Question d'origine :
Bonjour,
On dit souvent que le droit d'auteur français (et au sens plus large notre conception de la propriété intellectuelle) est très différent de la conception anglo-saxonne du copyright.
En quoi ces deux conceptions sont-elles différentes ? Le sont-elles tant que ça ?
N'ont-elles pas également des points communs ?
Je vous remercie par avance pour les pistes que vous pourrez m'apporter.
Réponse du Guichet
gds_db
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 23/03/2005 à 09h54
Vous trouverez une synthèse sur ce sujet, dans le n° 26, juin 2002 de l'"Actualités du droit de l’information" sur le site de l'ADBS (Association des professionnels de l'information et de la documentation) :
Des différences… à nuancer
Quelques aspects du copyright seront présentés, en établissant un parallèle avec la situation française, parmi lesquels :
Le dépôt des oeuvres
La protection était subordonnée aux Etats-Unis à une formalité de dépôt et d’enregistrement auprès du Copyright Office, symbolisé par la mention ® suivie du nom du titulaire des droits et de la date de publication de l’oeuvre. En France, aucune formalité n’a jamais été requise pour protéger une oeuvre. Mais depuis 1989, date d’adhésion des Etats-Unis à la Convention de Berne, l’enregistrement n’est plus obligatoire dans ce pays. Néanmoins, il permet de constituer une présomption de preuve concernant la validité et la propriété du copyright est requis pour y mener des poursuites judiciaires. Ce symbole universel est utilisé dans tous les pays à titre d’information sur la titularité des droits.
La notion d’originalité
Dans les pays de droit d’auteur, la marque d’une personnalité (au sens de sensibilité, fantaisie…) justifie la protection. Les systèmes de copyright exigent seulement d’une oeuvre de ne pas être une copie et de représenter un minimum de travail. Le système anglo-saxon protège moins l’originalité qu’il ne favorise la rémunération de l’investissement pour des produits techniques comme les logiciels. C’est pourquoi la conception anglo-saxonne a été retenue dans les directives sur les logiciels et sur les bases de données, maintenant transposées en droit français. Mais, dans un arrêt célèbre, l’arrêt Feist, un annuaire téléphonique s’est vu refuser, aux Etats-Unis, une protection alors qu’en France ces mêmes annuaires ont été protégés par le droit sui generis du producteur des bases de données. Les droits des investisseurs peuvent désormais relever d’autres droits, comme le droit sui generis des bases de données, le droit des brevets pour les logiciels… et le droit d’auteur perdre, pour eux, ses attraits.
Le droit moral
Le copyright adopte dans ce cadre une approche minimaliste (un droit moral embryonnaire limité à certaines oeuvres d’art visuelles) avançant que d’autres moyens, tirés de la “Common law” permettraient d’obtenir des résultats équivalents. Le droit moral du créateur n’est pas consacré expressément mais les États-Unis ont signé la convention de Berne qui le reconnaît. En revanche, les droits moraux sont exclus du champ de l’ADPIC et ne sont pas abordés par le traité OMPI 1996. Néanmoins, aux Etats-Unis, le droit de paternité peut être revendiqué et certains Etats, ainsi que d’une certaine mesure le droit fédéral, reconnaissent un droit d’intégrité de l’oeuvre. Dans les pays de droit d’auteur, les droits moraux non seulement sont reconnus mais ne peuvent jamais être cédés par le créateur. Cependant, plusieurs catégories d’oeuvres, comme les logiciels, voient le droit moral atténué. Il semble normal que la portée du droit moral qui lie l’auteur à son oeuvre varie d’intensité selon le type d’oeuvre. En outre, les oeuvres circulant sur les réseaux sont vouées à être modifiées et seule leur dénaturation devrait y être sanctionnée.
La titularité des droits
Le copyright autorise un auteur à céder la totalité de ses droits sur son oeuvre. Un producteur peut ainsi obtenir tous les droits après avoir acheté le scénario. Il sera alors détenteur du copyright qui sera l’auteur (au sens juridique du terme). Les droits appartiennent à celui qui commande et finance l’oeuvre. Mais même “s’il n’est pas sur le devant de la scène” (1), l’auteur créateur est toujours intéressé financièrement (de manière forfaitaire) à l’exploitation de son oeuvre. En pays de droit d’auteur, le créateur est le titulaire initial des droits de la propriété littéraire et artistique portant sur son oeuvre, même lorsqu’il est salarié et les droits moraux sont incessibles. En revanche, il lui est possible ensuite de céder, moyennant un intéressement proportionnel, un ou plusieurs de ses droits patrimoniaux, pour une période donnée. Force est de remarquer que dans certains cas, les droits sont acquis dès le départ par l’employeur : pour les logiciels ou, conformément à l’article L 132-24 du code de la propriété intellectuelle, pour les oeuvres audiovisuelles.
Les droits voisins
Les pays de copyright ne font pas de distinction entre le droit d’auteur et les droits voisins. Dans les pays de droit d’auteur, il y a une hiérarchie entre ces droits puisqu’une différence est établie entre l’oeuvre et son interprétation, l’oeuvre et son enregistrement. En droit américain, l’enregistrement sonore est une oeuvre en tant que telle. Les textes communautaires qui ont pour objectif d’harmoniser les droits ont mis ces deux droits sur le même plan.
Les exceptions
Elles sont définies précisément en droit français, alors que dans les systèmes de copyright elles sont englobées dans une notion d’usage raisonnable. Ces exceptions doivent permettre la circulation des idées, pour se conformer au premier amendement de la Constitution américaine favorisant la liberté d’expression. La section 107 du Copyright Act de 1976 prévoit quatre facteurs à examiner pour déterminer l’existence d’un “fair use” :
1. le but et le caractère de l’usage, et notamment sa nature commerciale ou non ;
2. la nature de l’oeuvre protégée ;
3. le volume et l’importance de la partie utilisée par rapport à l’ensemble de l’oeuvre protégée ;
4. l’incidence de l’usage sur le marché potentiel de l’oeuvre protégée ou sur sa valeur.
Ils ont une portée générale qui peut fonctionner dans n’importe quelle situation. En outre, le droit des utilisateurs a, aux États-Unis, une dimension constitutionnelle, contrairement aux pays de droit d’auteur, où le droit du créateur prédomine.
Un rapprochement
Confrontées aux réseaux, la dichotomie entre les deux conceptions s’estompe.
Sur les réseaux, tout ce qui est véhiculé est susceptible d’être protégé, que ce soit par le droit d’auteur ou le copyright. Les conventions internationales (OMC 1996, Traité OMPI 1996), les directives européennes, les lois américaines (comme la Sonny Bono Copyright Term Extenion Act de 1998 qui rapproche la durée des droits de celle des européens, le digital millenium Copyright Act de 1998 qui renforce la lutte contre la piraterie) ainsi que les dispositions contractuelles ont rapproché les deux systèmes. Il y a une harmonisation des autorisations et interdictions et si certains auteurs américains revendiquent le modèle continental, les Européens privilégient la logique industrielle (par un effacement du droit moral) pour certains outils du réseau (logiciels et bases de données) en faveur des entreprises qui les financent. Dans les deux cas, les éditeurs se présentent comme les représentants exclusifs des auteurs en France et comme uniques responsables des publications en Amérique. Finalement, “l’opposition serait plus dans les esprits que dans les moeurs”.
Sources :
(1) [http://www.sudoc.abes.fr/DB=2.1/SRCH?IKT=12&TRM=055991629]Droit d’auteur et copyright : quelles relations ?[/URL] In : Droit de ’Internet.
Approches européennes et internationales, 19-20 novembre 2001, Michel Vivant, 2001 <droit-internet-2001.univ-paris1.fr> ;
(2) La propriété intellectuelle aux Etats-Unis : le copyright, Sandrine Azzopard, Petites affiches, 25 septembre 2001 ;
(3) Copyright ou droit d’auteur ? Emmanuel Pierrat, n° 375, 31 mars 2000 ;
(4) [http://www.sudoc.abes.fr/DB=2.1/SRCH?IKT=12&TRM=004474031]Droit d’auteur et numérique[/URL], André Lucas, Litec, 1998 ;
(5) Propriété intellectuelle et bibliothèques françaises. Leçons américaines et opportunités françaises, Alain Marter et Jean-Michel Salaün,
BBF, 1998, n° 3.
Vous pouvez également consulter :
- ce Question/Réponse déjà adressé au Guichet du Savoir sur le droit d'auteur
- les ouvrages intitulés : Dictionnaire comparé du droit d'auteur et du copyright et Propriété intellectuelle et mondialisation : la propriété intellectuelle est-elle une marchandise ? sous la direction de Michel Vivant
- Droit d’auteur et copyright : quelles relations ? de Michel Vivant
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