Idee de nation
DIVERS
+ DE 2 ANS
Le 07/08/2013 à 16h09
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Question d'origine :
Bonjour,
Qu'est ce qui peux expliquer que la france ait ete une nation bien avant les autres pays europeens, je pense notament a l'italie et l'allemagne.
Est ce cela qui explique sa forte centralisation?
Cdlt
Réponse du Guichet
gds_et
- Département : Équipe du Guichet du Savoir
Le 08/08/2013 à 14h22
Bonjour,
D’après l’Encyclopedia Universalis :
Si la Gaule romaine peut apparaître avec le recul des siècles comme une ancêtre de la France, les territoires qui devaient constituer celle-ci ne formèrent que lentement, au cours du Moyen Âge, la préfiguration de son entité nationale. Divisée au lendemain des grandes invasions du ve siècle entre Wisigoths, Burgondes, Francs et Alamans – les Bretons demeurant à part –, englobée sous Charlemagne dans un ensemble qui la débordait largement, comprimée ensuite à l'est par la Lotharingie et l'Empire tout en étant incertaine de ses frontières du côté du Roussillon au sud et de la Flandre au nord, menacée à la fin du Moyen Âge d'être absorbée dans un royaume anglo-français à dominante anglaise, la France a cependant acquis, entre le ve et le xvie siècle, son nom, sa cohésion, sa conscience nationale. Si les Francs, qui au vie siècle ont réalisé à leur profit l'union des territoires situés entre Rhin, Alpes, Méditerranée, Pyrénées et Atlantique, ont donné leur nom à la future nation, il faut attendre les partages de l'empire de Charlemagne au ixe siècle pour que la Francia occidentalis – la Francie occidentale – soit la seule à porter ce nom. Encore n'est-ce qu'au début du xiiie siècle que le roi des Francs devient officiellement roi de France. Le sentiment national sera encore plus lent à s'affirmer. On en fait traditionnellement remonter la première manifestation à la mobilisation des armées seigneuriales derrière Louis VI contre l'empereur germanique (1124). Ce n'est pourtant qu'au début du xive siècle qu'on parle de la « nation de France » ; et ce n'est qu'après le conflit opposant Philippe IV le Bel au pape Boniface VIII dans les premières années du xive siècle, et surtout au long de la guerre de Cent Ans, que se forge le sentiment national français. Si, dès le viie siècle, on rencontre dans la Chronique de Frédégaire la légende de l'origine troyenne des Francs, cette mythologie dynastique et nationale ne se répand qu'après avoir été adoptée par les auteurs carolingiens, puis par les chroniqueurs de Fleury-sur-Loire et de Saint-Denis, comme l'atteste au début du xiiie siècle l'historien de Philippe Auguste, le moine Rigord, dans ses Gesta Philippi Augusti (1179-1208). C'est également au cours du Moyen Âge que la France surmonte sa division entre un Nord et un Midi dont les langues différentes – langue d'oïl (ou d'oui) et langue d'oc – expriment une opposition nourrie de traditions anciennes. Enfin, pendant cette période, la France atteint un haut degré de prospérité et de prestige ; un effort décisif de défrichements conquiert à la culture de vastes étendues et le réseau des villages et des villes se met en place.
Source : Jacques LE GOFF, « FRANCE (Histoire et institutions) - - Naissance d'une nation », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 8 août 2013. URL : http://www.universalis-edu.com/encyclop ... ne-nation/
Tandis que la nation française est une entité millénaire, on peut dire que l’Italie, en effet, est une nation très jeune puisque son unité ne remonte qu’à un siècle et demi, soit 1861. Le magazine l’Histoire lui consacrait d’ailleurs un numéro spécial pour la célébration de ses 150 ans, en 2011.
Bismarck engage l’unification de l’Allemagne presque en même temps que Garibaldi crée le Royaume d’Italie : en 1862.
La centralisation du pouvoir en France s’amorce très tôt, et peut être mise en parallèle avec l’unification de la langue française, qui lui est liée :
Tout au long de son histoire, l'unification linguistique de la France est liée à son unification politique et aux progrès de la centralisation. La cour du roi, fixée à Paris, est malgré quelques éclipses une des plus brillantes ; la capitale doit aussi son rayonnement intellectuel à ses écoles et à son Université. La centralisation de l'administration et du pouvoir judiciaire va dans le même sens – à partir du XIIIe siècle, la justice royale s'affirme aux dépens des juridictions seigneuriales ou ecclésiastiques. Aussi, il semble bien que se soient élaborées très tôt dans le domaine d'oïl des variétés écrites communes, scripta administrative, koïne littéraire, plus ou moins fortement teintées de traits dialectaux selon les époques et les régions, mais intelligibles dans tout le Nord et ne s'identifiant à aucun dialecte localement parlé. Au XIIe siècle, la langue des œuvres littéraires présente des différenciations provinciales : normandes (Béroul), picardes (Jean Bodel) ou champenoises (Villehardouin, Chrétien de Troyes). Au XIIIe siècle, de nombreux témoignages montrent le prestige et l'influence croissante de l'ancien français « commun », illustrée à partir de 1276 par l'immense succès du Roman de la Rose. De même, les scriptae régionales perdent au fil du temps leurs traits dialectaux. Ce que l'on a appelé le francien, à la suite des romanistes de la fin du XIXe siècle, semble finalement ne pas avoir existé en tant que langue parlée en Île-de-France mais correspondrait plutôt à la scripta de cette région. Le dialecte local réellement parlé dans les milieux populaires nous reste peu ou prou inconnu. Dans le Midi, la situation linguistique générale présente la même organisation ; mais l'occitan comme langue littéraire dépérit après la croisade des Albigeois (XIIIe s.) ; la scripta provençale résistera un peu plus longtemps. Et le domaine d'oc restera fractionné en de multiples parlers locaux.
La période d'équilibre classique de l'ancien français se situe aux XIIe et XIIIe siècles.
Source : Gérald ANTOINE, Jean-Claude CHEVALIER, Loïc DEPECKER, Françoise HELGORSKY, « FRANCE (Arts et culture) - - La langue française », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 8 août 2013. URL : http://www.universalis-edu.com/encyclop ... francaise/
Cependant, étant donné la complexité des éléments qui entrent en compte dans l’histoire d’une nation et l’évolution de son modèle politique et de sa structure administrative, il semble difficile d’affirmer qu’il y ait un lien de causalité aussi direct entre l’ancienneté de la France en tant que nation, et la centralisation de son Etat.
Pour aller plus loin sur le thème de la centralisation en France, vous pouvez consulter un de ces ouvrages.
Nous finirons en mentionnant que le plus vieil Etat-nation en Europe est probablement le Portugal.
Bonne journée.
D’après l’Encyclopedia Universalis :
Si la Gaule romaine peut apparaître avec le recul des siècles comme une ancêtre de la France, les territoires qui devaient constituer celle-ci ne formèrent que lentement, au cours du Moyen Âge, la préfiguration de son entité nationale. Divisée au lendemain des grandes invasions du ve siècle entre Wisigoths, Burgondes, Francs et Alamans – les Bretons demeurant à part –, englobée sous Charlemagne dans un ensemble qui la débordait largement, comprimée ensuite à l'est par la Lotharingie et l'Empire tout en étant incertaine de ses frontières du côté du Roussillon au sud et de la Flandre au nord, menacée à la fin du Moyen Âge d'être absorbée dans un royaume anglo-français à dominante anglaise, la France a cependant acquis, entre le ve et le xvie siècle, son nom, sa cohésion, sa conscience nationale. Si les Francs, qui au vie siècle ont réalisé à leur profit l'union des territoires situés entre Rhin, Alpes, Méditerranée, Pyrénées et Atlantique, ont donné leur nom à la future nation, il faut attendre les partages de l'empire de Charlemagne au ixe siècle pour que la Francia occidentalis – la Francie occidentale – soit la seule à porter ce nom. Encore n'est-ce qu'au début du xiiie siècle que le roi des Francs devient officiellement roi de France. Le sentiment national sera encore plus lent à s'affirmer. On en fait traditionnellement remonter la première manifestation à la mobilisation des armées seigneuriales derrière Louis VI contre l'empereur germanique (1124). Ce n'est pourtant qu'au début du xive siècle qu'on parle de la « nation de France » ; et ce n'est qu'après le conflit opposant Philippe IV le Bel au pape Boniface VIII dans les premières années du xive siècle, et surtout au long de la guerre de Cent Ans, que se forge le sentiment national français. Si, dès le viie siècle, on rencontre dans la Chronique de Frédégaire la légende de l'origine troyenne des Francs, cette mythologie dynastique et nationale ne se répand qu'après avoir été adoptée par les auteurs carolingiens, puis par les chroniqueurs de Fleury-sur-Loire et de Saint-Denis, comme l'atteste au début du xiiie siècle l'historien de Philippe Auguste, le moine Rigord, dans ses Gesta Philippi Augusti (1179-1208). C'est également au cours du Moyen Âge que la France surmonte sa division entre un Nord et un Midi dont les langues différentes – langue d'oïl (ou d'oui) et langue d'oc – expriment une opposition nourrie de traditions anciennes. Enfin, pendant cette période, la France atteint un haut degré de prospérité et de prestige ; un effort décisif de défrichements conquiert à la culture de vastes étendues et le réseau des villages et des villes se met en place.
Source : Jacques LE GOFF, « FRANCE (Histoire et institutions) - - Naissance d'une nation », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 8 août 2013. URL : http://www.universalis-edu.com/encyclop ... ne-nation/
Tandis que la nation française est une entité millénaire, on peut dire que l’Italie, en effet, est une nation très jeune puisque son unité ne remonte qu’à un siècle et demi, soit 1861. Le magazine l’Histoire lui consacrait d’ailleurs un numéro spécial pour la célébration de ses 150 ans, en 2011.
Bismarck engage l’unification de l’Allemagne presque en même temps que Garibaldi crée le Royaume d’Italie : en 1862.
La centralisation du pouvoir en France s’amorce très tôt, et peut être mise en parallèle avec l’unification de la langue française, qui lui est liée :
Tout au long de son histoire, l'unification linguistique de la France est liée à son unification politique et aux progrès de la centralisation. La cour du roi, fixée à Paris, est malgré quelques éclipses une des plus brillantes ; la capitale doit aussi son rayonnement intellectuel à ses écoles et à son Université. La centralisation de l'administration et du pouvoir judiciaire va dans le même sens – à partir du XIIIe siècle, la justice royale s'affirme aux dépens des juridictions seigneuriales ou ecclésiastiques. Aussi, il semble bien que se soient élaborées très tôt dans le domaine d'oïl des variétés écrites communes, scripta administrative, koïne littéraire, plus ou moins fortement teintées de traits dialectaux selon les époques et les régions, mais intelligibles dans tout le Nord et ne s'identifiant à aucun dialecte localement parlé. Au XIIe siècle, la langue des œuvres littéraires présente des différenciations provinciales : normandes (Béroul), picardes (Jean Bodel) ou champenoises (Villehardouin, Chrétien de Troyes). Au XIIIe siècle, de nombreux témoignages montrent le prestige et l'influence croissante de l'ancien français « commun », illustrée à partir de 1276 par l'immense succès du Roman de la Rose. De même, les scriptae régionales perdent au fil du temps leurs traits dialectaux. Ce que l'on a appelé le francien, à la suite des romanistes de la fin du XIXe siècle, semble finalement ne pas avoir existé en tant que langue parlée en Île-de-France mais correspondrait plutôt à la scripta de cette région. Le dialecte local réellement parlé dans les milieux populaires nous reste peu ou prou inconnu. Dans le Midi, la situation linguistique générale présente la même organisation ; mais l'occitan comme langue littéraire dépérit après la croisade des Albigeois (XIIIe s.) ; la scripta provençale résistera un peu plus longtemps. Et le domaine d'oc restera fractionné en de multiples parlers locaux.
La période d'équilibre classique de l'ancien français se situe aux XIIe et XIIIe siècles.
Source : Gérald ANTOINE, Jean-Claude CHEVALIER, Loïc DEPECKER, Françoise HELGORSKY, « FRANCE (Arts et culture) - - La langue française », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 8 août 2013. URL : http://www.universalis-edu.com/encyclop ... francaise/
Cependant, étant donné la complexité des éléments qui entrent en compte dans l’histoire d’une nation et l’évolution de son modèle politique et de sa structure administrative, il semble difficile d’affirmer qu’il y ait un lien de causalité aussi direct entre l’ancienneté de la France en tant que nation, et la centralisation de son Etat.
Pour aller plus loin sur le thème de la centralisation en France, vous pouvez consulter un de ces ouvrages.
Nous finirons en mentionnant que le plus vieil Etat-nation en Europe est probablement le Portugal.
Bonne journée.
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