Question d'origine :
Bonjour.
Dans le cadre de recherches pour mon enrichissement personnel, je désirerais obtenir des information sur les anthropologues, historiens, philosophes et sociologues traitant de la peur. plus précisément, étant partis du principe d’obsolescence des fondements de nos sociétés actuelles, j'aimerais comprendre comment ont été utilisés les peurs primaires de l'Homme pour servir la domination de personnes sur leur semblables. j'ai conscience qu'il s'agit d'un sujet vaste d'autant plus que j'aimerais effectuer mes recherches a partir d'ouvrages traitant de ces phénomènes de l'apparition de l'homme a nos jours. Pourriez-vous me donner quelques pistes quand aux directions à prendre et au auteurs auxquels je dois me référer?
Dans un premier temps j'aimerais définir les processus physiques et psychologiques de la peur , puis tenter d'appréhender l'Histoire de la peur, sa chronologie, et l’évolution des motifs de craintes à travers les ages.
Ensuite, je désirerais approfondir le principe de domination et de rapports de "forts" à "faibles" en définissant leur apparition et en expliquant quelles sont les besoins auxquels cela répond, les intérêts qui en découlent, les moyens utilisés pour y parvenir.
En dernier lieu, je souhaiterais traiter des sociétés actuelles à travers l'instauration des systèmes de hiérarchie à l'échelle sociale et de l'influence des cultes et traditions sur nos modes de vie, pour terminer sur la répétition cyclique au fil de l'Histoire des mêmes schémas sociaux et des erreurs de l'Homme
Toute cette argumentation nécessite des connaissances que je n'ai pas. Elle touche beaucoup de domaines c'est pourquoi il est difficile pour moi de savoir où m'orienter. Ma réflexion étant pour le moment construite à la manière d'un commentaire composé, je vous ai indiqué en gras les différents points des trois parties que je voudrais développer j’espère que vous pourrez m'aider à trouver les nombreux éléments qui me permettraient d'avancer ce projet si vaste soit-il.
Par avance, Merci.
Réponse du Guichet
gds_ctp
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 23/10/2013 à 10h49
Bonjour,
Montaigne disait «Tantôt la peur nous donne des ailes aux talons. Tantôt elle nous cloue les pieds et les entrave.»
Le sentiment de peur est ancré en chacun de nous, il fait partie des sentiments primaires, commun à toutes les espèces vivantes.
La peur est définie en ces termes : « Sentiment d’angoisse éprouvé en présence ou à la pesnée d’un danger, réel ou supposé, d’une menace. »
Source : Larousse en ligne.
Nous traiterons les problématiques autour de la peur dans l’ordre que vous nous avez donné, cependant la plupart des ouvrages proposent des informations transversales aux différentes problématiques. Vous pourrez donc récupérer des renseignements dans tous les documents pour construire votre réflexion.
* Pour comprendre les processus physiques et psychologiques de la peur, nous vous conseillons le livre Biologie des émotions de Catherine Belzung, qui consacre un chapitre à la peur :
« La peur est une émotion primaire, déclenchée par la mise en présence du sujet avec une menace pour son homéostasie, comme par exemple la confrontation avec un prédateur. Cette menace est souvent stressante. Cet évènement déclenche aussi bien des réponses physiologiques, telles l’accélération du rythme cardiaque, l’augmentation de la pression artérielle ou une modification de la résistance cutanée, que des réponses comportementales comme la fuite ou l’immobilisation. Ces réponses font partie du répertoire défensif. La peur peut être spontanée ou apprise comme dans le cas de la peur conditionnée. La peur a toujours un objet déterminé : on a peur de quelque chose de précis. De plus, la peur est ponctuelle, car elle survient à un moment circonscrit dans le temps. Il faut distinguer la peur du sentiment de peur : ce dernier implique la perception consciente de la situation et son vécu subjectif. La peur peut être spontanée ou apprise (peur conditionnée).
L’anxiété est une émotion secondaire, parfois décrite comme une peur anticipée : contrairement à la peur qui survient face à un danger réel, l’anxiété se déclenche face à un danger potentiel, incertain. […]»
L’ouvrage propose ensuite de nombreux schémas et rapports d’expériences menées chez l’homme et les animaux pour expliquer le système de la peur.
* Le Comportement de peur : une approche multidimensionnelle de René Misslin, propose une approche plus anthropologique de la peur et réalise en même temps une chronologie de la peur :
« L’éthologie enseigne que chaque espèce vivante possède un répertoire, ou éthogramme, constitué de diverses séquences comportementales transmises par la phylogénèse et conditionnées souvent amplement par l’ontogénèse : leur fonction es de garantir la survie des individus le temps nécessaire à leur reproduction. […] Puisque la prédation représente pour de nombreuses espèces le péril qui exerce sur elles la plus forte pression sélective, la peur peut être considérée comme le système défensif anti-prédateur par excellence. Nous verrons cependant que les animaux, l’Homme y compris, expriment le comportement de peur face à de nombreux autres aspects aversifs de leur vie. Comme nous adoptons le point de vue évolutionniste, il va de soi que le primate humain figure à sa place sur la longue échelle des êtres vivants. Dans ce qui suit, nous allons nous intéresser à ces aptitudes spécifiques qui rendent les êtres vivants aptes à se défendre contre tout ce qui menace leur survie, puis tenter de comprendre de quelle manière le système nerveux élabore ces étonnantes performances dont la fonction est de conserver la vie. »
* L'histoire de la peur est complexe, la peur évolue au fil des siècles et prend différents visages. Georges Duby, historien, a comparé les peurs actuelles aux peurs de l’an mil. Dans la préface, de son ouvrage An 1000, an 2000, sur les traces de nos peurs, il explique que « Les gens qui vivaient il y a huit ou dix siècles n’étaient ni plus ni moins inquiets que nous. Ce que ces hommes et ces femmes croyaient, leur sentiments, comment ils se représentaient le monde, l’Histoire telle qu’on l’écrit aujourd’hui s’efforce de le découvrir, de pénétrer dans l’esprit d’une société pour qui l’invisible était aussi présent, aussi digne d’intérêt, détenait autant de puissance que le visible. C’est en cela qu’elle s’écarte de la nôtre. Discerner les différences mais aussi les concordances entre ce qui lui faisait peur et ce que nous redoutons peut nous permettre, j’en suis sûr, d’affronter plus lucides les dangers d’aujourd’hui. »
Vous pouvez approfondir le sujet avec La peur en Occident de Jean Delumeau et L’ennemie intime : la peur : perceptions, expressions, effets sous la direction de Frédéric Chauvaud.
* En ce qui concerne l’instrumentalisation de la peur dans les rapports de force dans nos sociétés, plusieurs ouvrages traitent de cette problématique. Des philosophes ont étudié la question et propose une analyse de cette forme de pouvoir, comme Paul Virilio dans L’administration de la peur, celui-ci explique qu’avant, être adulte signifiait avoir dépassé ses peurs, désormais la peur fait partie du quotidien, elle est devenue "un sentiment légitimé, une épaisseur tempéramentale supplémentaire dont il serait idiot de se priver, un signe de sagesse, un outil de pensée.[…] De chimérique, la pensée est devenue fondatrice. Ainsi, sa diffusion apparaît-elle comme le produit d’une époque nucléarisée et assommée par les totalitarismes où la science, après avoir fondé les espérances de l’Occident des Lumières, a fini par arborer un visage menaçant."
Michela Marzano dans Les visages de la peur, présente une réflexion sur les différentes formes de peur (peur de l’autre, de l’ennemi, de l’étranger…) et l’utilisation de ces peurs par les pouvoirs politiques pour bâtir des « politiques sécuritaires qui institutionnalisent la méfiance de chacun à l’égard de tous. On le sait au moins depuis Machiavel : la peur est utile au pouvoir… ». L’auteur revient sur les périodes historiques où la peur a été utilisée pour contraindre les populations et leur faire accepter des lois et des régimes politiques autoritaires.
L’exploitation de la peur dans la société est le point de départ du livre Gouverner par la peur. La formation des auteurs (une historienne, un sociologue et un anthropologue-historien) permet d’appréhender les questions autour de la peur sous différents angles et de comprendre son rôle et les raisons de son utilisation.
« Loin de se réduire, nos peurs grandissent chaque jour un peu plus, mutent dans nos intimités, envahissent notre espace public. […]La peur rapporte d’abord tout simplement aux entreprises de plus en plus nombreuses qui vivent de la prévention du risque, réel ou imaginaire. […] La peur est devenue un fonds de commerce politique. Alors qu’aucun parti n’est aujourd’hui en capacité d’offrir un horizon commun lisible, un récit à construire collectivement, un autre imaginaire, il ne reste plus aux candidats à la fonction élective qu’à se prévaloir de leur dimension salvatrice ou de leur habileté à communiquer. Plus l’angoisse est là, plus elle justifie des politiques régressives, lesquelles entretiennent le sentiment d’insécurité de la communauté. Ou le repli sur soi de la communauté… […] »
La peur est donc une émotion omniprésente dans la vie de l'être humain depuis sa naissance. Au départ, née pour assurer notre survie face au prédateur, elle a évolué au cours des siècles selon les connaissances des Hommes. Mais elle fait partie de nos instincts et reste toujours au fond de nous...
* Pour aller plus loin, une bibliographie :
- L’article de Paul Fraisse sur les Émotions extrait de l’Encycloédie Universalis, accessible depuis la bibliothèque.
- Le cerveau des émotions : les mystérieux fondements de notre vie émotionnelle de Joseph Ledoux.
- La peur et l’angoisse de Paul Diel.
- Ce qui se passe dans notre cerveau quand on est confronté à une grande peur..., un article du site Traumapsy.com, rédigé par un chercheur universitaire.
- Le Léviathan de Thomas Hobbes.
- La peur et ses miroirs sous la direction de Michel Viegnes.
Nous vous conseillons aussi l’interrogation des bases de données spécialisées en sciences humaines Cairn (accessible depuis la bibliothèque) et Persée (en libre accès), cela vous permettra d’approfondir certains points de votre réflexion.
Bonne journée.
Montaigne disait «Tantôt la peur nous donne des ailes aux talons. Tantôt elle nous cloue les pieds et les entrave.»
Le sentiment de peur est ancré en chacun de nous, il fait partie des sentiments primaires, commun à toutes les espèces vivantes.
La peur est définie en ces termes : « Sentiment d’angoisse éprouvé en présence ou à la pesnée d’un danger, réel ou supposé, d’une menace. »
Source : Larousse en ligne.
Nous traiterons les problématiques autour de la peur dans l’ordre que vous nous avez donné, cependant la plupart des ouvrages proposent des informations transversales aux différentes problématiques. Vous pourrez donc récupérer des renseignements dans tous les documents pour construire votre réflexion.
* Pour comprendre les processus physiques et psychologiques de la peur, nous vous conseillons le livre Biologie des émotions de Catherine Belzung, qui consacre un chapitre à la peur :
« La peur est une émotion primaire, déclenchée par la mise en présence du sujet avec une menace pour son homéostasie, comme par exemple la confrontation avec un prédateur. Cette menace est souvent stressante. Cet évènement déclenche aussi bien des réponses physiologiques, telles l’accélération du rythme cardiaque, l’augmentation de la pression artérielle ou une modification de la résistance cutanée, que des réponses comportementales comme la fuite ou l’immobilisation. Ces réponses font partie du répertoire défensif. La peur peut être spontanée ou apprise comme dans le cas de la peur conditionnée. La peur a toujours un objet déterminé : on a peur de quelque chose de précis. De plus, la peur est ponctuelle, car elle survient à un moment circonscrit dans le temps. Il faut distinguer la peur du sentiment de peur : ce dernier implique la perception consciente de la situation et son vécu subjectif. La peur peut être spontanée ou apprise (peur conditionnée).
L’anxiété est une émotion secondaire, parfois décrite comme une peur anticipée : contrairement à la peur qui survient face à un danger réel, l’anxiété se déclenche face à un danger potentiel, incertain. […]»
L’ouvrage propose ensuite de nombreux schémas et rapports d’expériences menées chez l’homme et les animaux pour expliquer le système de la peur.
* Le Comportement de peur : une approche multidimensionnelle de René Misslin, propose une approche plus anthropologique de la peur et réalise en même temps une chronologie de la peur :
« L’éthologie enseigne que chaque espèce vivante possède un répertoire, ou éthogramme, constitué de diverses séquences comportementales transmises par la phylogénèse et conditionnées souvent amplement par l’ontogénèse : leur fonction es de garantir la survie des individus le temps nécessaire à leur reproduction. […] Puisque la prédation représente pour de nombreuses espèces le péril qui exerce sur elles la plus forte pression sélective, la peur peut être considérée comme le système défensif anti-prédateur par excellence. Nous verrons cependant que les animaux, l’Homme y compris, expriment le comportement de peur face à de nombreux autres aspects aversifs de leur vie. Comme nous adoptons le point de vue évolutionniste, il va de soi que le primate humain figure à sa place sur la longue échelle des êtres vivants. Dans ce qui suit, nous allons nous intéresser à ces aptitudes spécifiques qui rendent les êtres vivants aptes à se défendre contre tout ce qui menace leur survie, puis tenter de comprendre de quelle manière le système nerveux élabore ces étonnantes performances dont la fonction est de conserver la vie. »
* L'histoire de la peur est complexe, la peur évolue au fil des siècles et prend différents visages. Georges Duby, historien, a comparé les peurs actuelles aux peurs de l’an mil. Dans la préface, de son ouvrage An 1000, an 2000, sur les traces de nos peurs, il explique que « Les gens qui vivaient il y a huit ou dix siècles n’étaient ni plus ni moins inquiets que nous. Ce que ces hommes et ces femmes croyaient, leur sentiments, comment ils se représentaient le monde, l’Histoire telle qu’on l’écrit aujourd’hui s’efforce de le découvrir, de pénétrer dans l’esprit d’une société pour qui l’invisible était aussi présent, aussi digne d’intérêt, détenait autant de puissance que le visible. C’est en cela qu’elle s’écarte de la nôtre. Discerner les différences mais aussi les concordances entre ce qui lui faisait peur et ce que nous redoutons peut nous permettre, j’en suis sûr, d’affronter plus lucides les dangers d’aujourd’hui. »
Vous pouvez approfondir le sujet avec La peur en Occident de Jean Delumeau et L’ennemie intime : la peur : perceptions, expressions, effets sous la direction de Frédéric Chauvaud.
* En ce qui concerne l’instrumentalisation de la peur dans les rapports de force dans nos sociétés, plusieurs ouvrages traitent de cette problématique. Des philosophes ont étudié la question et propose une analyse de cette forme de pouvoir, comme Paul Virilio dans L’administration de la peur, celui-ci explique qu’avant, être adulte signifiait avoir dépassé ses peurs, désormais la peur fait partie du quotidien, elle est devenue "un sentiment légitimé, une épaisseur tempéramentale supplémentaire dont il serait idiot de se priver, un signe de sagesse, un outil de pensée.[…] De chimérique, la pensée est devenue fondatrice. Ainsi, sa diffusion apparaît-elle comme le produit d’une époque nucléarisée et assommée par les totalitarismes où la science, après avoir fondé les espérances de l’Occident des Lumières, a fini par arborer un visage menaçant."
Michela Marzano dans Les visages de la peur, présente une réflexion sur les différentes formes de peur (peur de l’autre, de l’ennemi, de l’étranger…) et l’utilisation de ces peurs par les pouvoirs politiques pour bâtir des « politiques sécuritaires qui institutionnalisent la méfiance de chacun à l’égard de tous. On le sait au moins depuis Machiavel : la peur est utile au pouvoir… ». L’auteur revient sur les périodes historiques où la peur a été utilisée pour contraindre les populations et leur faire accepter des lois et des régimes politiques autoritaires.
L’exploitation de la peur dans la société est le point de départ du livre Gouverner par la peur. La formation des auteurs (une historienne, un sociologue et un anthropologue-historien) permet d’appréhender les questions autour de la peur sous différents angles et de comprendre son rôle et les raisons de son utilisation.
« Loin de se réduire, nos peurs grandissent chaque jour un peu plus, mutent dans nos intimités, envahissent notre espace public. […]La peur rapporte d’abord tout simplement aux entreprises de plus en plus nombreuses qui vivent de la prévention du risque, réel ou imaginaire. […] La peur est devenue un fonds de commerce politique. Alors qu’aucun parti n’est aujourd’hui en capacité d’offrir un horizon commun lisible, un récit à construire collectivement, un autre imaginaire, il ne reste plus aux candidats à la fonction élective qu’à se prévaloir de leur dimension salvatrice ou de leur habileté à communiquer. Plus l’angoisse est là, plus elle justifie des politiques régressives, lesquelles entretiennent le sentiment d’insécurité de la communauté. Ou le repli sur soi de la communauté… […] »
La peur est donc une émotion omniprésente dans la vie de l'être humain depuis sa naissance. Au départ, née pour assurer notre survie face au prédateur, elle a évolué au cours des siècles selon les connaissances des Hommes. Mais elle fait partie de nos instincts et reste toujours au fond de nous...
* Pour aller plus loin, une bibliographie :
- L’article de Paul Fraisse sur les Émotions extrait de l’Encycloédie Universalis, accessible depuis la bibliothèque.
- Le cerveau des émotions : les mystérieux fondements de notre vie émotionnelle de Joseph Ledoux.
- La peur et l’angoisse de Paul Diel.
- Ce qui se passe dans notre cerveau quand on est confronté à une grande peur..., un article du site Traumapsy.com, rédigé par un chercheur universitaire.
- Le Léviathan de Thomas Hobbes.
- La peur et ses miroirs sous la direction de Michel Viegnes.
Nous vous conseillons aussi l’interrogation des bases de données spécialisées en sciences humaines Cairn (accessible depuis la bibliothèque) et Persée (en libre accès), cela vous permettra d’approfondir certains points de votre réflexion.
Bonne journée.
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