Experience sociologique sur le genre des bébés
CIVILISATION
+ DE 2 ANS
Le 11/07/2013 à 21h31
2352 vues
Question d'origine :
Bonjour,
Je recherche des détails sur une expérience sociologique fort intéressante dont j'ai entendu parler mais dont je n'arrive pas à retrouver la référence.
Il s'agissait de faire analyser des photos de bébés pleurant à des hommes et des femmes, pour, leur disait-on, tester la différence de compréhension des expression des nouveaux nés chez l'homme ou chez la femme.
On présentait donc des photos d'enfants pleurant aux sondés qui devaient donner selon eux les causes des pleurs (faim, peur, sommeil, etc.), en demandant: "Pourquoi ce petit garçon pleure-t-il?" ou "Pourquoi cette petite fille pleure-t-elle?"
En fait, le véritable objet de l'étude était d'étudier à quel point le sexe du bébé dans la question influençait la réponse des sondés, et la même photo était présentée tantôt comme une fille ou comme un garçon.
Les résultats était tout à fait marquant, à savoir qu'on analyse que les petits garçons pleurent par faim ou par colère, et les petites filles par peur.
Merci d'avance pour vos lumières!
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 12/07/2013 à 15h03
Bonjour,
L’expérience que vous évoquez est très souvent citée, plus ou moins résumée, pour expliquer les stéréotypes liés au sexe et l’aspect culturel et social de la différence entre féminin et masculin.
« Dés la naissance, les enfants sont placés dans des univers différenciés – voix, manipulations, temps qui leur est consacré - , bien avant même qu’ils soient en mesure d’avoir des préférences. Le comportement des parents et de l’entourage met en lumière attentes et interprétations liées au genre. Par exemple, devant la même photographie d’un bébé qui crie, hommes et femmes pensent qu’il est en colère si on leur dit qu’il s’agit d’un garçon, et estiment qu’elle est effrayée si on leur dit qu’il s’agit d’une fille ».
Source : Hommes, femmes, la construction de la différence, sous la direction de Françoise Héritier.
« D’autres études mettent également en évidence des stéréotypes concernant les catégories sociales de sexe. Ainsi, Rubin et al. (1974) ont montré que lorsque des nouveau-nés sont présentés à des adultes, leur perception de l’enfant dépend du sexe annoncé par les expérimentateurs et non du comportement de l’enfant. Face au même bébé présenté tour à tour comme un garçon ou comme une fille, les personnes pensent pour le garçon qu’il est robuste, fort et bien bâti, et pour la fille qu’elle est fine, délicate et douce. Dans la même veine, Condry et Condry (1976) ont fait visionné à des étudiants sans enfants un film dans lequel on voyait un bébé de 9 mois à qui on présentait successivement 4 objets (un ours en peluche, un pantin sortant d’une boîte, une poupée et un sifflet). Les étudiants avaient pour tâche d’interpréter les comportements du bébé qui était présenté dans 50% des cas comme une fille et dans 50% des cas comme un garçon. Après la diffusion du film, on interrogeait les étudiants sur la cause des pleurs du bébé : ils considéraient que la fille pleurait parce qu’elle était effrayée tandis que le garçon était en colère, il était également vu comme actif et efficace. Ces données montrent que nous avons des représentations différentes des deux sexes, représentations qui se traduisent notamment par des nterprétations divergentes du comportement de l’enfant. L’existence de telles représentations différenciées laisse penser que les adultes adoptent sans doute également dès la naissance des attitudes différenciées à l’égard des enfants."
Source : De la construction de l’identité sexuée aux différences psychologiques selon le genre, Christelle Declercq, site de l’Académie de Reims
Voir aussi :
Le sexe, le genre et la psychologie, sous la direction de Patricia Mercader
L’élaboration socialisée de la différence des sexes, Marie-Claude Hurtig, Enfance, 1982, n° 4, qui replace l’expérience dans l’histoire de l’étude du processus de différenciation des sexes.
Comprendre les émotions, p.300 et sq.
Pour avoir tout le détail du protocole de l’expérience et de ses conclusions, il faut revenir à l’article de ses auteurs que nous n’avons trouvé qu’en anglais :
Sex differences : a study of the eye of the beholder, John Condry and Sandra Condry, Child development, n° 3, sep. 1976, que vous pouvez lire en ligne ici.
Voir aussi : Sex differences : a study of the ear of the beholder
Des chercheurs ont plus récemment repris l’expérience pour la nuancer ou la prolonger :
Gender label and perceived infant emotionality : a partial replication of a classic study, Psychological reports, volume 107, 2010.
Gender and preschoolers’perception of emotion, 2002, en ligne.
Si, plus simplement, vous vous intéressez aux représentations liées au sexe et à la construction de la différence homme femme, de nombreux ouvrages peuvent vous aider dans votre réflexion, parmi lesquels :
La construction de l’identité sexuée, Véronique Rouyer
Féminin, masculin, bébé, sous la direction de Michel Dugnat
Féminin, masculin : mythes et idéologies, sous la direction de Catherine Vidal
Hommes, femmes avons-nous le même cerveau ?, Catherine Vidal
Cerveau rose, cerveau bleu, Lise Eliot
A consulter en ligne pour d’autres références :
Cerveau féminin / cerveau masculin, point d’actu
Nature / culture, précédente question au guichet.
Pour finir, les mots-clés « socialisation sexuée enfant » dans un moteur de recherche donnent aussi de nombreux résultats intéressants.
Bonnes lectures !
L’expérience que vous évoquez est très souvent citée, plus ou moins résumée, pour expliquer les stéréotypes liés au sexe et l’aspect culturel et social de la différence entre féminin et masculin.
« Dés la naissance, les enfants sont placés dans des univers différenciés – voix, manipulations, temps qui leur est consacré - , bien avant même qu’ils soient en mesure d’avoir des préférences. Le comportement des parents et de l’entourage met en lumière attentes et interprétations liées au genre. Par exemple, devant la même photographie d’un bébé qui crie, hommes et femmes pensent qu’il est en colère si on leur dit qu’il s’agit d’un garçon, et estiment qu’elle est effrayée si on leur dit qu’il s’agit d’une fille ».
Source : Hommes, femmes, la construction de la différence, sous la direction de Françoise Héritier.
« D’autres études mettent également en évidence des stéréotypes concernant les catégories sociales de sexe. Ainsi, Rubin et al. (1974) ont montré que lorsque des nouveau-nés sont présentés à des adultes, leur perception de l’enfant dépend du sexe annoncé par les expérimentateurs et non du comportement de l’enfant. Face au même bébé présenté tour à tour comme un garçon ou comme une fille, les personnes pensent pour le garçon qu’il est robuste, fort et bien bâti, et pour la fille qu’elle est fine, délicate et douce. Dans la même veine, Condry et Condry (1976) ont fait visionné à des étudiants sans enfants un film dans lequel on voyait un bébé de 9 mois à qui on présentait successivement 4 objets (un ours en peluche, un pantin sortant d’une boîte, une poupée et un sifflet). Les étudiants avaient pour tâche d’interpréter les comportements du bébé qui était présenté dans 50% des cas comme une fille et dans 50% des cas comme un garçon. Après la diffusion du film, on interrogeait les étudiants sur la cause des pleurs du bébé : ils considéraient que la fille pleurait parce qu’elle était effrayée tandis que le garçon était en colère, il était également vu comme actif et efficace. Ces données montrent que nous avons des représentations différentes des deux sexes, représentations qui se traduisent notamment par des nterprétations divergentes du comportement de l’enfant. L’existence de telles représentations différenciées laisse penser que les adultes adoptent sans doute également dès la naissance des attitudes différenciées à l’égard des enfants."
Source : De la construction de l’identité sexuée aux différences psychologiques selon le genre, Christelle Declercq, site de l’Académie de Reims
Voir aussi :
Le sexe, le genre et la psychologie, sous la direction de Patricia Mercader
L’élaboration socialisée de la différence des sexes, Marie-Claude Hurtig, Enfance, 1982, n° 4, qui replace l’expérience dans l’histoire de l’étude du processus de différenciation des sexes.
Comprendre les émotions, p.300 et sq.
Pour avoir tout le détail du protocole de l’expérience et de ses conclusions, il faut revenir à l’article de ses auteurs que nous n’avons trouvé qu’en anglais :
Sex differences : a study of the eye of the beholder, John Condry and Sandra Condry, Child development, n° 3, sep. 1976, que vous pouvez lire en ligne ici.
Voir aussi : Sex differences : a study of the ear of the beholder
Des chercheurs ont plus récemment repris l’expérience pour la nuancer ou la prolonger :
Gender label and perceived infant emotionality : a partial replication of a classic study, Psychological reports, volume 107, 2010.
Gender and preschoolers’perception of emotion, 2002, en ligne.
Si, plus simplement, vous vous intéressez aux représentations liées au sexe et à la construction de la différence homme femme, de nombreux ouvrages peuvent vous aider dans votre réflexion, parmi lesquels :
La construction de l’identité sexuée, Véronique Rouyer
Féminin, masculin, bébé, sous la direction de Michel Dugnat
Féminin, masculin : mythes et idéologies, sous la direction de Catherine Vidal
Hommes, femmes avons-nous le même cerveau ?, Catherine Vidal
Cerveau rose, cerveau bleu, Lise Eliot
A consulter en ligne pour d’autres références :
Cerveau féminin / cerveau masculin, point d’actu
Nature / culture, précédente question au guichet.
Pour finir, les mots-clés « socialisation sexuée enfant » dans un moteur de recherche donnent aussi de nombreux résultats intéressants.
Bonnes lectures !
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