Question d'origine :
Bonjour
Il m'arrive de discuter avec des fanatiques religieux avec qui le débat est impossible dès que leur croyance est remise en question (par une démonstration scientifique ou simplement qu'il n'existe aucune preuve ne pouvant confirmer ou infirmer leur point de vue). Certains ayant passé leur vie à suivre aveuglement des enseignements religieux, j'ai l'impression qu' ils veulent pas envisager de s'être trompé si longtemps.
Comment amener ces croyants à abandonner leur croyance?"
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 22/10/2013 à 16h55
Bonjour,
Nous vous proposons pour commencer de réfléchir à la notion de croyance largement questionnée et étudiée par de nombreux philosophes. Si le croyant est bien celui « qui a une foi religieuse », la croyance, qui n'est pas propre au fait religieux, est « l’action, le fait de croire une chose vraie, vraisemblable ou possible » (Petit Robert). En effet, les rapports entre croyance et vérité sont complexes et il n’est pas forcément nécessaire qu’une « chose » soit vraie pour y croire et la croyance en celle-ci n’en est pas pour autant moins légitime, respectable et tolérable.
Voici un extrait de l’introduction de l’ouvrage La croyance de Philippe Fontaine:
« En effet, comme on l’a noté, le problème philosophique de la croyance réside en une véritable « énigme », qui tient au statut double de la croyance : la croyance comporte un aspect « subjectif » et un aspect « objectif ». L’aspect subjectif comprend les différents degrés de certitude accessibles à la conscience : du doute jusqu’à l’intime conviction, en passant par la conjecture et toutes les formes de la supposition ou de la supputation ; l’aspect objectif concerne non plus les degrés de certitude de la conscience, mais les degrés de réalité s’attachant à l’objet de la croyance, c'est-à-dire à la chose que l’on tient pour vraie. Cette échelle varie de la simple possibilité (la problématique) à la vérité come telle, en passant par le probable ou le vraisemblable. L’analyse de la croyance peut ainsi exiger la recherche d’une éventuelle correspondance entre les degrés de certitude (subjective) et les degrés de réalité (objective) ; ce projet fut celui de Husserl dans ses Idées directrices pour une phénoménologie. Il reste que la croyance, considérée comme affirmation originaire portant sur un énoncé ou une proposition quelconques, constitue, estime P. Ricoeur, « une sorte d’énigme ou de paradoxe ; elle joint, en effet, des traits que l’on peut dire subjectifs, à savoir tous les degrés de la certitude, et des traits que l’on peut dire objectifs, à savoir tous les degrés du probable jusqu’au vrai pur et simple. » Cette collusion de traits subjectifs et objectifs, au sein même du concept de croyance, est indissociable de la déviation possible, comme confusion du subjectif et de l’objectif : la croyance ne tend-elle pas constamment à prendre pour vérité objective ce qui n’est que certitude subjective ? Comme le note encore P. Ricoeur : « pour le sujet de la croyance, les degrés de la certitude ne sont pas distingués de ceux de la vérité, mais […] les premiers sont pris pour les second. Bref, l’énigme de la croyance, c’est celle du tenir-pour-vrai. ».
Et un extrait de la conclusion : « La difficulté à combattre la croyance, lorsqu’elle doit l’être, réside sans doute dans son caractère inattaquable, parce qu’irréfutable ; ce que la philosophie classique a pu considérer, dans une longue tradition, comme la « faiblesse » de la croyance (son absence de fondement rationnel) est peut-être ce qui fait sa force : son « assurance » inébranlable. Nous avons vu plusieurs auteurs faire de la croyance une sorte de mécanisme de défense contre la peur, l’incertitude, l’angoisse ; comme le note C. Rosset : « on ne peut qu’admirer une telle assurance, qui donne par avance raison au croyant et ne peut manquer de finir par confondre l’incrédule. On peut même, à l’occasion, la jalouser, y voyant un refuge contre l’incertitude et l’angoisse auquel on serait bien heureux d’accéder soi-même. » C’est que cette caractéristique de la croyance est pour ainsi dire contenue analytiquement dans sa définition ; en effet, elle consiste en un acte de foi impliquant l’adhésion d’un « sujet » à un « objet ». C’est bien cette relation (et non les deux pôles, sujet et objet, de cette relation) qui constitue la croyance comme telle : « D’où des entreprises de dissuasion, vouées à l’échec, qui s’en prennent à ces deux pôles de la croyance et non à leur mode d’attachement, critiquant l’objet (ce à quoi tu crois n’est que fantasmes et carton-pâte) ou le sujet (tu n’es plus toi-même, tu méprisais hier l’idole que tu adores aujourd’hui). »…
Nous attirons aussi votre attention sur le fait de ne pas confondre le croyant et le fanatique, le fanatisme n’étant qu’une forme extrême de la croyance, impliquant la volonté d’imposer aux autres ses propres convictions.
Voici quelques suggestions de lectures philosophiques sur la croyance :
De la croyance, Slavoj Zizek
Peut-on ne pas croire ?, Jacques Bouveresse
Qu’est-ce que croire ? Roger Pouivet
Vivre c’est croire : portrait philosophique de David Hume, Pierre Zaoui
Dialogues de l’athée, Ignacio Ferreras
Les mécanismes de la croyance, revue Sciences humaines
Nous vous invitons aussi à réfléchir sur la notion de tolérance: la proposition de dissertation sur le thème "Peut-on tolérer toutes les croyances" par Pierre Zaoui dans l’ouvrage Dissertations sur la croyance, permet de mieux saisir les enjeux d’un dialogue entre croyants et non-croyants.
Pour vous permettre d’avoir un dialogue constructif et respectueux avec des croyants, voici une série de références pour votre réflexion et votre argumentation :
- Pour commencer, nous pouvons vous proposer cet ouvrage d’un croyant devenu athée, ce qui vous donnera des pistes sur les « mécanismes » de cette transformation :
Délivré de Dieu : itinéraire d’un évangéliste devenu militant de l’athéisme, Dan Barker
Une autre piste à explorer est celle de ce pasteur imaginant une croyance sans Dieu : Croire en un dieu qui n’existe pas, Klaas Hendrickse
- Quelques ouvrages tentant d’étudier d’un point de vue psychanalytique le fait de croire ou non en Dieu :
Croire au temps du dieu fragile : psychanalyse du deuil de Dieu, Jacques Arènes
Croire à l’épreuve du doute, Sophie de Mijolla-Mellor
Le besoin de croire, métapsychologie du fait religieux, Sophie de Mijolla-Mellor
Les fanatiques : la folie de croire, Bernard Chouvier
- Cette sélection de livres sur l’athéisme vous permettra d’étayer vos arguments :
L'athéisme expliqué aux croyants, Paul Desalmand
L’esprit de l’athéisme : introduction à une spiritualité sans Dieu, André Comte-Sponville
Apologie du blasphème : en danger de croire, Jean Paul Gouteux
- Quelques références apportant des arguments parfois scientifiques sur la non-existence de Dieu :
Là-haut il n’y a rien : anthologie de l’incroyance et de la libre-pensée
Les fausses démonstrations de l’existence de Dieu, Jean –Jacques Samueli
Dieu : l’hypothèse erronée : comment la science prouve que Dieu n’existe pas, Stenger Victor
Les arguments de l’athéisme, La Paquerie
Pour en finir avec Dieu, Richard Dawkins
une réponse du guichet sur la non-existence de Dieu
Nous vous proposons pour commencer de réfléchir à la notion de croyance largement questionnée et étudiée par de nombreux philosophes. Si le croyant est bien celui « qui a une foi religieuse », la croyance, qui n'est pas propre au fait religieux, est « l’action, le fait de croire une chose vraie, vraisemblable ou possible » (Petit Robert). En effet, les rapports entre croyance et vérité sont complexes et il n’est pas forcément nécessaire qu’une « chose » soit vraie pour y croire et la croyance en celle-ci n’en est pas pour autant moins légitime, respectable et tolérable.
Voici un extrait de l’introduction de l’ouvrage La croyance de Philippe Fontaine:
« En effet, comme on l’a noté, le problème philosophique de la croyance réside en une véritable « énigme », qui tient au statut double de la croyance : la croyance comporte un aspect « subjectif » et un aspect « objectif ». L’aspect subjectif comprend les différents degrés de certitude accessibles à la conscience : du doute jusqu’à l’intime conviction, en passant par la conjecture et toutes les formes de la supposition ou de la supputation ; l’aspect objectif concerne non plus les degrés de certitude de la conscience, mais les degrés de réalité s’attachant à l’objet de la croyance, c'est-à-dire à la chose que l’on tient pour vraie. Cette échelle varie de la simple possibilité (la problématique) à la vérité come telle, en passant par le probable ou le vraisemblable. L’analyse de la croyance peut ainsi exiger la recherche d’une éventuelle correspondance entre les degrés de certitude (subjective) et les degrés de réalité (objective) ; ce projet fut celui de Husserl dans ses Idées directrices pour une phénoménologie. Il reste que la croyance, considérée comme affirmation originaire portant sur un énoncé ou une proposition quelconques, constitue, estime P. Ricoeur, « une sorte d’énigme ou de paradoxe ; elle joint, en effet, des traits que l’on peut dire subjectifs, à savoir tous les degrés de la certitude, et des traits que l’on peut dire objectifs, à savoir tous les degrés du probable jusqu’au vrai pur et simple. » Cette collusion de traits subjectifs et objectifs, au sein même du concept de croyance, est indissociable de la déviation possible, comme confusion du subjectif et de l’objectif : la croyance ne tend-elle pas constamment à prendre pour vérité objective ce qui n’est que certitude subjective ? Comme le note encore P. Ricoeur : « pour le sujet de la croyance, les degrés de la certitude ne sont pas distingués de ceux de la vérité, mais […] les premiers sont pris pour les second. Bref, l’énigme de la croyance, c’est celle du tenir-pour-vrai. ».
Et un extrait de la conclusion : « La difficulté à combattre la croyance, lorsqu’elle doit l’être, réside sans doute dans son caractère inattaquable, parce qu’irréfutable ; ce que la philosophie classique a pu considérer, dans une longue tradition, comme la « faiblesse » de la croyance (son absence de fondement rationnel) est peut-être ce qui fait sa force : son « assurance » inébranlable. Nous avons vu plusieurs auteurs faire de la croyance une sorte de mécanisme de défense contre la peur, l’incertitude, l’angoisse ; comme le note C. Rosset : « on ne peut qu’admirer une telle assurance, qui donne par avance raison au croyant et ne peut manquer de finir par confondre l’incrédule. On peut même, à l’occasion, la jalouser, y voyant un refuge contre l’incertitude et l’angoisse auquel on serait bien heureux d’accéder soi-même. » C’est que cette caractéristique de la croyance est pour ainsi dire contenue analytiquement dans sa définition ; en effet, elle consiste en un acte de foi impliquant l’adhésion d’un « sujet » à un « objet ». C’est bien cette relation (et non les deux pôles, sujet et objet, de cette relation) qui constitue la croyance comme telle : « D’où des entreprises de dissuasion, vouées à l’échec, qui s’en prennent à ces deux pôles de la croyance et non à leur mode d’attachement, critiquant l’objet (ce à quoi tu crois n’est que fantasmes et carton-pâte) ou le sujet (tu n’es plus toi-même, tu méprisais hier l’idole que tu adores aujourd’hui). »…
Nous attirons aussi votre attention sur le fait de ne pas confondre le croyant et le fanatique, le fanatisme n’étant qu’une forme extrême de la croyance, impliquant la volonté d’imposer aux autres ses propres convictions.
Voici quelques suggestions de lectures philosophiques sur la croyance :
De la croyance, Slavoj Zizek
Peut-on ne pas croire ?, Jacques Bouveresse
Qu’est-ce que croire ? Roger Pouivet
Vivre c’est croire : portrait philosophique de David Hume, Pierre Zaoui
Dialogues de l’athée, Ignacio Ferreras
Les mécanismes de la croyance, revue Sciences humaines
Nous vous invitons aussi à réfléchir sur la notion de tolérance: la proposition de dissertation sur le thème "Peut-on tolérer toutes les croyances" par Pierre Zaoui dans l’ouvrage Dissertations sur la croyance, permet de mieux saisir les enjeux d’un dialogue entre croyants et non-croyants.
Pour vous permettre d’avoir un dialogue constructif et respectueux avec des croyants, voici une série de références pour votre réflexion et votre argumentation :
- Pour commencer, nous pouvons vous proposer cet ouvrage d’un croyant devenu athée, ce qui vous donnera des pistes sur les « mécanismes » de cette transformation :
Délivré de Dieu : itinéraire d’un évangéliste devenu militant de l’athéisme, Dan Barker
Une autre piste à explorer est celle de ce pasteur imaginant une croyance sans Dieu : Croire en un dieu qui n’existe pas, Klaas Hendrickse
- Quelques ouvrages tentant d’étudier d’un point de vue psychanalytique le fait de croire ou non en Dieu :
Croire au temps du dieu fragile : psychanalyse du deuil de Dieu, Jacques Arènes
Croire à l’épreuve du doute, Sophie de Mijolla-Mellor
Le besoin de croire, métapsychologie du fait religieux, Sophie de Mijolla-Mellor
Les fanatiques : la folie de croire, Bernard Chouvier
- Cette sélection de livres sur l’athéisme vous permettra d’étayer vos arguments :
L'athéisme expliqué aux croyants, Paul Desalmand
L’esprit de l’athéisme : introduction à une spiritualité sans Dieu, André Comte-Sponville
Apologie du blasphème : en danger de croire, Jean Paul Gouteux
- Quelques références apportant des arguments parfois scientifiques sur la non-existence de Dieu :
Là-haut il n’y a rien : anthologie de l’incroyance et de la libre-pensée
Les fausses démonstrations de l’existence de Dieu, Jean –Jacques Samueli
Dieu : l’hypothèse erronée : comment la science prouve que Dieu n’existe pas, Stenger Victor
Les arguments de l’athéisme, La Paquerie
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