Question d'origine :
Bonjour,
Que sait on des victimes de traumatismes craniens souffrant de sequelles non motrices (ex : cephalées, trouble de la concentration, du langage, deshinibition...)?
Parviennent-t-ils à avoir une vie professiuonnelle?
D'avance, merci beaucoup!
N Bras
Réponse du Guichet
bml_san
- Département : Médiathèque du Bachut Santé
Le 15/04/2005 à 08h39
L'encyclopédie médico-chirugicale fait le point sur les séquelles cognitives liées aux traumatismes crâniens :
Les séquelles invalidantes après un TCC sont essentiellement d'ordre neuropsychologique.
Le tableau est dominé par le dysfonctionnement frontal qui peut être rattaché à deux mécanismes : des contusions bifrontales directes et/ou un mécanisme sous-cortical secondaire à des lésions axonales diffuses qui entraînent un défaut d'activation du lobe frontal pourtant morphologiquement indemne.
Les lobes frontaux ont une fonction de contrôle, d'activation et d'inhibition des autres fonctions neurologiques, en particulier pour l'interaction avec le monde extérieur. Ils ont une fonction de contrôle social. Le grand syndrome frontal « neurologique » avec grasping, comportement d'utilisation ou d'imitation est le plus souvent transitoire. Mais il n'est pas besoin d'avoir un grasping pour être frontal. La notion de syndrome dysexécutif tend à remplacer celle de syndrome frontal dans la description des conséquences cognitives du dysfonctionnement frontal. Le syndrome dysexécutif se manifeste par un défaut de prise d'initiative et de formulation d'un but, par la réduction des capacités de planification et des difficultés de contrôle. Ces difficultés d'organisation se manifestent dans les actes, les paroles, la pensée. Il peut ainsi exister isolément, mais plus souvent associées, une impulsivité et une adynamie avec apragmatisme. Le ralentissement cognitif est aussi constamment retrouvé.
Les patients présentent également fréquemment des troubles attentionnels. Ils peuvent faire l'objet de plaintes rapportées par le patient : distractibilité, difficulté de concentration, défaut de maintien de l'attention, difficultés en double tâche. Ces troubles de l'attention divisée sont très invalidants. Ils consistent en l'incapacité de faire deux choses à la fois. Le patient reste bloqué sur une action et ne peut s'en détacher, et s'il passe à la seconde, il ne peut revenir à la première. Ces situations de double tâche sont très fréquentes dans la vie quotidienne et surtout professionnelle (écrire, répondre au téléphone ou à un collègue sans oublier la réunion qui va suivre).
Les troubles de la mémoire à long terme sont une plainte fréquente après un TCC. Une lacune mnésique entoure le TCC, le patient ayant perdu non seulement le souvenir de l'accident même, mais aussi celui des heures ou jours qui ont précédé, ainsi que la période du coma et de l'APT. Le souvenir de l'accident ne revient pas, mais le patient peut reconstituer l'histoire du TCC grâce à ce qu'on lui raconte. Ces troubles de mémoire touchent parfois les connaissances didactiques et scolaires, acquises avant l'accident. Les souvenirs personnels antérieurs à l'accident (mémoire épisodique rétrograde) sont cependant le plus souvent respectés ou retrouvés. Ils touchent essentiellement la mémoire épisodique antérograde, c'est-à-dire la capacité à acquérir de nouvelles informations. Ces troubles peuvent entraîner les oublis au quotidien. Ils sont le plus efficacement compensés par l'utilisation d'agenda et de carnets mémoire.
L'anosognosie des difficultés est très fréquente. Le patient est dans l'incapacité de prendre conscience de l'existence de ses difficultés ou de leur nature. Cela peut entraîner une dangerosité liée à la mauvaise évaluation de ses capacités par rapport aux situations rencontrées. Cette anosognosie est un obstacle à la reconnaissance des séquelles en situation d'expertise. Le patient en situation d'expertise ou de réorientation professionnelle peut expliquer que tout va bien, qu'il peut tout faire comme avant, ce qui n'est pas remis en cause si le patient est vu rapidement, car il ne présente pas les stigmates visibles du handicap : il marche, il parle, il semble guéri. L'anosognosie peut aussi être source d'incompréhension entre une famille ou un entourage qui constate des difficultés et un patient qui ne les comprend pas.
Les troubles du comportement sont très fréquents et sont la première source d'incapacité et de handicap des TCC. Ils sont caractérisés par une apathie, une difficulté de prise d'initiative, qui peut paradoxalement être associée à une désinhibition, à une impulsivité. Les patients peuvent être incapables d'organiser leur journée, tel ce jeune garçon qui au décours d'un TCC grave suivait sa mère dans la maison en lui répétant « et maintenant qu'est ce qu'on fait ». L'irritabilité, l'intolérance aux frustrations peuvent entraîner une agressivité aboutissant à des conduites sociales inadaptées. Ces troubles comportementaux peuvent être multifactoriels. Ils dépendent bien sûr des facteurs lésionnels, c'est-à-dire les troubles cognitifs directement liés aux lésions cérébrales et particulièrement au dysfonctionnement frontal. Le syndrome dysexécutif, les troubles attentionnels ou mnésiques, ainsi que l'anosognosie entraînent bien sûr des difficultés pour organiser son activité. Mais des éléments psychopathologiques tels que la personnalité prétraumatique et parfois l'histoire familiale, l'expérience traumatique, le traumatisme émotionnel, ainsi que des éléments sociaux et environnementaux, peuvent participer à un degré plus ou moins important aux troubles comportementaux. À ce stade, le syndrome dépressif est fréquent et justifie un traitement spécifique.
Ces troubles comportementaux, parfois violents, peuvent motiver des consultations, souvent en urgence. Ils peuvent conduire à la prescription de neuroleptiques, parfois nécessaire dans ce contexte. C'est la prise en charge des différents composants cognitifs, psychologiques et sociaux à l'origine du trouble du comportement qui permet d'améliorer la situation de façon plus durable. Dans certains cas, les patients TCC évoluent vers un tableau purement psychiatrique.
Les traumatismes crâniens légers peuvent être responsables de dysfonctionnements neuropsychologiques qui doivent être connus et pris en charge. Il existe plusieurs définitions d'un traumatisme crânien léger et l'intérêt est de faire la part entre le simple coup sur la boîte crânienne sans conséquence sur son contenu et un réel TCC léger. Pour définition, on peut retenir qu'un traumatisme crânien léger peut être caractérisé par une perte de connaissance de moins de 20 minutes, une confusion ou une APT de moins de 1 heure, ou un GCS entre 13 et 15. Pour certains auteurs, la simple plainte concernant des troubles de la mémoire et de l'attention après un traumatisme crânien est en faveur d'un TCC léger. Comme dans les TCC graves, le mécanisme lésionnel serait celui de lésions axonales diffuses et le mécanisme de coup de fouet cervical lors d'un accident par impact postérieur sur le véhicule est fréquent.
L'incidence en France est certainement sous-estimée et, suivant les études, des symptômes persisteraient dans 10 à 40 % des cas au-delà de 3 mois à 1 an. Les plaintes neuropsychologiques les plus fréquemment rapportées sont un trouble de la mémoire, des troubles attentionnels et un ralentissement cognitif. Le système mnésique lui-même est intègre, mais les troubles de l'attention perturbent la sélection et le traitement des informations. Ces difficultés doivent être reconnues, leur organicité expliquée au patient, qui doit être rassuré et bénéficier éventuellement d'une prise en charge de rééducation par une orthophoniste permettant de compenser ces difficultés.
La période de réadaptation familiale pose souvent des problèmes, la modification du comportement du patient n'étant pas toujours bien acceptée par la famille, qu'il s'agisse de la réduction des initiatives faisant qu'une personne auparavant volontaire, active, enthousiaste devient passive, ou qu'il s'agisse de désinhibition ou d'agressivité.
La poursuite de la rééducation après le retour au domicile est souvent nécessaire, rééducation motrice kinésithérapique et surtout rééducation cognitive. En libéral, ce sont les orthophonistes qui assurent la rééducation des troubles frontaux, attentionnels et mnésiques, après l'évaluation spécifique pratiquée par un(e) psychologue.
Facteur primordial d'intégration sociale, la reprise de la conduite automobile est un problème délicat. L'autorisation de reconduire a rarement été donnée dès la sortie de l'hôpital, et c'est lors de la réadaptation au domicile qu'est soulevée la question. Elle est bien sûr interdite en cas de crise d'épilepsie récente. D'autres séquelles telles que l'hémianopsie latérale homonyme empêchent cette reprise. Enfin, les troubles cognitifs attentionnels et dysexécutifs frontaux ne permettent pas au patient de reconduire. Dans tous les cas, après un accident neurologique grave, le patient doit obligatoirement passer devant la Commission départementale du permis de conduire, à la préfecture de police de son département. C'est le seul organisme habilité à donner cette autorisation. Le patient se rend à l'expertise avec un certificat médical de son médecin. Nous avons l'obligation légale d'informer les patients de l'interdiction de conduire en l'absence de cette autorisation officielle.
La réadaptation professionnelle pose fréquemment problème. Quand les patients exerçaient déjà une activité professionnelle, si les séquelles le permettent, une reprise progressive dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique peut être organisée avec l'accord du médecin de la Sécurité sociale. Il est souhaitable d'organiser avec le médecin du travail une adaptation du poste de travail, tenant compte des difficultés séquellaires, comme par exemple éviter une activité impliquant des situations de double tâche, nécessitant des ressources attentionnelles, éviter un entourage bruyant ou faire intégrer un nouveau poste de travail nécessitant une formation. Il est nécessaire de demander son accord au patient pour contacter le médecin du travail car nous sommes tenus au secret professionnel.
Les jeunes traumatisés crâniens n'avaient souvent pas d'intégration sociale ni de formation professionnelle, et d'autres gardent des séquelles incompatibles avec la reprise de leur activité antérieure. À la suite de la « circulaire Bauduret » qui montrait le déficit de prise en charge de ces jeunes handicapés, des Unités d'évaluation, de réentraînement, d'orientation socioprofessionnelle (UEROS) ont été créées avec l'objectif de favoriser leur intégration sociale et si possible professionnelle. Ces structures sont développées dans la majorité des régions. Elles permettent à distance du traumatisme de faire une évaluation des séquelles et des capacités préservées, et de proposer un programme de réentraînement à la vie sociale et si possible professionnelle. La réinsertion professionnelle peut être faite en travail ordinaire dans quelques cas, une orientation en milieu protégé (Centre d'aide par le travail) peut aussi être proposée. Dans de nombreux cas malheureusement, l'intégration professionnelle n'est pas possible.
Nous vous conseillons de consulter le site de l'Union nationale des associations de familles de traumatisés crâniens qui fournit des informations sur le traumatisme crânien et des témoignages.
Le site l'AFTC (association des familles de traumatisés crâniens d'Alsace Lorraine) est également très riche.
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