Question d'origine :
je veux avoir des informations sur l'évolution de la prostitution de 1950 à nos jours dans la ville de bamako
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 16/03/2005 à 16h32
Nous ne pouvons vous répondre que plus généralement sur la prostitution en Afrique :
La période que vous évoquez correspond grosso modo à celle de la décolonisation. Le Mali (ancien Soudan français) accède à l’indépendance en 1959. Sur la période de la colonisation vous pouvez vous référer à l’ouvrage de Christelle Taraud : La prostitution coloniale : Algérie, Tunisie, Maroc (1830-1962) (même s’il ne porte pas précisément sur le Mali mais plutôt sur les pays du Maghreb.)
Dans Les Africaines : Histoire des femmes d’Afrique noire du XIX° au XX° siècle , C Coquery-Vidrovitch propose un chapitre entier intitulé : La prostitution : de la femme libre au sida.
En voici quelques extraits significatifs pour votre information.
La prostitution stricto sensu a existé dès le début de la colonisation (sinon auparavant). Elle a été importante dans certains endroits, sur les chantiers ferroviaires ou les compounds miniers par exemple, et partout où se trouvait rassemblée une majorité de jeunes travailleurs adultes mâles. Mais elle ne fut pas, jusqu’à une période très récente, l’occupation dominante de beaucoup de citadines. Sauf en Afrique australe, c’est seulement de puis quelques années que la prostitution s’est « modernisée », c’est à dire occidentalisée, avec l’apparition de proxénètes, l’aménagement de réseaux organisés et une stratégie de survie pour une majorité de familles réduites à la misère.
Ce qui est frappant, c’est précisément l’absence de proxénétisme. La prostitution relevait surtout de l’initiative individuelle de jeunes femmes travaillant pour leur propre compte. On a pu les considérer comme des sortes d’ « entrepreneurs individuels » d’un petit capitalisme marchand où elles vendaient elles-mêmes leurs services. Ceux-ci incluaient, certes, le sexe, mais également toute une série d’autres tâches ménagères, comme de préparer des repas ou surtout servir à boire à partir de leurs propres activités de brasseuses de bière clandestines ; elles assuraient aussi le lavage, le repassage, les loisirs et la détente de clients dont les ressources étaient insuffisantes pour se payer des services domestiques réguliers. […]
En Afrique tropicale, une variante bien particulière fut introduite pas les européens dès leur arrivée : il faudrait plutôt les appeler « femmes entretenues » encore que, dans le cas des signares du Sénégal ou des dames métisses de Luanda, ces maîtresses femmes, aux affaires parfois prospères de traites négrières, tenaient plutôt lieu, pour les hommes d’affaires blancs, d’associées indispensables et parfois redoutables. Le terme de « femme entretenue » convient mieux aux compagnes choisies par le personnel colonial masculin des premiers temps de la conquête : militaires marins, ou administrateurs qui résidaient plusieurs années sur place, à une époque où les épouses européennes ne venaient guère ne Afrique. On comprend dès lors la vogue des « ménagères » d’Afrique équatoriale, et des moussos du Soudan français (Mali actuel). « Prendre mousso », c’est à dire prendre une femme indigène, était une pratique admise et même recommandée par les médecins militaires qui y voyaient une assurance de sécurité sanitaire…. […]
Il ne faut néanmoins pas trop enjoliver une prostitution africaine libérée, plus « décontractée » en somme que l’occidentale. Dans une société où le mariage demeure la seule condition reconnue pour une femme, la « femme libre » est sujette à toues les avanies ; l’homme qui la prend pour concubine n’a pas de respect pour elle puisqu’il n’a pas payé la compensation exigée par la coutume : à proprement parler elle ne vaut rien. Dans beaucoup de sociétés elle n’est plus épousable. . En outre, dès qu’elle est engrossée, elle perd son gagne pain car, comme on dit au Zaïre, « ici on ne monte pas sur l’enceinte d’une autre. » La femme perd le respect d’elle-même et devient « comme un jardin sans clôture […], une madame deuxième main.
La prostitution comporte les aspects sordides habituels, caractéristiques de commerce du sexe dans les lieux ou se concentrent des travailleurs jeunes et isolés. […]
« Le proxénétisme est un phénomène nouveau apparu seulement ces dernières années. La « femme libre » l’est de mois en moins, au fur et à mesure que la prostitution prend de l’ampleur dans les mégalopoles d’aujourd’hui. A la différence de l’occident, jusqu’à une date très récente, la quasi totalité des filières restaient contrôlées par des femmes, les « mamies » du Ghana ou les « matrones » d’Abidjan. Elles utilisaient le réseau de leur parentèle rurale pour recruter des filles de la campagne souvent séduite par les mirages de la grande ville. C’est une nouvelle forme de traite des esclaves qui s’est ainsi mise en place ; des parents dans des zones misérables éloignées, au Nigéria, au Ghana, au Burkina Faso, ou même dans le nord de la Côte d’Ivoire, vendent leurs filles à l’occasion de mariages prétendus ou simulés, ils ne sont pas top exigeants dès lors que la « compensation matrimoniale » est versée. Les « fiancés » et « maris » ne sont rien d’autre qu’une armada de « neveux », jeunes chômeurs et délinquants des grandes villes chargés de repérer et transporter leur marchandise humaine jusqu’aux hôtels bordels ^ù elle vont être mises au travail. On est bien loin de la « femme libre » de naguère. L’insécurité croissante des villes métropoles a favorisé l’apparition récente de proxénètes africains, alors que jusqu’il y a peu, il s’agissaient essentiellement de Blancs.
Ce vaste commerce est désormais sur une voie tragique : vers 1990, 80% au moins des prostituées de Nairobi étaient séro-positives. Il est probable qu’aujourd’hui presque toutes sont contaminées par le virus du sida, de même sans doute qu’à Kinshasa, Douala, Abidjan ou ailleurs. Non seulement ces femmes en meurent mais au préalable, elles tombent dans la misère faute de gagne-pain.
Ces pistes que vous donne C Coquery-Vidrovitch peuvent être approfondies :
Par la lecture de l’ouvrage : La prostitution en Afrique : l’exemple de Yaoundé
Par la lecture d’un article de L’Express :Les Africaines apprennent à se passer des hommes
Par la lecture d’un article de C Coquery-Vidrovitch intitulé Femmes africaines : histoire et développement.
Vous trouverez aussi sur le site de la revue CLIO un numéro sur les Femmes d’Afrique.
En ce qui concerne le Mali et Bamako précisément, peut-être pouvez-vous prendre contact avec C Coquery- Vidrovitch au SEDT de Paris 7 ou avec des associations de femmes groupes participants de la Marche mondiale Mali
En ce qui concerne Bamako précisément, vous trouverez pour la période actuelle un document sur le site du DISTRICT DE BAMAKO. P58 et 59
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