur des animaux de plus grande taille comme des moutons puis des singes. Préserver indéfiniment des organes en vue d’une greffe pourrait pallier la pénurie de rein, foie, cœur… En France, au 31 décembre 2000, on recensait 6 036 personnes en attente d’une greffe d’organes. Seulement 3 211 ont pu être greffées tandis que 234 malades sont décédés faute de greffons.
Source :
L'INRA (Institut National de la Recherche Agronomique) étudie la question de la congélation des spermatozoides :
La vitesse d'une réaction chimique simple, ne faisant intervenir ni enzyme ni catalyseur, est divisée par ~=2 quand la température s'abaisse de 10°C.
Chez les animaux homéothermes, la plupart des réactions métaboliques font intervenir des enzymes qui fonctionnent aux températures compatibles avec la vie. Beaucoup des processus vitaux s'appuient sur des cascades de réactions enzymatiques chaînées. Un abaissement de 10°C agissant sur chacun des acteurs de la chaîne devient de ce fait rapidement très efficace pour réduire les vitesses de réaction.
On peut imaginer qu'un abaissement substantiel de température permettrait d'augmenter le temps de vie ou de conservation des cellules, organes, ou organismes entiers. Dans l'hypothèse simpliste d'une division de la vitesse de réaction par 2 tous les 10°C, le stockage dans l'azote liquide (196,5°C) d'un organisme vivant à 34°C, ralentirait ses fonctions vitales, par 223 ! (plus de 8.000.000 de fois). Ceci suppose cependant que les cellules congelées soient toujours viables après dégel. Le principal problème de la congélation des cellules ou organismes vivants est lié à leur hydratation.
Les congélations ultra rapides congèlent l'eau des cellules, et les cristaux formés en dissèquent le contenu.
Les congélations lentes déshydratent les cellules par effet osmotique.
Les cristaux de glace apparaissent d'abord hors des cellules.
Formés d'eau pure, ils relèguent les solutés à leur périphérie.
L'osmolarité de la fraction encore liquide augmente.
Les cellules réagissent à cet environnement hyper-osmotique en se déshydratant.
Du fait de la déshydratation cellulaire, la concentration saline intracellulaire augmente.
Conséquence
Elle entraîne une altération irréversible des protéines par effet de salage ('salting out' ou encore 'solution effect').
Il est donc nécessaire de trouver un compromis quant à la vitesse de déshydratation des cellules: trop lente, elle favorisera la déshydratation létale
trop rapide, elle favorisera la glace intracellulaire
De plus, lors des déshydratations/réhydratations, le volume cellulaire est modifié, entraînant des stress mécaniques de la membrane plasmique. Celle-ci présente des propriétés de résistance mécanique à l'étirement dynamique (stretching) et à l'étirement absolu (seuil volumique cellulaire) qui sont propres à l'espèce et au type cellulaire. Une modification trop rapide de la surface cellulaire entraînera des ruptures.
Dans le cas des spermatozoïdes, les rapports volume/surface sont différents au niveau des flagelles et des têtes.
Le problème de la vitesse de déshydratation est toutefois encore plus complexe. En effet, les transferts caloriques ne sont pas homogènes dans la profondeur du matériel à congeler. Pendant la congélation, la périphérie du container est plus froide rapidement. La glace ne se forme ni partout en même temps, ni avec la même vitesse. Les diffusions de solutés interviennent entre la surface et la profondeur du matériel. De ce fait, les cellules placées au centre du container et celles situées à la périphérie ne sont pas baignées par un milieu de même concentration et se déshydratent avec des cinétiques différentes. Celles-ci dépendent de la géométrie et de la taille du container ainsi que de la vitesse de congélation imposée à l'extérieur du cryocontainer.
Une descente en température de 37°C à 0°C trop rapide est mal supportée par la plupart des spermatozoïdes. Ils subissent un choc thermique fatal dont la nature n'est pas totalement documentée. Il pourrait s'agir d' une modification de fluidité des membranes plasmiques dont les lipides changeraient d'état sol <--> gel. Il est donc nécessaire de procéder lentement.
En dessous de 30°C, les pompes ioniques membranaires sont pratiquement inactives. L'équilibre ionique extra/intra cellulaire n'est plus régi que par les gradient chimiques et les perméabilités des membranes.
Les ions du cytoplasme cellulaire s'équilibrent peu à peu en qualité et quantité avec ceux du milieu extracellulaire. Les compositions ioniques pouvant varier dans d'assez fortes proportions, il est sans doute souhaitable que le milieu extracellulaire ait une composition peu différente de celle du cytoplasme. Les milieux contenant du lait ou du jaune d'oeuf entrent dans cette catégorie.
Toutefois, un milieu 'défini' ayant une composition saline adaptée peut être utilisé à ce stade de la congélation. Il devrait également bénéficier de propriétés rhéologiques particulières pour assurer son rôle lors des variations brutales de température (lors des congélations et décongélation).
Pour retarder la formation de glace (et ses effets osmotiques délétères), il est usuel d'ajouter des cryoprotecteurs au milieu de congélation. Ceux qui abaissent le point de congélation en dessous de -6°C garantissent que la glace initiale ne cristallisera pas dans le système hexagonal, très délétère pour les cellules, mais plutôt dans le système cubique. La plupart des cryoprotecteurs sont nocifs pour les cellules. Ils peuvent altérer la fluidité/composition des membranes plasmiques.
solubiliser les lipides.
Ceux qui pénètrent dans les cellules sont actifs osmotiquement pendant leur ajout et leur retrait. La variation osmotique est très rapide. Les cellules se déshydratent puis se réhydratent le plus souvent en moins d'une seconde. Ces variations brutales peuvent-être létales. Il est souvent conseillé d'ajouter les cryoprotecteurs en plusieurs étapes, ou à des températures adaptées. Les cryoprotecteurs, en s'accumulant dans les cellules, entraînent un appel d'eau, induisant lui même l'entrée de davantage de cryoprotecteur. Le volume cellulaire augmente légèrement après ajout des cryoprotecteurs. Cette accumulation limite la précipitation des sels intracellulaires.
Lorsque les cellules sont entourées d'un milieu uniquement minéral, la congélation va enfermer chaque cellule dans un cristal de glace. la densité de la glace est inférieure à celle de l'eau. Le volume du congelat augmente généralement de quelques 11%.
Les contraintes mécaniques suffisantes pour broyer quelques cellules sont très importantes entre -55°C et -70°C. A ces température, la densité de la glace varie très rapidement. Il est important de traverser cette zone rapidement pour éviter la recristallisation de la glace dans un autre système cristallin. Ceci s'applique également pendant la décongélation.
Les cryoprotecteurs intracellulaires se sont généralement équilibrés avec le milieu pendant la congélation. Le milieu extracellulaire étant déshydraté, cette concentration peut-être très importante. On peut démontrer qu'elle est inférieure ou égale à 6,25 fois la concentration initiale. Lors du dégel, l'eau de décongélation dilue le milieu extracellulaire et un nouvel équilibre apparaît. Une partie des cryoprotecteurs quitte le cytoplasme. Il n'est plus ici possible de retirer les cryoprotecteurs en plusieurs étapes. Seule la concentration initiale en cryoprotecteurs, la composition globale du milieu extracellulaire et la vitesse de décongélation influent sur la vitesse de départ du cryoprotecteur hors des cellules, et donc la variation brutale de la surface cellulaire qui risque de provoquer des ruptures.
La dilution des spermatozoïdes fraîchement décongelés dans un milieu isoosmotique est une erreur fréquente. Lors du dégel, les sels intracellulaires sont hyperconcentrés. Un milieu physiquement isoosmotique agira, physiologiquement, comme un milieu hypoosmotique.
Enfin vous pouvez lire l'avis du CCNE (Comité Consultatif National d'Ethique) au sujet de la congélation des embryons humains.
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