Question d'origine :
Bonsoir,
Une question mêlant droit et littérature :
Dans Le Rouge et le Noir, Stendhal invente la vie de descendants de personnages historiques réels et en particulier du seigneur Boniface de la Môle.
Pourrait-on imaginer que les véritables descendants de ce dernier (ou des autres personnages historiques) auraient pu porter plainte pour cette invention ?
Merci d'avance pour votre réponse à cette question quelque peu alambiquée...
Réponse du Guichet
gds_ctp
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 12/11/2014 à 16h18
Bonjour,
Vous pouvez tout imaginer… et même en faire un roman !
Pour ce qui concerne les procès les plus anciens faits à la littérature, ils ont rarement émané d’individus mais plutôt de l’Etat pour outrage aux mœurs ou d'autres auteurs pour supercheries littéraires.
La forme de la plainte pourrait être un procès en diffamation, ou d’atteinte à la vie privée, qui ont connu quelques exemples, anciens ou récents, puisque la mode de mettre en scène des personnes réelles revient, comme au temps de Stendhal ou Balzac.
Nadine Monfils est ainsi poursuivie par un quidam qu’elle n’a pas nommé mais dont elle se serait inspirée :
« un grand gaillard et commerçant sis rue Lepic à Paris [a] décidé de poursuivre la romancière Nadine Monfils, alléguant qu'il se reconnaissait sous les traits d'un individu peu amène, un cafetier qualifié d'abruti, dans la série des Aventures du commissaire Léon. Il a porté plainte pour diffamation. S'il apporte la preuve qu'il est reconnaissable, que le portrait en question représente une atteinte à l'honneur et à la considération et que l'auteur s'est conduit imprudemment, il est fort possible qu'il obtienne réparation. »
("A-t-on encore le droit de s'inspirer des faits divers?")
L’atteinte à l’honneur et à la considération pourrait donc être prise en compte comme préjudice. L’excellent article de l’Express cite 4 autres « victimes littéraires » récentes, ainsi que de plus anciennes mises en cause :
« Pierre Daninos se vit condamner pour avoir ridiculisé ses concierges dans son roman Snobissimo, Serge Rezvani dut payer 11 000 francs à son ex-beau-frère Claude Lanzmann, 8 000 francs à la mère de celui-ci, et supprimer les passages incriminés: l'auteur du Testament amoureux y traitait son ex-beau-frère d' «entremetteur-né» et le décrivait comme un juif fanatique. Christophe Donner fut lui aussi condamné pour atteinte grave à l'intimité de la vie privée, et à la peine la plus lourde qui soit : le retrait d'un livre déjà en librairie. Dans L'esprit de vengeance, le romancier citait nommément le philosophe Paul Ricoeur et sa famille dont il fut presque, des années durant, le fils adoptif. Lydie Salvayre quant à elle, pour citer une affaire plus récente, obtint gain de cause devant les juges. Les membres d'une famille affirmaient s'être reconnus dans La compagnie des spectres sous les traits de jumeaux «abrutis, sentant la pisse, miliciens, assassins...».
Il semble cependant que Le Rouge et le noir, publié en 1830, n’ait pu « bénéficier » des lois et jurisprudences protectrices de 1881 qui accompagnèrent la liberté de la presse, et que ses contemporains lui reprochèrent surtout le portrait immoral de Julien. mais notre réponse n'est pas celle d'un juriste.
Bonne journée.
A lire aussi :
Lettres et lois : le droit au miroir de la littérature
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Pour ce qui concerne les procès les plus anciens faits à la littérature, ils ont rarement émané d’individus mais plutôt de l’Etat pour outrage aux mœurs ou d'autres auteurs pour supercheries littéraires.
La forme de la plainte pourrait être un procès en diffamation, ou d’atteinte à la vie privée, qui ont connu quelques exemples, anciens ou récents, puisque la mode de mettre en scène des personnes réelles revient, comme au temps de Stendhal ou Balzac.
Nadine Monfils est ainsi poursuivie par un quidam qu’elle n’a pas nommé mais dont elle se serait inspirée :
« un grand gaillard et commerçant sis rue Lepic à Paris [a] décidé de poursuivre la romancière Nadine Monfils, alléguant qu'il se reconnaissait sous les traits d'un individu peu amène, un cafetier qualifié d'abruti, dans la série des Aventures du commissaire Léon. Il a porté plainte pour diffamation. S'il apporte la preuve qu'il est reconnaissable, que le portrait en question représente une atteinte à l'honneur et à la considération et que l'auteur s'est conduit imprudemment, il est fort possible qu'il obtienne réparation. »
("A-t-on encore le droit de s'inspirer des faits divers?")
L’atteinte à l’honneur et à la considération pourrait donc être prise en compte comme préjudice. L’excellent article de l’Express cite 4 autres « victimes littéraires » récentes, ainsi que de plus anciennes mises en cause :
« Pierre Daninos se vit condamner pour avoir ridiculisé ses concierges dans son roman Snobissimo, Serge Rezvani dut payer 11 000 francs à son ex-beau-frère Claude Lanzmann, 8 000 francs à la mère de celui-ci, et supprimer les passages incriminés: l'auteur du Testament amoureux y traitait son ex-beau-frère d' «entremetteur-né» et le décrivait comme un juif fanatique. Christophe Donner fut lui aussi condamné pour atteinte grave à l'intimité de la vie privée, et à la peine la plus lourde qui soit : le retrait d'un livre déjà en librairie. Dans L'esprit de vengeance, le romancier citait nommément le philosophe Paul Ricoeur et sa famille dont il fut presque, des années durant, le fils adoptif. Lydie Salvayre quant à elle, pour citer une affaire plus récente, obtint gain de cause devant les juges. Les membres d'une famille affirmaient s'être reconnus dans La compagnie des spectres sous les traits de jumeaux «abrutis, sentant la pisse, miliciens, assassins...».
Il semble cependant que Le Rouge et le noir, publié en 1830, n’ait pu « bénéficier » des lois et jurisprudences protectrices de 1881 qui accompagnèrent la liberté de la presse, et que ses contemporains lui reprochèrent surtout le portrait immoral de Julien. mais notre réponse n'est pas celle d'un juriste.
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