Question d'origine :
Par quel mécanisme provoque-t-on la dévaluation en imprimant des billets ?
Mon raisonnement est simple (et naïf) :
J'imprime des billets, je deviens riche; je peux acheter beaucoup de choses.
Les commerçants sont contents, ils vendent plus, donc baissent leurs prix. Ce qui me permet d'acheter encore plus.
De plus, il devient facile de régler plein de problèmes. Autant imprimer quelques millions pour les Restos du Coeur et Médecins Sans Frontières tout de suite...
Pourtant, on répète partout que la fausse monnaie est une plaie, qui cause l'écroulement du marché, la dévaluation et ainsi de suite. Posséder de faux billets est d'ailleurs un crime gravement puni par la loi.
Mais quel est donc, en termes simples, le fameux mécanisme que personne n'est capable de m'expliquer ?
Réponse du Guichet
bml_soc
- Département : Société
Le 04/04/2005 à 09h24
Vous faites référence au principe de la « planche à billets » qui tient en fait de la
« Mise en circulation de quantités supplémentaires de monnaie. Dans les économies modernes, elle est, pour l’essentiel, due aux crédits distribués par les banques de second rang aux entreprises et aux ménages ("concours à l’économie"). Les relations avec l’extérieur influent également sur les liquidités intérieures. Par exemple, les devises reçues de l’étranger par un exportateur sont converties en monnaie nationale puis utilisées par celui-ci, l’inverse étant vrai pour l’importateur ; un excédent de la balance des paiements accroît donc la masse monétaire et un déficit la restreint. Enfin, lorsque les prélèvements fiscaux ne couvrent pas les dépenses du budget de l’Etat, le Trésor public peut demander des "avances" à la banque centrale, monnaie émise sans création de richesses en contrepartie. On dit alors que le gouvernement utilise la "planche à billets".
Schématiquement, on retiendra que la monnaie est émise par les banques commerciales lorsqu’elles consentent des crédits aux entreprises qui en créeront la contre-valeur en biens et services et, grâce à leurs ventes, pourront rembourser leurs emprunts (on parle de "monnaie banques de second rang"). Ceci justifie l’adage "les crédits font les dépôts", inverse de la conception naïve selon laquelle les banquiers prêteraient les fonds reçus. En fait, les crédits, qui sont premiers, autorisent les bénéficiaires à établir des chèques reçus par leurs créanciers qui les remettront à d’autres guichets. Pour faire face aux retraits d’espèces de leurs clients, honorer les soldes de compensation et nourrir leurs réserves obligatoires, les établissements de crédit se refinancent auprès de la banque centrale qui, en émettant sa propre monnaie ("monnaie banque centrale" ou "monnaie centrale", c’est-à-dire les billets), occupe une situation déterminante dans le contrôle de la liquidité de l’économie. »
L'Académie de Rouen propose à ses lycéens un support de cours en politique économique consacré aux effets d'une dévaluation de la monnaie nationale.
Vous pouvez aussi lire l'article consacré au "miracle de la création monétaire" et celui intitulé "la fin de la planche à billet" dans le n°45 d'Alternatives Economiques consacré à la monnaie dont voici un extrait :
« Supposons que les habitants d'un pays possèdent des pièces d'or. Pour ne pas se faire dévaliser, ils les déposent dans une banque qui leur donnent en échange des « tickets de consigne », des billets. Grâce à ces tickets de consigne, on peut reprendre son or quand on veut en ramenant les billets.
Faisons maintenant un peu de comptabilité[...]. Après la mise en consigne, la banque possède un actif en or de 100. Mais elle doit cet or aux clients qui le lui ont apporté, elle à une dette à leur égard, notée au passif, de 100 également. La monnaie est une dette pour l'émetteur de monnaie et une créance pour son possesseur.
A-t-on créé de la monnaie en imprimant les billets ? Oui, diront certains . on a l'or plus les billets, la quantité de monnaie a doublé. Evidemment non, car la monnaie fiduciaire (les billets) s 'est seulement substituée à la monnaie matérialisée par de l'or : la masse monétaire est seulement ce qui appartient au public et peut être dépensé – on ne peut plus dépenser l'or déposé à la banque. L'or est la source ou la contrepartie de la masse monétaire, en billets pour le moment.
Les sources étrangères de la monnaie. Imaginons que nos habitants exportent plus qu'ils n'importent. Ils obtiennent, disons 40 en devises, de la monnaie étrangère qui n 'a pas cours légal dans le pays. Le public, qui veut de la monnaie locale, amène ces devises à la banque, laquelle lui fournit en échange des billets, par une opération de change (encore des tickets de consigne). L 'actif des agents non financiers a augmenté de 40 en billets, de même que le passif de la banque ; il y a alors une création monétaire dont les devises sont la source. On appelle contrepartie extérieure de la masse monétaire les devises (l'or étant noyé dans ce concept). L 'excédent commercial, plus généralement l'excédent de la balance des paiements, est donc source de création monétaire.
Mais les voleurs – pensons aux frères Dalton – aiment aussi les billets de banque. Pour ne pas se faire dépouiller, le public dépose ses billets à la banque. Ce n 'est pas la même banque. La première, celle qui émet les billets nationaux et change les devises, c'est la banque centrale. Elle laisse les banques commerciales assurer cette nouvelle fonction de collecte des billets.
Que se passe-t-il ? Le public substitue à son actif des billets par des créances auprès des banques commerciales : des dépôts à vue. Les banques commerciales possèdent maintenant des billets à leur actif, mais doivent aux déposants un montant équivalent. Aucune création monétaire dans cette opération anti-Dalton : la monnaie de banque centrale (les billets) s 'est transformée en monnaie banque commerciale, dont le principal support est souvent le carnet de chèques, que l'on appelle la monnaie scripturale.
Les banques commerciales sont alors tentées de ne pas laisser dormir leurs encaisses, d'autant plus qu 'on leur propose de les leur emprunter moyennant un petit profit : le taux d'intérêt. Elles se laissent tenter. Supposons qu'une banque prête un montant supérieur à ce qu 'elle détient en billets. Comment fera-t-elle ?
Elle créditera le compte de l'agent non financier qui pourra payer par chèque, carte de paiement, etc.
Apparemment, aucune monnaie n'a été créée, aucune planche à billets n'a ronronné. C'est faux. De la monnaie a bien été créée, le public possède maintenant dans son actif un moyen de paiement supplémentaire, sous forme de dépôts à vue créé par le crédit. De l'autre côté, au passif, le public doit cet argent à la banque qui, du coup, possède sur le public une créance, le crédit bancaire. Personne n'est devenu riche : le public a une dette de plus et un actif en banque de plus du même montant , la banque, une créance de plus (le crédit accordé) et une dette de plus (le dépôt à vue).
Le crédit à l'économie : monnaie de singe ?
Une nouvelle contrepartie de la masse monétaire vient d'apparaître : le crédit bancaire au public (les ménages ou les entreprises), nommé crédit à l'économie. Quand le public rembourse tous les crédits accordés, on constate une destruction de monnaie. Rien n'a brûlé, mais il y bien destruction de monnaie, car la masse des moyens de paiement des agents non financiers a fondu en même temps que le crédit, la source qui 1 'avait fait naître.
Ce crédit bancaire ressemble fort à une création de monnaie de singe, dans la mesure où le stock d'or et de devises, la « vraie contrepartie » de la masse monétaire, n 'a pas bougé. Si le bénéficiaire du crédit ou l'ancien déposant veut de la monnaie en billets, la banque risque la faillite : elle n'en a généralement pas assez, c'est le risque d'illiquidité. Elle se précipite alors à la banque centrale et lui demande un crédit du même montant pour honorer sa dette, en monnaie sonnante et trébuchante. La banque centrale hésite, mais se dit que si elle refuse, le système bancaire est par terre ; alors elle accorde le crédit en gros ; comme la banque commerciale 1 'avait accordé au public.
Enfin, voilà de la vraie création monétaire diront certains : la planche à billets, et pas ces écritures qui ne créaient que de la monnaie de singe. Grave erreur : pas un centime de monnaie n'a été créé, la masse monétaire n 'a pas bougé, bien que de la monnaie de banque centrale ait été émise. Mais elle se trouve dans les coffres des banques et ne fait donc pas partie de la masse monétaire. Après ce refinancement, la banque, avec un large sourire, fournit les billets demandés. Enfin de la création monétaire ? Toujours pas ! De la monnaie fiduciaire a simplement remplacé de la monnaie scripturale : des dépôts à vue ont disparu à l'actif du public, remplacés par les billets, et ils ont disparu du passif de la banque commerciale, en même temps que les billets de banque à 1 'actif. Il ne manquait que 1'Etat qui, s'il doit financer son déficit budgétaire, va aussi profiter de la création monétaire. Il le fait soit en empruntant de l'épargne déjà existante, en émettant des obligations à long terme ou des bons du Trésor à court-terme souscrits par le public ou par les banques, soit en demandant des avances à la banque centrale. Dans le premier cas, il n'y a pas création monétaire, simplement transfert par l'emprunt de monnaie existante — comme, plus haut, quand les banques émettaient des obligations. Pour le reste, il y a bien création monétaire (financement monétaire de la politique budgétaire).
Comment cela se produit-il ? La banque centrale achète, en fournissant par exemple des billets de banque, une partie des bons du Trésor détenus par les agents non financiers. Si elle en achète beaucoup, leur valeur va augmenter, et comme ils sont très demandés, le taux d'intérêt que l'Etat devra proposer va baisser. On assiste à une création monétaire, car des créances non monétaires se sont transformées en monnaie. La banque centrale vient de faire une opération d'open-market. Elle a créé de la monnaie et fait baisser le taux d'intérêt. Une telle politique lui sert à soutenir l'économie. Si la banque centrale revend, contre par exemple des billets de banque, une partie des bons du Trésor qu'elle avait achetés aux agents non financiers, si elle en vend beaucoup, leur valeur va baisser et le taux d'intérêt augmenter. On assiste alors à une destruction monétaire. La banque centrale vient de faire une opération inverse d'open-market, elle vient de détruire de la monnaie, d'assécher une partie de ce qu'elle estime être un surplus de liquidité à éponger , elle a fait monter le taux d'intérêt. Elle agit ainsi lorsqu 'elle a peur de l'inflation. Une autre contrepartie de la masse monétaire apparaît : les crédits à 1'Etat.
Tout crédit bancaire est-il donc source de création monétaire ? Non, si la source du crédit est la collecte d'une épargne existant déjà ; et si, par exemple, les ménages transfèrent une partie de ce qu'il y a sur leurs comptes à vue vers un plan d'épargne logement, il y a destruction monétaire, du fait de la baisse du montant de monnaie utilisable immédiatement. De même, si les banques commerciales émettent des obligations (c'est-à-dire empruntent de l'argent) souscrites par le public, on a une autre destruction monétaire : la masse monétaire détenue par le public passant dans les mains des banques disparaît, pas physiquement. mais en tant que pouvoir d'achat immédiat. D'où la présentation habituelle des contreparties de la masse monétaire, où ces sources non monétaires, dites ressources stables, sont déduites des crédits pour correspondre à la monnaie en circulation.
Les contreparties de la masse monétaire en Europe (en milliards d'euros et en % du total des crédits, au 31/12/99)
Extérieur 270 3 %
+ Crédits internes à l'économie 8 202 97 %
dont crédit au secteur privé 6 140 73 %
dont crédit à l'État 2 062 24 %
= Total des crédits 8 472 100 %
- Crédits sur ressources stables 3 690 44 %
= Contrepartie M3 4 782 56 %
La moitié des crédits correspond à de la création monétaire. On note qu'il n 'y a qu'un peu plus de la moitié des crédits qui correspond à de la création monétaire. On remarque également l'insignifiance du rôle joué par l'extérieur, qui ne représente que 3 % de M3. La plus grande partie de la masse monétaire est donc bien la conséquence des crédits bancaires (au secteur privé, dans son écrasante majorité, mais aussi à 1'Etat) : une simple écriture comptable, du vent, pas de l'or ou des devises. Ce qui ne veut pas dire que ce vent ne puisse pas, en soufflant, avoir des effets tangibles sur 1 'économie, pour relancer 1 'activité ou lutter contre le chômage."
Enfin, évitez d'imprimer vous-même vos billets sur votre imprimante couleur, même pour les donner aux Restos du coeur, mais jouez en créant votre propre monnaie et en devenant gouverneur de votre propre banque centrale grâce au cédérom "Planche à billets".
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