Problème de la classification Dewey au XXIème siècle
CIVILISATION
+ DE 2 ANS
Le 03/04/2014 à 14h57
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Question d'origine :
Bonjour,
Les bibliothèques utilisent en masse la classification décimale de Dewey pour classer leurs ouvrages documentaires sur les rayons de leurs établissements. Cette classification censée couper le savoir en tranches balaie en effet l'ensemble des connaissances.
Vous n'êtes pas sans savoir, par ailleurs, que la société ainsi que les moeurs ont évolués depuis sa création en 1876.
Aussi, une adaptation de cette classification tenant en compte l'évolution de la société est-elle effectuée et, si oui, par quel(s) organisme(s) ?
Est-il judicieux, légal et normal, en 2014, de continuer à trouver "Homosexualité" sous l'indice 363.4 traitant des "Problèmes relatifs à la morale publique " ? Ne peut-on pas y lire déjà, une incitation à la discrimination et à l'homophobie, dans des établissements soucieux de s'inspirer, a priori - et notamment, du Manifeste de l'Unesco sur la bibliothèque publique ?
Bien cordialement,
Fabien DOUET
Réponse du Guichet
gds_et
- Département : Équipe du Guichet du Savoir
Le 04/04/2014 à 14h17
Bonjour,
Effectivement, malgré des mises à jour régulières de l’OCLC, la classification Dewey présente toujours de grands retards :
Bien qu’ayant été considérablement améliorée au cours de vingt révisions majeures, la CDD reflète toujours l’organisation générale du savoir telle qu’on la concevait aux États-Unis à la fin du XIXe siècle. C’est pourquoi la philosophie et la religion, par exemple, qui représentaient environ 10 % de la production éditoriale à cette époque, a aujourd’hui encore une position disproportionnée dans la classification. C’est une source de critique de la CDD, qui relègue ainsi de nombreux ouvrages dans d’obscures subdivisions simplement parce qu’ils ne traitent pas de la pensée occidentale : ainsi les religions non-chrétiennes n’apparaissent que dans la division 290 (un dixième de l’espace consacré aux religions) et la littérature et l’histoire européennes sont dominantes par rapport aux autres (comme elles le sont dans les rayonnages de la Bibliothèque du Congrès des États-Unis). Certaines divisions ou subdivisions sont également vacantes ou ne sont plus utilisées.
[…]
Limites du système
Tout classement constitue un compromis entre l’objectif de simplifier la tâche du classificateur et celui de simplifier la tâche du chercheur. Dans le cas de la classification de Dewey, c’est le premier de ces deux facteurs qui a été privilégié : il n’est pas possible de se documenter sur un sujet sans savoir très précisément à quelle discipline le rattacher. Or cela pose problème lorsqu’un ouvrage traite précisément du lien entre deux disciplines. La bio-informatique, par exemple, sera-t-elle à chercher dans la section 500 ou 600 ? Et plus précisément 570 ou 620 ? Comme il n’est pas possible de répondre avec précision à cette question, la classification de Dewey se complètera utilement d’autres techniques comme :
• le KWIC (Key Word In Context)
• la recherche plein texte au moyen des outils informatiques appropriés.
La principale critique de cette classification est qu’elle a été centrée sur l’état d’esprit de la fin du XIXe siècle aux États-Unis d’Amérique et qu’elle représente cet état d’esprit qui ne correspond plus à notre conception actuelle des connaissances.
Ainsi, dans la classe 800 (Littérature), les deux premières divisions sont consacrées aux littératures en anglais (810 = Littérature américaine, 820 = Littératures anglaise et anglo-saxonnes), les six divisions suivantes aux littératures européennes (divisions 830 à 880) et une seule division aux littératures des autres langues (division 890).
De même, dans la classe 200 (Religion), les religions chrétiennes sont surreprésentées (divisions 220 à 280) tandis que les autres religions sont classées dans une seule division (290).
Source : Wikipedia
Cependant, aussi imparfait soit-il, ce système de classification reste un outil essentiel, utilisé dans la plupart des bibliothèques occidentales, et le plus souvent complété par la CDU (Classification Décimale Universelle) :
La classification Décimale Universelle (C.D.U.) constitue un plan destiné au classement de l’ensemble des connaissances. Elle permet de grouper toutes les références relatives à un sujet déterminé et de situer cette documentation avec le minimum de recherches. Issue, il y a quelque cent ans, de la Classification Décimale de Dewey (Dewey Decimal Classification), elle a été largement adoptée, dans le monde, comme un système normalisé, et elle est maintenant utilisée dans des milliers de bibliothèques et de centres de documentation.
[…]
Trois principes fondamentaux sont évidents dans la Classification Décimale Universelle :
- C’est uneclassification au sens strict ; soit un plan de classement qui réunit et ordonne les connaissances selon le procédé logique et systématique d’inclusion des notions au sein d’ensembles qui les doivent en principe contenir.
- C’est une classificationuniverselle dans laquelle l’ensemble des connaissances est inclus, non comme une mosaïque de groupements isolés, spécialisés et se suffisant à eux-mêmes, mais comme un dessin de sujets liés les uns aux autres.
- C’est une classificationdécimale universelle, dont la notation reflète et exprime le principe de succession du général au particulier au moyen de la répartition (arbitraire) des connaissances humaines en dix grandes classes, donc chacune est subdivisée décimalement jusqu’au degré nécessaire.
Source : Classification Décimale Universelle, version mise à jour de 2012, Consortium UCD
La vedette « homosexualité », dans la classification Dewey n’est pas uniquement présente dans l’indice 363.49, mais aussi en 306.766 (sociologie ->pratiques sexuelles), en 155.33 (psychologie -> psychologie des gens selon leur genre ou leur sexe, masculinité, féminité) et 176 (éthique sexuelle). Dans le système CDU, on la trouve en 316.361.15 (mariage gay) et 316.367.7 (relations homosexuelles) dans la section « mariage et famille » du domaine sociologie, et en santé en 613.885, santé et éthique.
Si on peut regretter les lenteurs d’évolution de ces classifications, qui, dans un certain nombre de domaines, peinent à être en adéquation avec les changements de la société et les évolutions techniques, rappelons néanmoins que ces outils ne sont que des indicateurs, qui n’influencent pas nécessairement l’organisation des bibliothèques : le bibliothécaire, à travers le plan de classement qu’il a lui-même défini, choisit de regrouper les documents de la manière qu’il juge pertinente, et cohérente avec l’ensemble de sa collection.
Effectivement, malgré des mises à jour régulières de l’OCLC, la classification Dewey présente toujours de grands retards :
Bien qu’ayant été considérablement améliorée au cours de vingt révisions majeures, la CDD reflète toujours l’organisation générale du savoir telle qu’on la concevait aux États-Unis à la fin du XIXe siècle. C’est pourquoi la philosophie et la religion, par exemple, qui représentaient environ 10 % de la production éditoriale à cette époque, a aujourd’hui encore une position disproportionnée dans la classification. C’est une source de critique de la CDD, qui relègue ainsi de nombreux ouvrages dans d’obscures subdivisions simplement parce qu’ils ne traitent pas de la pensée occidentale : ainsi les religions non-chrétiennes n’apparaissent que dans la division 290 (un dixième de l’espace consacré aux religions) et la littérature et l’histoire européennes sont dominantes par rapport aux autres (comme elles le sont dans les rayonnages de la Bibliothèque du Congrès des États-Unis). Certaines divisions ou subdivisions sont également vacantes ou ne sont plus utilisées.
[…]
Limites du système
Tout classement constitue un compromis entre l’objectif de simplifier la tâche du classificateur et celui de simplifier la tâche du chercheur. Dans le cas de la classification de Dewey, c’est le premier de ces deux facteurs qui a été privilégié : il n’est pas possible de se documenter sur un sujet sans savoir très précisément à quelle discipline le rattacher. Or cela pose problème lorsqu’un ouvrage traite précisément du lien entre deux disciplines. La bio-informatique, par exemple, sera-t-elle à chercher dans la section 500 ou 600 ? Et plus précisément 570 ou 620 ? Comme il n’est pas possible de répondre avec précision à cette question, la classification de Dewey se complètera utilement d’autres techniques comme :
• le KWIC (Key Word In Context)
• la recherche plein texte au moyen des outils informatiques appropriés.
La principale critique de cette classification est qu’elle a été centrée sur l’état d’esprit de la fin du XIXe siècle aux États-Unis d’Amérique et qu’elle représente cet état d’esprit qui ne correspond plus à notre conception actuelle des connaissances.
Ainsi, dans la classe 800 (Littérature), les deux premières divisions sont consacrées aux littératures en anglais (810 = Littérature américaine, 820 = Littératures anglaise et anglo-saxonnes), les six divisions suivantes aux littératures européennes (divisions 830 à 880) et une seule division aux littératures des autres langues (division 890).
De même, dans la classe 200 (Religion), les religions chrétiennes sont surreprésentées (divisions 220 à 280) tandis que les autres religions sont classées dans une seule division (290).
Source : Wikipedia
Cependant, aussi imparfait soit-il, ce système de classification reste un outil essentiel, utilisé dans la plupart des bibliothèques occidentales, et le plus souvent complété par la CDU (Classification Décimale Universelle) :
La classification Décimale Universelle (C.D.U.) constitue un plan destiné au classement de l’ensemble des connaissances. Elle permet de grouper toutes les références relatives à un sujet déterminé et de situer cette documentation avec le minimum de recherches. Issue, il y a quelque cent ans, de la Classification Décimale de Dewey (Dewey Decimal Classification), elle a été largement adoptée, dans le monde, comme un système normalisé, et elle est maintenant utilisée dans des milliers de bibliothèques et de centres de documentation.
[…]
Trois principes fondamentaux sont évidents dans la Classification Décimale Universelle :
- C’est une
- C’est une classification
- C’est une classification
Source : Classification Décimale Universelle, version mise à jour de 2012, Consortium UCD
La vedette « homosexualité », dans la classification Dewey n’est pas uniquement présente dans l’indice 363.49, mais aussi en 306.766 (sociologie ->pratiques sexuelles), en 155.33 (psychologie -> psychologie des gens selon leur genre ou leur sexe, masculinité, féminité) et 176 (éthique sexuelle). Dans le système CDU, on la trouve en 316.361.15 (mariage gay) et 316.367.7 (relations homosexuelles) dans la section « mariage et famille » du domaine sociologie, et en santé en 613.885, santé et éthique.
Si on peut regretter les lenteurs d’évolution de ces classifications, qui, dans un certain nombre de domaines, peinent à être en adéquation avec les changements de la société et les évolutions techniques, rappelons néanmoins que ces outils ne sont que des indicateurs, qui n’influencent pas nécessairement l’organisation des bibliothèques : le bibliothécaire, à travers le plan de classement qu’il a lui-même défini, choisit de regrouper les documents de la manière qu’il juge pertinente, et cohérente avec l’ensemble de sa collection.
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 08/04/2014 à 08h32
Bonjour,
Si les systèmes de classification sont pensés pour être durables, on ne peut proclamer l’éternité des catégories et sous catégories qui le composent (ou de leur agencement). Certaines catégories sont sans doute, par nature, plus vulnérables que d’autres à l’obsolescence.
Dans l’exemple précis que vous soulevez, nous pourrions aller plus loin que vos remarques en nous interrogeant plus fondamentalement sur les origines et les implications de la distinction entre hétérosexualité et homosexualité, hétérosexuel.le.s et homosexuel.le.s. Ces catégories échappées de la sexologie naissante du XIXe siècle, ont pris corps socialement et subjectivement (pas pour tout le monde cependant y compris au sein des sociétés occidentales). Une telle interrogation, dépassant les « évidences » contemporaines permettrait de voir comment les discriminations que vous pointez du doigt et cette distinction sont intrinsèquement liées.
Au-delà des critiques que l’on peut formuler au sujet de la classification décimale Dewey, les bibliothèques publiques recèlent généralement les documents permettant de remplir les objectifs du Manifeste que vous citez :
[…] Les collections doivent refléter les tendances contemporaines et l'évolution de la société de même que la mémoire de l'humanité et des produits de son imagination.
Les collections et les services doivent être exempts de toute forme de censure, idéologique, politique ou religieuse, ou de pressions commerciales.
Les fonds anciens de la Bibliothèque municipale de Lyon permettent notamment de retracer l’histoire de la rationalisation de la sexualité (et donc de « déconstruire » les partis pris historiques). Ses fonds contemporains recèlent de même une large sélection de documents sur les questions LGBTQI (lesbiennes, gay, bisexuelles, transgenres, queer et intersexes) dans de multiples disciplines.
Cette même bibliothèque s’est également dotée d’un « Point G », centre de ressources sur le genre aux activités multiples. Le fonds contemporain « Genre et Sexualités »du Point G lui-même, n’est pas régi par la classification Dewey, ce qui permet, entre autres, de classer les ouvrages sur les questions transgenres sous la cote « Genre » et non « Orientation sexuelle ». Vous trouverez plus d’explications sur notre démarche de cotation ici.
Enfin, vous trouverez un exemple du travail de réflexion du Comité éditorial Dewey sur les questions de genre et de sexualité dans ce document produit entre la vingt-deuxième (2005) et la vingt-troisième (2013) édition de l’Abrégé de la classification décimale Dewey. Toutes les pistes évoquées n’ont pas été suivies.
Si les systèmes de classification sont pensés pour être durables, on ne peut proclamer l’éternité des catégories et sous catégories qui le composent (ou de leur agencement). Certaines catégories sont sans doute, par nature, plus vulnérables que d’autres à l’obsolescence.
Dans l’exemple précis que vous soulevez, nous pourrions aller plus loin que vos remarques en nous interrogeant plus fondamentalement sur les origines et les implications de la distinction entre hétérosexualité et homosexualité, hétérosexuel.le.s et homosexuel.le.s. Ces catégories échappées de la sexologie naissante du XIXe siècle, ont pris corps socialement et subjectivement (pas pour tout le monde cependant y compris au sein des sociétés occidentales). Une telle interrogation, dépassant les « évidences » contemporaines permettrait de voir comment les discriminations que vous pointez du doigt et cette distinction sont intrinsèquement liées.
Au-delà des critiques que l’on peut formuler au sujet de la classification décimale Dewey, les bibliothèques publiques recèlent généralement les documents permettant de remplir les objectifs du Manifeste que vous citez :
[…] Les collections doivent refléter les tendances contemporaines et l'évolution de la société de même que la mémoire de l'humanité et des produits de son imagination.
Les collections et les services doivent être exempts de toute forme de censure, idéologique, politique ou religieuse, ou de pressions commerciales.
Les fonds anciens de la Bibliothèque municipale de Lyon permettent notamment de retracer l’histoire de la rationalisation de la sexualité (et donc de « déconstruire » les partis pris historiques). Ses fonds contemporains recèlent de même une large sélection de documents sur les questions LGBTQI (lesbiennes, gay, bisexuelles, transgenres, queer et intersexes) dans de multiples disciplines.
Cette même bibliothèque s’est également dotée d’un « Point G », centre de ressources sur le genre aux activités multiples. Le fonds contemporain « Genre et Sexualités »du Point G lui-même, n’est pas régi par la classification Dewey, ce qui permet, entre autres, de classer les ouvrages sur les questions transgenres sous la cote « Genre » et non « Orientation sexuelle ». Vous trouverez plus d’explications sur notre démarche de cotation ici.
Enfin, vous trouverez un exemple du travail de réflexion du Comité éditorial Dewey sur les questions de genre et de sexualité dans ce document produit entre la vingt-deuxième (2005) et la vingt-troisième (2013) édition de l’Abrégé de la classification décimale Dewey. Toutes les pistes évoquées n’ont pas été suivies.
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