Question d'origine :
Bonjour ! Pourquoi les belges sont-ils la cible préférée des français en matière de blague ( au détriment des Suisses ou des québecois par exemple) ?
Y a-t-il une raison historique ?
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 29/03/2014 à 10h50
Bonjour,
D’après l’ouvrage L’humour pour les nuls de Gordon Zola :
« A la fin du siècle dernier, les Belges sont venus en grand nombre grossir la main d'œuvre dans les mines du nord de la France. Bien sûr les ouvriers locaux n'ont pas vu leur arrivée d'un si bon œil, et les quolibets ont commencé à fuser. L'accent des gaillards, un poil marrant, accentua sans doute la moquerie : "pourquoi les Belges descendent dans les mines en maillot de bain ? Pour voir la mer d'Houille". Et toc ! de quoi mettre du baume dans les coups de grisou.
Dans Germinal, Zola nous montre des belges en casseurs de grève et en 1864, Baudelaire écrivait "tous les belges sans exception, ont le crâne vide".
Ajoutez à cela un peuple à l'air bonhomme avec une propension à l'onirisme et au surréalisme hors du commun, un Coluche friand du genre "étrangers cocasses" et vous voilà avec l'histoire de la blague belge.
Sa géographie particulière l'a mise au cœur des conflits. Victimes d'invasion multiples de la part d'espagnols, d'autrichiens, de français et néerlandais, il n'est pas étonnant que la Belgique soit en proie à toutes les plaisanteries. Plaisanteries nourries en son sein en se coupant en deux : Wallonie contre Flandres. ».
Thomas Beaufils dans Belgique : l’utopie d’une nation : idées reçues sur les belges d’hier et d’aujourd’hui, développe l’explication :
« Depuis quand les Français racontent-ils des histoires belges ? Les avis sont partagés. Pour beaucoup, c’est Coluche qui a lancé la mode. L’artiste Pol Bury avance une réponse plus circonstanciée à cette question. L’origine de ces histoires pourrait être celle-ci : « On découvrit les histoires que les Wallons avaient propagées sur les Flamands, lors de l’« Affaire royale » de 1951. Celles-ci étaient avant tout des histoires militantes. Les Français les reprirent, refaisant une Belgique unitaire de la bêtise. Les Wallons francolâtres n’en croyaient pas leurs oreilles. L’humour facile repassait en sens contraire. La radio d’État, les dîners parisiens et de province savouraient le crétinisme du pays de la Vraie frite » (La Belgique malgré tout, 1980). Mais peut-être ces histoires sont-elles encore plus anciennes et datent-elles de la fin du XIXe ou du début du XXe siècle, à l’époque où les immigrants belges s’installaient massivement en France pour répondre aux besoins de main-d’œuvre de l’industrie du textile et des charbonnages. Ils n’ont pas toujours été bien reçus, surtout lorsque, comme dans Germinal, les patrons se servaient d’eux pour casser les grèves. Dans le nord de la France, on ne les aimait guère et ils étaient l’objet de plaisanteries diverses. Baudelaire caricaturait déjà les Belges en 1864. Le jour sous lequel il les a dépeints dans La Belgique déshabillée est comparable aux stéréotypes d’aujourd’hui. […] Il ne faut sans doute pas rechercher l’origine de ces histoires uniquement en France. Malgré la barrière de la langue, ce sont curieusement les mêmes qui sont racontées aux Pays-Bas. Ces histoires sont certainement colportées d’un pays à l’autre au gré des voyages des uns et des autres, qui s’échangent ainsi leurs bons mots. La coïncidence n’est cependant pas fortuite, elle révèle un malaise de part et d’autre des frontières, malaise apaisé par l’humour. L’origine des histoires belges est beaucoup plus profonde. Au départ de l’humour, il y a souvent une inquiétude diffuse, créatrice d’angoisse. L’effet comique est produit par la mise en contact de la normalité avec une atmosphère délibérément réduite à l’absurde. Dans les histoires belges, les personnages mis en scène sont justement tous frappés de troubles du comportement fort inquiétants, souvent consécutifs à des jeux de mots pris à la lettre. Pour André Maurois, « chaque peuple rit de ce qu’il craint et admire le plus ». Le rire et l’humour sont des mécanismes de défense qui nous permettent de dépasser nos peurs et de nous redonner confiance face à quelqu’un ou quelque chose qui nous effraie. Mais qu’est-ce qui peut bien nous effrayer ou tout au moins nous inquiéter chez les Belges ? On constate que les Belges présentés dans toutes ces histoires ont perdu la raison. S’ils ne sont bien sûr pas comme ça, il n’est cependant pas rare, dans les médias en tout cas, de perdre pied avec les Belges, d’être confronté à une douce folie. En Belgique, les frontières entre réel et irrationnel semblent parfois extrêmement poreuses, voire inexistantes. Prenez Noël Godin par exemple, l’entarteur des « pompeux cornichons », adepte de la « gouplomanie ». Barjo ou pas ? Ou Jean-Claude Vandamme et sa métaphysique décalée […]. Les Belges sont ainsi souvent réduits à l’état d’êtres bizarres et sans cervelle. La rumeur affirme d’ailleurs que « l’esprit belge n’existe pas, puisque comme chacun le sait, l’esprit appartient aux Français » ! Mais, à l’image d’Hercule Poirot, les Belges peuvent s’avérer aussi redoutablement perspicaces. […]
La plaisanterie est aussi une marque de bienveillance. Il ne faudrait pas comprendre les moqueries des Français envers les Belges uniquement comme une manifestation de supériorité ou de mépris. Car comme le rappelle le dicton : « Qui aime bien, châtie bien ». Pour autant les Belges ne sont pas dépourvus d’humour et d’amour-propre et leurs contre-attaques ne manquent pas de mordant. Par exemple :
« Comment faire fortune ? Il suffit d’acheter un Français au prix qu’il vaut et de le revendre au prix qu’il s’estime... ».
Vous pouvez lire le texte entier en ligne sur ce PDF Une dernière pour la route ? :
« Pourquoi les Français aiment-ils tant les histoires belges ? Parce qu'elles les font rire trois fois : La première quand on les leur raconte, la deuxième quand on les leur explique, et la troisième quand ils les comprennent. »
Bonne journée !
Merci à Virginie pour son aide .
D’après l’ouvrage L’humour pour les nuls de Gordon Zola :
« A la fin du siècle dernier, les Belges sont venus en grand nombre grossir la main d'œuvre dans les mines du nord de la France. Bien sûr les ouvriers locaux n'ont pas vu leur arrivée d'un si bon œil, et les quolibets ont commencé à fuser. L'accent des gaillards, un poil marrant, accentua sans doute la moquerie : "pourquoi les Belges descendent dans les mines en maillot de bain ? Pour voir la mer d'Houille". Et toc ! de quoi mettre du baume dans les coups de grisou.
Dans Germinal, Zola nous montre des belges en casseurs de grève et en 1864, Baudelaire écrivait "tous les belges sans exception, ont le crâne vide".
Ajoutez à cela un peuple à l'air bonhomme avec une propension à l'onirisme et au surréalisme hors du commun, un Coluche friand du genre "étrangers cocasses" et vous voilà avec l'histoire de la blague belge.
Sa géographie particulière l'a mise au cœur des conflits. Victimes d'invasion multiples de la part d'espagnols, d'autrichiens, de français et néerlandais, il n'est pas étonnant que la Belgique soit en proie à toutes les plaisanteries. Plaisanteries nourries en son sein en se coupant en deux : Wallonie contre Flandres. ».
Thomas Beaufils dans Belgique : l’utopie d’une nation : idées reçues sur les belges d’hier et d’aujourd’hui, développe l’explication :
« Depuis quand les Français racontent-ils des histoires belges ? Les avis sont partagés. Pour beaucoup, c’est Coluche qui a lancé la mode. L’artiste Pol Bury avance une réponse plus circonstanciée à cette question. L’origine de ces histoires pourrait être celle-ci : « On découvrit les histoires que les Wallons avaient propagées sur les Flamands, lors de l’« Affaire royale » de 1951. Celles-ci étaient avant tout des histoires militantes. Les Français les reprirent, refaisant une Belgique unitaire de la bêtise. Les Wallons francolâtres n’en croyaient pas leurs oreilles. L’humour facile repassait en sens contraire. La radio d’État, les dîners parisiens et de province savouraient le crétinisme du pays de la Vraie frite » (La Belgique malgré tout, 1980). Mais peut-être ces histoires sont-elles encore plus anciennes et datent-elles de la fin du XIXe ou du début du XXe siècle, à l’époque où les immigrants belges s’installaient massivement en France pour répondre aux besoins de main-d’œuvre de l’industrie du textile et des charbonnages. Ils n’ont pas toujours été bien reçus, surtout lorsque, comme dans Germinal, les patrons se servaient d’eux pour casser les grèves. Dans le nord de la France, on ne les aimait guère et ils étaient l’objet de plaisanteries diverses. Baudelaire caricaturait déjà les Belges en 1864. Le jour sous lequel il les a dépeints dans La Belgique déshabillée est comparable aux stéréotypes d’aujourd’hui. […] Il ne faut sans doute pas rechercher l’origine de ces histoires uniquement en France. Malgré la barrière de la langue, ce sont curieusement les mêmes qui sont racontées aux Pays-Bas. Ces histoires sont certainement colportées d’un pays à l’autre au gré des voyages des uns et des autres, qui s’échangent ainsi leurs bons mots. La coïncidence n’est cependant pas fortuite, elle révèle un malaise de part et d’autre des frontières, malaise apaisé par l’humour. L’origine des histoires belges est beaucoup plus profonde. Au départ de l’humour, il y a souvent une inquiétude diffuse, créatrice d’angoisse. L’effet comique est produit par la mise en contact de la normalité avec une atmosphère délibérément réduite à l’absurde. Dans les histoires belges, les personnages mis en scène sont justement tous frappés de troubles du comportement fort inquiétants, souvent consécutifs à des jeux de mots pris à la lettre. Pour André Maurois, « chaque peuple rit de ce qu’il craint et admire le plus ». Le rire et l’humour sont des mécanismes de défense qui nous permettent de dépasser nos peurs et de nous redonner confiance face à quelqu’un ou quelque chose qui nous effraie. Mais qu’est-ce qui peut bien nous effrayer ou tout au moins nous inquiéter chez les Belges ? On constate que les Belges présentés dans toutes ces histoires ont perdu la raison. S’ils ne sont bien sûr pas comme ça, il n’est cependant pas rare, dans les médias en tout cas, de perdre pied avec les Belges, d’être confronté à une douce folie. En Belgique, les frontières entre réel et irrationnel semblent parfois extrêmement poreuses, voire inexistantes. Prenez Noël Godin par exemple, l’entarteur des « pompeux cornichons », adepte de la « gouplomanie ». Barjo ou pas ? Ou Jean-Claude Vandamme et sa métaphysique décalée […]. Les Belges sont ainsi souvent réduits à l’état d’êtres bizarres et sans cervelle. La rumeur affirme d’ailleurs que « l’esprit belge n’existe pas, puisque comme chacun le sait, l’esprit appartient aux Français » ! Mais, à l’image d’Hercule Poirot, les Belges peuvent s’avérer aussi redoutablement perspicaces. […]
La plaisanterie est aussi une marque de bienveillance. Il ne faudrait pas comprendre les moqueries des Français envers les Belges uniquement comme une manifestation de supériorité ou de mépris. Car comme le rappelle le dicton : « Qui aime bien, châtie bien ». Pour autant les Belges ne sont pas dépourvus d’humour et d’amour-propre et leurs contre-attaques ne manquent pas de mordant. Par exemple :
« Comment faire fortune ? Il suffit d’acheter un Français au prix qu’il vaut et de le revendre au prix qu’il s’estime... ».
Vous pouvez lire le texte entier en ligne sur ce PDF Une dernière pour la route ? :
« Pourquoi les Français aiment-ils tant les histoires belges ? Parce qu'elles les font rire trois fois : La première quand on les leur raconte, la deuxième quand on les leur explique, et la troisième quand ils les comprennent. »
Bonne journée !
Merci à Virginie pour son aide .
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