Y avait-il de la mixité ethnique à Paris en 1789?
DIVERS
+ DE 2 ANS
Le 10/04/2016 à 08h53
761 vues
Question d'origine :
Bonjour,
Après avoir vu le film "Les visiteurs" qui met en scène parmi les rôles secondaires un acteur originaire d'Afrique Equatoriale, nous nous sommes demandés s'il s'agissait d'un anachronisme. En effet, ce film est censé se situer en pleine révolution française et le personnage est un citoyen comme les autres. Y avait-il donc de la mixité ethnique à cette époque et dans quelles proportions?
Réponse du Guichet
gds_et
- Département : Équipe du Guichet du Savoir
Le 12/04/2016 à 14h32
Bonjour,
A la lecture de l’ouvrage de l’historien Pascal Blanchard, La France noire : trois siècles de présences, nous pouvons confirmer que la présence de noirs libres à Paris au XVIIIe siècle est une réalité :
en 1738, on dénombre quatre mille Noirs et Métis en France, la plupart sont esclaves malgré le droit français sur le sol de France qui en interdit la pratique. Une poignée de ceux-ci est composée d’hommes libres vivant entre Paris, Bordeaux, Nantes ou Saint-Malo. En effet, depuis le règne de Louis X et l’édit de 1315 (même si des lectures nuancée de celui-ci existent), le royaume de France n’accepte, en théorie, pas l’esclavage sur son sol ; par extension, dès qu’un esclave accoste dans les ports de France, il devient « libre » (principe quasi identique à celui existant en Angleterre). […]
Si la « présence noire » connaît dans l’hexagone un premier apogée au XVIIIe siècle, conséquence directe du négoce et de la traite, les lendemains de la Révolution française et de la première abolition de l’esclavage (bien vite supprimée par Napoléon Bonaparte) connaissent un reflux régulier de cette présence jusqu’au dernier quart de ce siècle qui voit la France bâtir un immense empire colonial. […]
Ceux qui sont « émancipés / affranchis » ou « abandonnés » sur le territoire national par leurs maîtres sont le plus souvent serviteurs, jongleurs, domestiques, dockers ou artisans, mais vivent aussi en marge de la société dans les ports, en occupant de petits métiers ce qui renforce cette image de population « à risque » dans l’opinion publique.
Par ailleurs il nous est impossible de ne pas mentionner Jean-Baptiste Belley, premier député noir :
Source : Wikipedia
Figurant sur un tableau du Musée national du château de Versailles, Jean- Baptiste Belley est un des rares Noirs peints par les figuristes de l'époque. C'est aussi un homme originaire de l'île de Gorée où il serait né en 1747. Selon les historiens, il a été transporté comme esclave vers Saint- Domingue. Là, il se serait enrôlé dans l'armée française. Quelques jours avant la libération des esclaves proclamée par les révolutionnaires le 29 août 1793, il est nommé capitaine. Premier conventionnel noir, il participe plus tard à la signature du vote de la Constitution de l'an I I I, fait partie du Conseil des cinq- cents, mais perd son poste en 1797. Il rejoint alors Saint- Domingue et l'on perd sa trace. Le 16 juillet 1802, Napoléon, alors premier consul, rétablira l'esclavage dans les colonies françaises. Sur le tableau peint par Girodet, Jean- Baptiste Belley, élégamment vêtu, est représenté prenant appui sur un buste de l'abbé Raynal. Celui- ci, par ses prises de position, devint le héros des esclaves révoltés. Dans l'Histoire des deux Indes, paru en 1770 comme Encyclopédie du commerce, le bouillant abbé lançait cet appel : « Brisons les chaînes de tant de victimes de notre cupidité, dussions-nous renoncer à un commerce qui n'a que l'injustice pour base et le luxe pour objet. » Son encyclopédie fut, à plusieurs reprises, brandie par des esclaves révoltés. Lui n'ignorait rien de l'esclavage : sa famille échangeait de l'indigo contre des nègres. Avant de mourir en 1796, l'abbé aura eu le temps de voir une autre soutane, l'abbé Grégoire, obtenir l'abolition de la prime royale aux négriers.
Source : Jean-Baptiste Belley, premier conventionnel noir, lefigaro.fr
Si vous souhaitez approfondir le sujet, nous ne saurions trop vous recommander la lecture de l’ouvrage de Pascal Blanchard, où vous trouverez une abondante bibliographie sur l’histoire des noirs en France, notamment ces documents de référence :
- Être noir en France au XVIIIe siècle, Erick Noël.
- Nègres et Juifs au XVIIIe siècle : le racisme au siècle des Lumières, Pierre Pluchon
- Les Jacobins noirs : Toussaint-Louverture et la Révolution de Saint-Domingue, C.L.R. James
- De la condition des gens de couleur libres sous l'Ancien régime : d'après des documents des Archives coloniales par Auguste Lebeau
- Interdit et représentation du Noir au siècle des Lumières, Sylvie Chalaye
- Les soldats noirs du maréchal de Saxe. Le problème des Antillais et Africains sous les armes en France au XVIIIe siècle, André Corvisier
- Race et esclavage dans la France de l'Ancien régime, Pierre H. Boulle
…
Pour finir, d’autres documents qui peuvent vous intéresser :
- Pour une histoire des populations noires en france : préalables théoriques, Pap Ndiaye, Le Mouvement Social 4/2005 (no 213) , p. 91-108
- Les Noirs en Haut-Poitou au XVIIIe siècle, Sébastien Jahan, Annales de Bretagne et des pays de l’ouest, 117-2, 2010, p.57-68
- Les déclarations parisiennes de non-blancs entre 1738 et 1790 : permanence des catégories et interchangeabilité des statuts, Pierre H. Boulle, Débats, mis en ligne le 19 décembre 2009, consulté le 12 avril 2016
Bonne journée.
A la lecture de l’ouvrage de l’historien Pascal Blanchard, La France noire : trois siècles de présences, nous pouvons confirmer que la présence de noirs libres à Paris au XVIIIe siècle est une réalité :
en 1738, on dénombre quatre mille Noirs et Métis en France, la plupart sont esclaves malgré le droit français sur le sol de France qui en interdit la pratique. Une poignée de ceux-ci est composée d’hommes libres vivant entre Paris, Bordeaux, Nantes ou Saint-Malo. En effet, depuis le règne de Louis X et l’édit de 1315 (même si des lectures nuancée de celui-ci existent), le royaume de France n’accepte, en théorie, pas l’esclavage sur son sol ; par extension, dès qu’un esclave accoste dans les ports de France, il devient « libre » (principe quasi identique à celui existant en Angleterre). […]
Si la « présence noire » connaît dans l’hexagone un premier apogée au XVIIIe siècle, conséquence directe du négoce et de la traite, les lendemains de la Révolution française et de la première abolition de l’esclavage (bien vite supprimée par Napoléon Bonaparte) connaissent un reflux régulier de cette présence jusqu’au dernier quart de ce siècle qui voit la France bâtir un immense empire colonial. […]
Ceux qui sont « émancipés / affranchis » ou « abandonnés » sur le territoire national par leurs maîtres sont le plus souvent serviteurs, jongleurs, domestiques, dockers ou artisans, mais vivent aussi en marge de la société dans les ports, en occupant de petits métiers ce qui renforce cette image de population « à risque » dans l’opinion publique.
Par ailleurs il nous est impossible de ne pas mentionner Jean-Baptiste Belley, premier député noir :
Source : Wikipedia
Figurant sur un tableau du Musée national du château de Versailles, Jean- Baptiste Belley est un des rares Noirs peints par les figuristes de l'époque. C'est aussi un homme originaire de l'île de Gorée où il serait né en 1747. Selon les historiens, il a été transporté comme esclave vers Saint- Domingue. Là, il se serait enrôlé dans l'armée française. Quelques jours avant la libération des esclaves proclamée par les révolutionnaires le 29 août 1793, il est nommé capitaine. Premier conventionnel noir, il participe plus tard à la signature du vote de la Constitution de l'an I I I, fait partie du Conseil des cinq- cents, mais perd son poste en 1797. Il rejoint alors Saint- Domingue et l'on perd sa trace. Le 16 juillet 1802, Napoléon, alors premier consul, rétablira l'esclavage dans les colonies françaises. Sur le tableau peint par Girodet, Jean- Baptiste Belley, élégamment vêtu, est représenté prenant appui sur un buste de l'abbé Raynal. Celui- ci, par ses prises de position, devint le héros des esclaves révoltés. Dans l'Histoire des deux Indes, paru en 1770 comme Encyclopédie du commerce, le bouillant abbé lançait cet appel : « Brisons les chaînes de tant de victimes de notre cupidité, dussions-nous renoncer à un commerce qui n'a que l'injustice pour base et le luxe pour objet. » Son encyclopédie fut, à plusieurs reprises, brandie par des esclaves révoltés. Lui n'ignorait rien de l'esclavage : sa famille échangeait de l'indigo contre des nègres. Avant de mourir en 1796, l'abbé aura eu le temps de voir une autre soutane, l'abbé Grégoire, obtenir l'abolition de la prime royale aux négriers.
Source : Jean-Baptiste Belley, premier conventionnel noir, lefigaro.fr
Si vous souhaitez approfondir le sujet, nous ne saurions trop vous recommander la lecture de l’ouvrage de Pascal Blanchard, où vous trouverez une abondante bibliographie sur l’histoire des noirs en France, notamment ces documents de référence :
- Être noir en France au XVIIIe siècle, Erick Noël.
- Nègres et Juifs au XVIIIe siècle : le racisme au siècle des Lumières, Pierre Pluchon
- Les Jacobins noirs : Toussaint-Louverture et la Révolution de Saint-Domingue, C.L.R. James
- De la condition des gens de couleur libres sous l'Ancien régime : d'après des documents des Archives coloniales par Auguste Lebeau
- Interdit et représentation du Noir au siècle des Lumières, Sylvie Chalaye
- Les soldats noirs du maréchal de Saxe. Le problème des Antillais et Africains sous les armes en France au XVIIIe siècle, André Corvisier
- Race et esclavage dans la France de l'Ancien régime, Pierre H. Boulle
…
Pour finir, d’autres documents qui peuvent vous intéresser :
- Pour une histoire des populations noires en france : préalables théoriques, Pap Ndiaye, Le Mouvement Social 4/2005 (no 213) , p. 91-108
- Les Noirs en Haut-Poitou au XVIIIe siècle, Sébastien Jahan, Annales de Bretagne et des pays de l’ouest, 117-2, 2010, p.57-68
- Les déclarations parisiennes de non-blancs entre 1738 et 1790 : permanence des catégories et interchangeabilité des statuts, Pierre H. Boulle, Débats, mis en ligne le 19 décembre 2009, consulté le 12 avril 2016
Bonne journée.
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