hôpitaux Saint-Laurent, Saint-Thomas et la Quarantaine
LYON, MÉTROPOLE ET RÉGION
+ DE 2 ANS
Le 06/07/2014 à 06h06
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Question d'origine :
Bonjour,
Est-ce que l'Hôpital Saint-Laurent et l'Hôpital Saint-Thomas étaient deux hôpitaux différents ou bien deux appellations successives du même hôpital ? Est-ce que la Quarantaine était installée dans l'un de ces hôpitaux ou dans un autre lieu ? Peut-on situer avec exactitude leur emplacement sur un plan contemporain de Lyon ?
Certains historiens font référence à une quarantaine de la Fleur de Lys. Sait-on où elle était située ?
Merci de votre réponse.
Réponse du Guichet
bml_reg
- Département : Documentation régionale
Le 08/07/2014 à 14h44
Bonjour,
« Nos anciens hôpitaux lyonnais sont bien oubliés. Un nom de rue (rue des Passants, rue de la Quarantaine, rue Sainte-Catherine etc.) rappelle seul le souvenir bien vague de quelques-uns d’entre eux » écrit Jules Drivon en 1908. Pour cette raison sans doute, il s’attèle à une histoire des hôpitaux de Lyon, au cours de laquelle il dresse un inventaire des petits hôpitaux qui ont fleuris dès le Moyen-âge à Lyon : Les anciens hôpitaux de Lyon : petits hôpitaux divers, paru dans Lyon Médical, disponible en ligne sur Gallica...
Les sources anciennes sur le sujet incluent également l’œuvre de Marie-Claude Guigue datée de 1887 : Recherches sur les recluseries de Lyon : leur origine, leur nombre et le genre de vie des reclus
En revanche, on ne trouve pas grand-chose sur ces hôpitaux dans le fameux ouvrage La médecine à Lyon des origines à nos jours.
Un long article de Joseph Vingtrinier consacré à la Chapelle de Saint-Roch à Choulans, paru en 1901 dans la Revue du Lyonnais mentionne à plusieurs reprises ces deux hôpitaux et nous éclaire sur leur histoire ; ce premier extrait est à cet égard parfaitement synthétique :
En 1509, ce premier hôpital étant devenu insuffisant pour contenir tous les malheureux pestiférés, la confrérie de la Trinité avait élevé à ses frais, à côté de l'hôpital, un corps de bâtiment séparé pour recevoir les confrères atteints par le fléau.
Quelques années plus tard, enfin, Thomas de Gadagne, le riche banquier florentin, avait, à l'instigation du savant dominicain Santé Pagnino, fait bâtir â ses frais, sur les plans de l'architecte Salvator Salvatori, un troisième bâtiment qui avait été appelé, de son nom « hospice de Gadagne », ou « de Saint-Thomas ». Gadagne avait en outre légué, en 1547, mille livres tournois pour les réparations et l'entretien de l'hôpital
On peut encore lire ailleurs ces quelques lignes qui font références à la Ferratière, ou Quarantaine de la Fleur de Lys :
Quelque considérables que fussent les bâtiments des hôpitaux Saint-Laurent et Saint-Thomas, ils n'étaient plus suffisants pour contenir tous les malheureux atteints de la peste.
Déjà, en 1577, le Consulat avait été obligé de faire construire des cabanes dans le pré d'Ainay. Les dépenses excessives que cela occasionnait, la quantité de soldats qui étaient nécessaires pour former un cordon sanitaire, et, enfin, la situation défavorable de ce pré souvent inondé par le Rhône et la Saône, le déterminèrent à acquérir des fonds voisins pour agrandir les hôpitaux.
Le Consulat acheta, du sieur Pons-Murard,
La première de ces deux acquisitions coûta 4.500 écus d'or sol, et la seconde 333. Un tiers fut payé, du consentement des héritiers de Gadagne et du consul de la nation florentine, avec les deniers légués par le riche banquier à l'hôpital Saint-Thomas.
Ou encore ici : elles mentionnent avec de grand s éloges un architecte d'origine italienne , Salvator Salvatori, chargé par le sire Thomassin de Gadagne, en 1534 , de construire un hôpital pou r les pestiférés. Cet hôpital somptueux , nommé Hôtel-Dieu de Saint-Laurent-des-Vignes , était placé su r la rive droite de la Saône non loin de la jonction d u Rhône et de la Saône (5)
(5) Cet hôpital fut en 1580 désigné comme lieu de quarantaine pour les marchandises suspectées de contagion.
Il semblerait que tous ces hôpitaux ont successivement hérités du statut de Quarantaine en leur temps, même si cela n’est pas tout à fait clair.
En 1936, les Albums du crocodile publie un opuscule intitulé Hôpitaux de pestiféreux à Lyon que vous gagneriez à consulter si vous souhaitez approfondir la question.
Y sont évoqués les derniers jours de ces anciens hôpitaux de pestiférés :
« Il (Gadagne) fit élever le troisième bâtiment, celui que représente notre Gravure dont 1a silhouette se détachait si bien sur la verdure du coteau, dont la galerie élégante était d’un effet si heureux... A l’angle méridional s’étalait il y a peu de jours encore, la croix engrelée des Gadagne. » « A quelques pas d’une maison carrée, d’une architecture noble et correcte que l’on attribue a Palladio, se trouve une petite maison neuve destinée aux lits militaires... a l'un des angles est enchassée une niche du XV° siècle surmontée dlun pinacle découpé, et supportée par deux anges tenant un écusson resté vide... » (1)
L’expropriation de 1855 n’avait pas atteint le tènement de la Quarantaine tout entier. Il en resta assez pour en démolir encore
en 1896, lorsque M. Duport fit élever ses trois maisons du quai Fulchiron n“ 43 à 45. et même pour en conserver un bâtiment allongé de l'Ouest à l’Est, qui figure en bonne place sur les vues que nous ont laissées les Guindrand, Thierriat, Fonville,
Saint-Olive, Gabillot et leurs copistes, avec sa tour septentrionale cl’abord entière, puis rasée à l’Héberge, et enfin à fleur de
terre vers l’actuel escalier Saint-Clair Duport.
(1) Cette niche existe encore placée à l'angle Nord-Est d’une maison du quai des Etroits, maison qui n’a rien d’ancien.
De la destruction des derniers vestiges de l’hôpital en 1896, il nous reste cette photo
(note : On trouve d’ailleurs une référence à ces travaux dans la presse de l’époque sous la forme de ce court commentaire de la Construction lyonnaise en mai 1902 : « Cette séance, importante par les décisions prises et approuvées par M. le Maire, s'est terminée par un rapport de M. Jamot sur les fouilles entreprises sur l'emplacement de l'ancien hôpital Saint-Laurent, quai Fulchiron, et qui ont mis à jour des poteries gallo-romaines fort intéressantes, dont la place est tout indiquée dans le futur Musée. » - il est ici question bien sûr du futur musée du Vieux Lyon qui occupera l’hôtel de Gadagne)
En annexe à cette réponse, citons in extenso la conclusion de ce hors série des Albums du crocodile dans laquelle vous trouverez des indications précises de l’emplacement de ces hôpitaux à partir des cartes et plans scénographiques anciens de Lyon :
Récapitulation des développements successifs des Hôpitaux des pestiféreux
l. - LE COIGNET
Au IX° siècle, il n'y a que la Chapelle Saint-Laurent et un petit bénéfice y attaché.
Au XI° siècle, il y a en plus, une maison des Chanoines de Saint-Irénée améliorée par Hugues de Pizay.
En I474, le traité consenti à Huguette Balarin et Jacques Caille, comporte chapelle, cimetière, maison et vigne.
De 1508 à 1530, s’y ajoutent : les deux maisons construites par les Confrères de la Trinité, ct les deux maisons élevées par le Consulat, lors de la chute dc la chapelle de la Madeleine.
En 1533, l’Hôpital de Thomas de Gadagne.
La reconnaissance passée par les Recteurs de l’Hôpital de l’Hôtel-Dieu au profit du Prieur de Saint-lrénée, le 7 janvier 1660, comporte : « un tènement de maisons, à présent Hôpital de Gadagne, place et autres bâtiments servant de bureaux aux sieurs recteurs dud. hôpital nouveau construit et édifié, appelé l’Hôpital de Saint-Thomas, qui souloit être vigne de Saint-Irénée, sise à Syolans proche l’Eglise Saint-Laurent-des-Vignes... »
En 1731 et 1747, d’autres reconnaissances portent : « un tènement de maisons, galeries, caves, fenières, chambres et autres appartements appelés l’Hôpital de Gadagne de Saint-Thomas et de Saint-Laurent avec jardin y joignant au coin duquel est une fontaine... joignant: au Nord, le chemin et entrée de la Chapelle Saint-Laurent... »
La vente au Roi de 1768 reproduit la désignation de 1731 et 1747.
D’après la description du cahier des charges de 1807, l’ensemble est confiné : à l’orient, par la Saône; au midi et au Nord par terrain aux Hospices (c’est-à-dire au midi, le jardin Athanazy; et au nord, le Colombier); à l’occident, par le chemin qui conduit aux Etroits.
Il y a une seule entrée sur route,
En entrant dans cette enceinte, on trouve : à sa droite, c’est-à-dire au midi, un bâtiment de rez-de-chaussée et un étage; et à sa gauche, au Nord, une autre construction du même genre suivie d’une troisième en retour d’équerre élevée d’un étage de plus; et en droit soi, un perron que dessert un escalier.
Au bas de ce perron, on a à sa droite une petite cour, une autre à gauche, et devant soi, un impasse allant de l’Ouest à l’Est.
Encore au Nord du bâtiment de rez-de-chaussée et deux étages ci-dessus, le long du voisin septentrional, s’étendent une cour, un hangar et ce qui restait de la vieille chapelle, avec un cimetière à son chevet.
Au midi de la chapelle, sur une grande cour allant du Nord au Sud, se trouvait en bordure de l’eau le bâtiment de Gadagne, celui dont la situation pittoresque, les galeries, ont retenu l’attention des touristes et le crayon des artistes, jusqu'à sa disparition.
Trois autres constructions perpendiculaires à l’axe du bâtiment de Gadagne et en arrière de celui-ci complètent cet ensemble de sept constructions et. une Chapelle sur une surface d'environ 3.100 mètres. Carrés
.
Les plans de 1550, de Simon Maupin (1625), de Guigou (1 710), c’est-à-dire les vues cavalières, ne donnent qu’une idée confuse de l’arrangement de ces constructions : il en va de même des dessinateurs, depuis Israël Silvestre jusqu’à Guindrand.
Tous, hypnotisés par la construction de Gadagne et la Chapelle Saint-Laurent, ont négligé le reste.
Le plan de 1550 porte à 1’angle Nord-Est du tènement, en bordure de la Saône, deux petites maisons, qui peuvent être celles des Confrères de la Trinité, ou celles élevées en 1524 sur l’emplacement de la Chapelle de la Madeleine.
Le plan de S. Maupin de 1625 est déjà plus détaillé. Ce ne sont plus deux, mais quatre maisons, dont une importante de trois étages, qui sont en limite de la rivière. On y voit aussi au carrefour de la Quarantaine, la porte d’entrée surmontée d’un clocheton.
On retrouve ce même accessoire et le bâtiment de Gadagne sur la vue de Silvestre (milieu du XVI“ siècle). Par contre la chapelle ne se voit pas, et pour le surplus l’artiste retombe dans la fantaisie.
Le plan de Guigou (1713) est le premier à mettre la chapelle Saint-Laurent dans sa véritable situation, en arrière de l’Hôpital et plus au Nord, et non exactement derrière, comme dans les précédentes vues. Les plans par terre de Séraucourt (1740) et de jacquemin (1747) confirment ce détail topographique.
Après quoi il faut arriver à la vue de Guindrand vers I835 sur laquelle le bâtiment de Gadagne bien en vue au premier plan est suivi, dans le sens perpendiculaire, d’une maison très allongée, qui subsiste encore flanquée sur sa façade du Nord, d’une tour rasée à l’héberge. Il en reste aujourd’hui la trace circulaire au ras du sol.
Les artistes les plus modernes, les Fonville, Saint-Olive, Gabillot, qui ont dessiné ce coin du vieux Lyon, n’ont laissé de lui que l’idée confuse d’un amas de petites constructions d’où venait de disparaître le bâtiment principal, qui a lui seul faisait enseigne, sans qu’il soit besoin de légende « des hôpitaux des pestiférés. »
Il. - LA FERRATIERE
La Ferratière ne se voit pas, ou se distingue mal sur les vues cavalières : elle y est cachée p.ar les premiers plans. Pourtant on lit sur le plan de Guigou, au midi de ce tènement, un bâtiment à trois corps, dont un en retour d’équerre, avec une élégante maison genre villa au devant : 1e tout ayant en droit soi le Rhône au delà du port du Coignet. Il semble que ce soit la maison du Luxembourg appartenant à Moignat. A moins que ce ne soient les, bâtiments de la Ferratière eux-mêmes, car les plans scénographiques ne sont pas toujours à une échelle rigoureuse.
Le plan de Séraucour (I740) est un peu plus explicite, on y voit : la maison dont la décoration correctionnelle est indiquée plus haut, actuellement occupée par la mégisserie Dailly; un bâtiment assez Vaste sur le chemin de Sainte-Foy ; une construction de moindre importance surplombant les balmes et une petite maison au Nord-Est. C’est sur la Ferratière et proche de l’issue du tunnel Saint-lrénée, que M. Dailly mit au jour, en I860, un cippe au nom de Valerius Vallo, en faisant des réparations à une ancienne maison, qui passe, dit prudemment le catalogue Allmer et Dissard, pour avoir été bâtie sur les dessins de Palladio. Le cippe a été donné aux Musées de Lyon.
Le règlement de 1a Ferratière où, dès la fin du XVI° siècle, avaient été installés plus spécialement les services de Quarantaine, semble indiquer qu"il dut y avoir une chapelle, dont aucun titre ne parle. Ce ne fut donc qu’une construction légère, peut-être une cabane spécialement affectée au culte. Cela me rappelle d’avoir lu quelque part (mais où ?) l’existence d’une chapelle de ce genre aménagée de telle façon que les courants d’air contribuaient à la tenir en état de salubrité.
Le 3 janvier 1740, le Consulat vendit la Ferratière aux recteurs de l’Hôtel-Dieu, avec le jardin Athanazy. La description de ce contrat n’est pas très explicite : « un tènement appelé la
Quarantaine ou la Ferratière ou fleur de lis, consistant en une maison haute moyenne et basse, bâtiments, fonds, jardin, vigne, pré, fontaines, bocages, allées de muriers de la contenance d'environ 16 bicherées 3/4 (2 hectares 1/2) situé sur la paroisse Saint-Irénée, hors la porte de Saint-George, etc.. On indique comme limitrophes : Naulo-Moreux, Maurice Duperet, Mogniat-Des-combes, propriétaire du Luxembourg.
III - JARDIN D’ATHANAZY
Cette parcelle n’a jamais comporté, outre son terrain, qu’un bâtiment qui devint plus tard le bureau du poids des farines.
« Il existait, dit de Rubys, un octroi de cinq espèces, dont l’un l était le Carolus du poids des finances, qui se lève sur chaque ânée de blée que l’on mène au moulin. Laquelle faut faire peser
ès-lieux à ce ordonnés par 1a Ville et s’appelle communément le poids des farines. » Il fut démoli en 1816.
Les moulins étaient nombreux à la Quarantaine devant les Hôpitaux, appartenant soit à l’Aumône générale soit à des particuliers.
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