Question d'origine :
Bonjour,
Tous les Argentins disent qu'il n'y a pas de réponse à cette question, où au moins que la réponse est trop compliquée à donner. Donc, je voulais voir si vous pouviez relever le défi en essayant d'expliquer à un Français ce qu'est ce mouvement politique argentin appelé Peronisme.
Je sais que le mouvement commence avec Juan Domingo Peron dans les années 40, mais ce qui m'intrigue c'est ce qui est venu après Peron même, ce qu'est le Peronisme aujourd'hui.
Merci!
Réponse du Guichet
gds_ctp
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 16/11/2013 à 11h38
Bonjour,
Le péronisme est effectivement un mouvement complexe, le panel de ses membres allant de l’extrême gauche à l’extrême droite, car il lie à la fois un pouvoir autoritaire et une justice sociale. C’est un mouvement justicialiste issu du putsch réalisé par l’armée en 1943 et qui a eu pour chef de file Juan Peron.
Pour commencer, nous vous proposons cette biographie de Juan Peron (1896-1974) issue de l’Encyclopédie Universalis (accessible depuis la bibliothèque) qui pourra vous éclairer sur la genèse du mouvement péroniste :
« Il se fait nommer attaché militaire au Chili, puis il est envoyé en mission dans l'Italie de Mussolini en 1939.Il paraît fasciné par le parti que l'on peut tirer d'un appel direct aux couches les plus humbles d'un peuple en leur tenant un langage propre à faire vibrer leur nationalisme latent et leurs aspirations à un minimum de justice sociale. Il semble également faire sienne une doctrine pyramidale de l'État où un homme, le líder, ayant la confiance de tous, est chargé d'arbitrer, pour indiquer, au nom de la solidarité nationale, la voie à suivre. Cela pourrait être du corporatisme, mais Perón corrige cette doctrine par un désir d'unanimisme et par un appel au verbe plus qu'à la force. Sa vision confuse, mi-autoritaire mi-généreuse, des rapports sociaux et du rôle de l'État se décante en une formule et en un mouvement : le justicialisme , qui n'est encore, en 1943, lors du putsch réussi des militaires fascisants du Groupe des officiers unis (G.O.U.), que dans les limbes de la pensée du colonel Perón. Toutefois, elle lui inspire déjà l'idée géniale de solliciter le poste obscur de secrétaire d'État au Travail.
Dès lors, la vie de Perón se confond avec l'histoire de l'Argentine. Aussi, lorsque ses collègues de la junte militaire s'inquiètent du rayonnement de Perón, quand ils le mettent aux arrêts, Evita fait entrer les médias dans l'histoire argentine en mobilisant, le 17 octobre 1945, les travailleurs de la banlieue. Ceux-ci viennent en famille investir le palais présidentiel. Par cette manifestation spontanée, qui marque l'entrée massive des travailleurs dans la vie politique nationale, les "descamisados" obtiennent, certes, le retour au premier rang de leur idole, mais surtout créent le mythe, toujours vivace, du pouvoir populaire péroniste ; d'ailleurs l'appareil syndical devient le plus puissant pilier du péronisme. Le 24 février 1946, Perón est élu président de la République à l'issue d'un scrutin régulier. Il est réélu en 1951. Conspirations et putsch ratés aboutissent à un soulèvement suffisamment important de la marine et de certaines unités militaires pour que Perón préfère s'exiler sans combattre le 20 septembre 1955.
[…]
Après cinq ans de dictature militaire, la situation paraît telle qu'un mouvement de masse socialisant, qui remette en cause les structures économiques et sociales de l'Argentine capitaliste, n'est pas exclu. L'armée annule les procédures judiciaires pendantes contre Perón, lui restitue la dépouille mortelle d'Evita (cachée depuis 1955), son passeport, son grade, ses droits à pension[...]Perón, qui est reparti dès décembre 1972, revient le 20 juin 1973. Il réoriente à droite le nouveau régime, tout en maintenant un précaire équilibre, se fait élire président, le 23 septembre, avec sa femme Isabel à la vice-présidence. Déjà victime d'une attaque sévère en novembre 1973, il n'est plus que l'ombre de lui-même durant les premiers mois de 1974 et son décès est annoncé le 1er juillet 1974. »
Le mouvement péroniste n’est pas mort avec son fondateur, sa femme Isabel le remplacera à la présidence jusqu’au coup d’état de 1976. Même destitué le mouvement continuera à influencer la vie politique argentine.
L’article consacré à l’Argentine de l’encyclopédie Universalis (accessible depuis la bibliothèque) donne de nombreux renseignements sur la suite du mouvement péroniste :
« [..] Durant les derniers mois de l'année 1988, au moment le plus fort de l'hyperinflation, Carlos Menem, le gouverneur péroniste de la province de La Rioja, au bagout impressionnant, fait campagne avec un slogan aussi imprécis que lapidaire : « Suivez-moi ! » Élu président avec 49,2 p. 100 des voix,il ne tarde pas à donner une orientation imprévue au péronisme qu'il assure vouloir moderniser de fond en comble, l'associant étroitement au néolibéralisme. Alors que, auparavant, le péronisme se caractérisait, au niveau économique, par une tendance au protectionnisme et à l'étatisation des services publics, Menem prend une direction radicalement opposée. 1992 est décrétée « année des privatisations », tandis que l'amnistie a été octroyée aux militaires : le pays poursuit, à marche forcée, son entrée sur le marché mondial, perçu comme un présent radieux dans lequel le passé trouble n'a pas sa place.
[…]
Élu en mai 2003, le gouverneur péroniste de la province de Santa Cruz (Patagonie) Néstor Kirchner poursuit dans une large mesure la politique menée par son prédécesseur Eduardo Duhalde. Fondée sur le pragmatisme, elle est dictée par une situation jugée quasi ingouvernable. Mais peu à peu se dessinent les contours d'une politique propre à Kirchner, qui vise à répondre aux deux grandes questions de la période : la politique de la mémoire de la dernière dictature, en particulier le jugement des anciens tortionnaires, et les moyens de sortir durablement du marasme économique.
Ces gestes permettent au président de se donner une identité politique de centre-gauche auparavant très tenue, problème que rencontre désormais quiconque se réclame du péronisme.Car si ce courant continue d'occuper la majeure partie de la scène politique, comme pendant les soixante dernières années, il est de plus en plus difficile à cerner, tant il a été traversé par toutes les doctrines politiques connues, depuis la gauche révolutionnaire des Montoneros durant les années 1970 jusqu'à la droite néolibérale de Carlos Menem, en passant par plusieurs gauches réformistes ou encore l'extrême droite d'inspiration fasciste.
Les multiples essais théoriques sur les « transformations du péronisme » apparaissent surtout comme le signe d'une impossible définition, devenue la seule marque distinctive de ce courant. […]»
Le mouvement péroniste a donc pris au cours des années différents aspects selon que ceux qui s’en disaient issus étaient de droite ou de gauche. Cependant cette idéologie reste un élément central dans la politique argentine. Comme le résume cette phrase du politologue Vicente Palermo publiée dans une interview pour Libération le 25 octobre 2013 :
« Le péronisme est essentiellement un mouvement populiste, ni de droite ni de gauche, exclusivement intéressé par le pouvoir. »
Pour aller plus loin :
- La genèse du péronisme sur Risal.info.
- L’Argentine « péroniste » : néologismes et réalités sur le site Persée.
- Le péronisme, drôle d’objet politique, un article de Jean-Louis Buchet de RFI sur le site Le petit journal.com explique simplement ce qu'est le péronisme:
"Lepetitjournal.com : - Pour les Français, le péronisme, c’est comme un objet politique non identifié…
Jean-Louis Buchet : - C’est vrai: les étrangers –et parfois, les Argentins eux-mêmes– ont du mal à l’appréhender. On peut rapprocher le péronisme du nassérisme ou du gaullisme: c’est une forme de nationalisme. D’ailleurs, c’est un mouvement qui naît à la même époque, après la Seconde guerre mondiale."[...]
- Le péronisme de Pierre Lux-Wurm.
- Le péronisme : histoire de l’exil et du retour de Gerard Guillerm.
- L’Argentine : crises et utopies de Néstor Ponce.
Bonne journée.
Le péronisme est effectivement un mouvement complexe, le panel de ses membres allant de l’extrême gauche à l’extrême droite, car il lie à la fois un pouvoir autoritaire et une justice sociale. C’est un mouvement justicialiste issu du putsch réalisé par l’armée en 1943 et qui a eu pour chef de file Juan Peron.
Pour commencer, nous vous proposons cette biographie de Juan Peron (1896-1974) issue de l’Encyclopédie Universalis (accessible depuis la bibliothèque) qui pourra vous éclairer sur la genèse du mouvement péroniste :
« Il se fait nommer attaché militaire au Chili, puis il est envoyé en mission dans l'Italie de Mussolini en 1939.
Dès lors, la vie de Perón se confond avec l'histoire de l'Argentine. Aussi, lorsque ses collègues de la junte militaire s'inquiètent du rayonnement de Perón, quand ils le mettent aux arrêts, Evita fait entrer les médias dans l'histoire argentine en mobilisant, le 17 octobre 1945, les travailleurs de la banlieue. Ceux-ci viennent en famille investir le palais présidentiel. Par cette manifestation spontanée, qui marque l'entrée massive des travailleurs dans la vie politique nationale, les "descamisados" obtiennent, certes, le retour au premier rang de leur idole, mais surtout créent le mythe, toujours vivace, du pouvoir populaire péroniste ; d'ailleurs l'appareil syndical devient le plus puissant pilier du péronisme. Le 24 février 1946, Perón est élu président de la République à l'issue d'un scrutin régulier. Il est réélu en 1951. Conspirations et putsch ratés aboutissent à un soulèvement suffisamment important de la marine et de certaines unités militaires pour que Perón préfère s'exiler sans combattre le 20 septembre 1955.
[…]
Après cinq ans de dictature militaire, la situation paraît telle qu'un mouvement de masse socialisant, qui remette en cause les structures économiques et sociales de l'Argentine capitaliste, n'est pas exclu. L'armée annule les procédures judiciaires pendantes contre Perón, lui restitue la dépouille mortelle d'Evita (cachée depuis 1955), son passeport, son grade, ses droits à pension[...]Perón, qui est reparti dès décembre 1972, revient le 20 juin 1973. Il réoriente à droite le nouveau régime, tout en maintenant un précaire équilibre, se fait élire président, le 23 septembre, avec sa femme Isabel à la vice-présidence. Déjà victime d'une attaque sévère en novembre 1973, il n'est plus que l'ombre de lui-même durant les premiers mois de 1974 et son décès est annoncé le 1er juillet 1974. »
Le mouvement péroniste n’est pas mort avec son fondateur, sa femme Isabel le remplacera à la présidence jusqu’au coup d’état de 1976. Même destitué le mouvement continuera à influencer la vie politique argentine.
L’article consacré à l’Argentine de l’encyclopédie Universalis (accessible depuis la bibliothèque) donne de nombreux renseignements sur la suite du mouvement péroniste :
« [..] Durant les derniers mois de l'année 1988, au moment le plus fort de l'hyperinflation, Carlos Menem, le gouverneur péroniste de la province de La Rioja, au bagout impressionnant, fait campagne avec un slogan aussi imprécis que lapidaire : « Suivez-moi ! » Élu président avec 49,2 p. 100 des voix,
[…]
Élu en mai 2003, le gouverneur péroniste de la province de Santa Cruz (Patagonie) Néstor Kirchner poursuit dans une large mesure la politique menée par son prédécesseur Eduardo Duhalde. Fondée sur le pragmatisme, elle est dictée par une situation jugée quasi ingouvernable. Mais peu à peu se dessinent les contours d'une politique propre à Kirchner, qui vise à répondre aux deux grandes questions de la période : la politique de la mémoire de la dernière dictature, en particulier le jugement des anciens tortionnaires, et les moyens de sortir durablement du marasme économique.
Ces gestes permettent au président de se donner une identité politique de centre-gauche auparavant très tenue, problème que rencontre désormais quiconque se réclame du péronisme.
Les multiples essais théoriques sur les « transformations du péronisme » apparaissent surtout comme le signe d'une impossible définition, devenue la seule marque distinctive de ce courant.
Le mouvement péroniste a donc pris au cours des années différents aspects selon que ceux qui s’en disaient issus étaient de droite ou de gauche. Cependant cette idéologie reste un élément central dans la politique argentine. Comme le résume cette phrase du politologue Vicente Palermo publiée dans une interview pour Libération le 25 octobre 2013 :
« Le péronisme est essentiellement un mouvement populiste, ni de droite ni de gauche, exclusivement intéressé par le pouvoir. »
Pour aller plus loin :
- La genèse du péronisme sur Risal.info.
- L’Argentine « péroniste » : néologismes et réalités sur le site Persée.
- Le péronisme, drôle d’objet politique, un article de Jean-Louis Buchet de RFI sur le site Le petit journal.com explique simplement ce qu'est le péronisme:
"
- Le péronisme de Pierre Lux-Wurm.
- Le péronisme : histoire de l’exil et du retour de Gerard Guillerm.
- L’Argentine : crises et utopies de Néstor Ponce.
Bonne journée.
DANS NOS COLLECTIONS :
Ça pourrait vous intéresser :
Pourquoi les hommes sont-ils si navrés de voir s'installer...
Commentaires 0
Connectez-vous pour pouvoir commenter.
Se connecter