la vie d'un bouffon
DIVERS
+ DE 2 ANS
Le 10/01/2014 à 18h20
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Question d'origine :
comment est la vie d'un bouffon au moyen age:ou dort-il ? que mange-t-il?que fait-il de sa journée?quel est la cérémonie qui à fait de lui un bouffon?
merci à tous pour votre aide!
Réponse du Guichet
gds_et
- Département : Équipe du Guichet du Savoir
Le 11/01/2014 à 16h28
Bonjour,
On trouve peu de renseignements sur la vie quotidienne des bouffons ou fous au Moyen-Âge. Les Mémoires d’un bouffon, de Peter Prosch, ne concerne pas la période qui vous intéresse, puisqu’il vécut au XVIIIe siècle, mais pourra malgré tout vous retenir votre attention, puisqu’il s’agit de l’autobiographie de celui qui fut peut-être le dernier « bouffon de cour ».
Nous n’avons malheureusement pas pu consulter l’ouvrage de Maurice Lever, emprunté jusqu’à la fin du mois, mais que nous vous encourageons à lire : Le sceptre et la marotte, histoire des fous de cour :
D'abord authentique débile mental, objet de collection des ménageries royales, le fou de Cour devient, au fil des siècles, le double du roi, sa contrefaçon grotesque. Somptueusement entretenu, il assume la lourde tâche d'égayer le souverain en l'arrachant, sous l'effet du rire, à l'hystérie de la puissance pour le réintégrer dans l'humanité vraie. Sans cesse à ses côtés, il le traite en intime, le tutoie, le critique, le conseille, le persifle. En toute impunité. Mais surtout - privilège inouï -, il a le droit de lui dire la vérité. Il est l'envers du pouvoir, le lieu de l'irrévérence et du désordre, c'est-à-dire aussi le lieu de la fête, avec ses turbulences et ses dérèglements, où se défoulent les pulsions de violence. C'est l'histoire à la fois mythique et réelle de ces bouffons que Maurice Lever fait revivre, tout en s'attachant à leur signification symbolique. Des Saturnales de l'Antiquité à la candidature de Coluche à l'élection présidentielle de 1981 en passant par la fête des Fous, la Mère folle de Dijon, Triboulet, Chicot, Mathurine ..., se déploient des cérémonies aux rites étranges et une galerie de personnages pittoresques qui prouvent, s'il en était besoin, qu'aucune société n'a jamais pu se passer de perturbateurs.
Accessible sur Google Books, The History of Court Fools, de John Doran (en anglais), nous donne aussi de nombreux renseignements sur les bouffons des différentes cours d’Europe, leurs costumes et leur rôle auprès du Roi (ou de leur maître, car les Rois n’étaient pas les seuls à employer des bouffons… même certains fous avaient leur propre fou !).
John Dornan nous dit par exemple qu’en France, le fou ne devait jamais se défaire de son costume, ni dormir hors du château royal, ou porter une épée au côté (se faisant ainsi passer pour un noble), sauf permission, sous peine de recevoir le fouet . Cependant plusieurs bouffons royaux semblent avoir fait exception, comme Brusquet (bouffon de Henri II, François II et Charles IX) ou Chicot (bouffon de Henri III et IV), qui ont tous deux passé certaines nuits à l’extérieur. Cependant il semble que ce dernier n’ait jamais été bouffon « en titre d’office » , et ait toujours été libre, du moins à en croire Jules Mathorez dans Histoire de Chicot, bouffon de Henri III (1914), dont une version numérisée est disponible en ligne :
Dès l'année 158o les comptes de l'argenterie mentionnent un don de « sept aunes de taffetas noir pour faire un accoustrement à Chicot, bouffon de S. M. pour23 livres tournois ». De cet article du compte il ne faudrait pas inférer que Chicot détint jamais l'office de fou en titre, 11 conserva sa liberté et nonobstant son rôle d'amuseur et de conseiller royal, il fut toujours soldat avant tout. Quatre ans après cette première donation Chicot recevait encore quatre cents livres tournois, non pas à litre de bouffon mais comme porte-manteau ordinaire du roi; il était son officier préféré et il apparaît le premier sur la Liste de ces fonctionnaires. C'est du reste comme portemanteau et lieutenant des armées que Chicot reçut ses lettres de noblesse; son titre ou du-moins son rôle de bouffon royal parait avoir été cause de quelques-unes des difficultés que fit la Cour des Comptes à l'enregistrement de ces lettres.
On peut aussi y lire, sur les bouffons en général :
Au XVIe siècle on peut distinguer différentes classes de fous et de bouffons. Dans l'une, je rangerai volontiers les bouffons proprement dits,jouissant à la Cour ou chez les grands d'une situation pour ainsi dire officielle et uniquement occupés à divertir les souverains ou ceux qui les pensionnent. Collecteurs de scandales, d'anecdotes grivoises, faiseurs de calembours, plaisantins lourds et grossiers, facétieux individus aux allures louches, griveleurs se chargeant d'inavouables négociations, ces fous n'avaient qu'une mission: distraire les personnages auxquels ils étaient attachés . Peut-être même, jouaient-ils pour leur compte le rôle d'espions; dans des temps aussi troublés que ceux de la Ligue, - chacun avait intérêt à surprendre faits et gestes de son voisin :
la liberté dont jouissaient les bouffons leur permettait de s'introduire dans toutes les maisons et de recueillir auprès des maîtres ou à l'office les propos susceptibles d'éclairer leurs bienfaiteurs . Brusquet, Mathurine Sibilot, Maître Guillaume m'apparaissent tous comme des bateleurs quelque peu policiers. Leurs intelligences écornées ou amoindries par les habitudes d'intempérance ou de débauche n'étaient pas si oblitérées cependant que le sens de l'observation fût chez eux complètement aboli. Maintes fois, les souverains ont dû dégager les avis utiles du fatras de coqs à-l'âne burlesques que leur narraient les bouffons « en titre d'office. »
Dans une sphère plus élevée que celle à laquelle appartenaient ces divers bouffons, se sont mus d'autres personnages aux noms desquels la malice populaire a accolé l'épithète de fous. Ceux-ci n'ont jamais possédé la charge de bouffon du roi ; gais, spirituels, bons buveurs, grands amateurs de filles, quelque peu dénués de scrupules, ils semblent avoir joué auprès des grands le rôle de confidents et de conseillers intimes; ils font penser aux suivantes du théâtre classique. Le cerveau de ces soi-disant bouffons est intact ils sont sagaces, observateurs et sarcastiques ; à qui leur déplaît, ils disent des vérités cruelles sous une forme plaisante, leurs mots se répètent et franchissent les portes (les palais, le populaire les aime parce qu'ils appartiennent souvent au parti du bons sens et parce que ces railleurs dévoilent sous une forme ironique les louches intrigues d'ambitieux cauteleux. C'est à peu près ainsi qu'Alexandre Dumas a peint Chicot et c'est bien tel, également, qu'il parait avoir été. Relisez la Darne de Montsoreau, vous constaterez que sous les charges apparentes de Chicot, se cachent une perspicacité aiguë et un sens précis des réalités.
Enfin, dans Les deux fous : histoire du temps de François 1er, l’essai sur les fous des rois de France semble répondre au moins en partie à vos questions :
Le fou avait un gouverneur , ainsi que le chenil, des valets de chien ; il était servi des meilleurs morceaux à table , ainsi que les éperviers et les paons de l’oiselerie ; il étudiait les tons, les sauts, les reparties, les chansons, ainsi que les perroquets, les pies, les corneilles en cage ; il recevait même en punition les étrivières, et il allait faire pénitence aux cuisines, en compagnie des valets .
[…]
Quelle devait être la condition abjecte et pourtant enviée de ces créatures qui n’avaient plus à eux une pensée, un sentiment ; qui riaient de bouche lorsqu’ils avaient des larmes au fond de l’âme ; qui se voyaient ravalés au niveau des chiens et des singes ; qui ne pouvaient espérer ni famille ni amis ; qui vivaient et mouraient au bruit moqueur de leurs grelots ? Sans doute, il s’est rencontré plus d’une fois un cœur d’homme abattu d’indignation sous le déguisement d’un fou ; sans doute, une main qui aurait bien tenu la garde d’une épée s’est crispée sur le manche d’une marotte, et plus d’une fois le fou a craché sa honte au front du roi.
On trouve peu de renseignements sur la vie quotidienne des bouffons ou fous au Moyen-Âge. Les Mémoires d’un bouffon, de Peter Prosch, ne concerne pas la période qui vous intéresse, puisqu’il vécut au XVIIIe siècle, mais pourra malgré tout vous retenir votre attention, puisqu’il s’agit de l’autobiographie de celui qui fut peut-être le dernier « bouffon de cour ».
Nous n’avons malheureusement pas pu consulter l’ouvrage de Maurice Lever, emprunté jusqu’à la fin du mois, mais que nous vous encourageons à lire : Le sceptre et la marotte, histoire des fous de cour :
D'abord authentique débile mental, objet de collection des ménageries royales, le fou de Cour devient, au fil des siècles, le double du roi, sa contrefaçon grotesque. Somptueusement entretenu, il assume la lourde tâche d'égayer le souverain en l'arrachant, sous l'effet du rire, à l'hystérie de la puissance pour le réintégrer dans l'humanité vraie. Sans cesse à ses côtés, il le traite en intime, le tutoie, le critique, le conseille, le persifle. En toute impunité. Mais surtout - privilège inouï -, il a le droit de lui dire la vérité. Il est l'envers du pouvoir, le lieu de l'irrévérence et du désordre, c'est-à-dire aussi le lieu de la fête, avec ses turbulences et ses dérèglements, où se défoulent les pulsions de violence. C'est l'histoire à la fois mythique et réelle de ces bouffons que Maurice Lever fait revivre, tout en s'attachant à leur signification symbolique. Des Saturnales de l'Antiquité à la candidature de Coluche à l'élection présidentielle de 1981 en passant par la fête des Fous, la Mère folle de Dijon, Triboulet, Chicot, Mathurine ..., se déploient des cérémonies aux rites étranges et une galerie de personnages pittoresques qui prouvent, s'il en était besoin, qu'aucune société n'a jamais pu se passer de perturbateurs.
Accessible sur Google Books, The History of Court Fools, de John Doran (en anglais), nous donne aussi de nombreux renseignements sur les bouffons des différentes cours d’Europe, leurs costumes et leur rôle auprès du Roi (ou de leur maître, car les Rois n’étaient pas les seuls à employer des bouffons… même certains fous avaient leur propre fou !).
John Dornan nous dit par exemple qu’
Dès l'année 158o les comptes de l'argenterie mentionnent un don de « sept aunes de taffetas noir pour faire un accoustrement à Chicot, bouffon de S. M. pour23 livres tournois ». De cet article du compte il ne faudrait pas inférer que Chicot détint jamais l'office de fou en titre, 11 conserva sa liberté et nonobstant son rôle d'amuseur et de conseiller royal, il fut toujours soldat avant tout. Quatre ans après cette première donation Chicot recevait encore quatre cents livres tournois, non pas à litre de bouffon mais comme porte-manteau ordinaire du roi; il était son officier préféré et il apparaît le premier sur la Liste de ces fonctionnaires. C'est du reste comme portemanteau et lieutenant des armées que Chicot reçut ses lettres de noblesse; son titre ou du-moins son rôle de bouffon royal parait avoir été cause de quelques-unes des difficultés que fit la Cour des Comptes à l'enregistrement de ces lettres.
On peut aussi y lire, sur les bouffons en général :
Au XVIe siècle on peut distinguer différentes classes de fous et de bouffons. Dans l'une, je rangerai volontiers les bouffons proprement dits,
Enfin, dans Les deux fous : histoire du temps de François 1er, l’essai sur les fous des rois de France semble répondre au moins en partie à vos questions :
[…]
Quelle devait être la condition abjecte et pourtant enviée de ces créatures qui n’avaient plus à eux une pensée, un sentiment ; qui riaient de bouche lorsqu’ils avaient des larmes au fond de l’âme ; qui se voyaient ravalés au niveau des chiens et des singes ; qui ne pouvaient espérer ni famille ni amis ; qui vivaient et mouraient au bruit moqueur de leurs grelots ? Sans doute, il s’est rencontré plus d’une fois un cœur d’homme abattu d’indignation sous le déguisement d’un fou ; sans doute, une main qui aurait bien tenu la garde d’une épée s’est crispée sur le manche d’une marotte, et plus d’une fois le fou a craché sa honte au front du roi.
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