Question d'origine :
Bonjour.
Je suis étudiant en sociologie.
Au début des années 1990s, le ministre francais des armées (Chevenement) a voulu favoriser les soldats beurs.
Savez vous si il y eu des oppositions à ces nouveaux réglements? D'ailleurs, sont-ils toujours en vigueur?
Merci.
Réponse du Guichet
gds_db
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 18/03/2013 à 12h03
Bonjour,
Voici tout d'abord quelques extraits d'un article de Karim Bourtel intitulé Les jeunes Français d'origine maghrébine poussent à la porte (Manière de voir, no. 126 L'armée dans ses tous états, samedi 1 décembre 2012, p. 74) :
En 1990, le colonel Yves Biville, chef du Centre d'études sur la sélection du personnel de l'armée de terre (Cespat), remettait au ministre de la défense de l'époque, M. Jean-Pierre Chevènement, un rapport sur les «beurs» et le service national (1). Ses conclusions sont accablantes. Les «jeunes Français d'origine maghrébine» (JFOM), selon l'expression du rapport, restent confinés dans des postes subalternes. Pour eux, «pas de permis de conduire, pas d'insertion professionnelle, pas de promotion». Leur religion n'est pas suffisamment prise en compte, pas plus que les prescriptions alimentaires qui en découlent (2). Par défiance, «les JFOM commettent trois fois et demi plus de désertions, six fois plus de refus d'obéissance, six fois plus d'outrages à supérieurs et huit fois plus d'insoumission».
Le ministère de la défense adopte alors plusieurs mesures pour différer l'âge d'appel de ces jeunes, les réformer (un quart seulement accomplissent à l'époque leurs obligations militaires), et disperser les autres dans les unités. L'épisode des «beurs au service» tombe dans les oubliettes comme bon nombre des recommandations (cinquante-deux au total) du rapport, censées faciliter leur intégration dans l'armée .
Depuis la publication de ce document, les multiples instances politiques et militaires chargées d'accompagner la professionnalisation, décrétée en 1996, ont produit un important matériel de réflexion sur les liens entre l'institution, la jeunesse et la nation, mais peu de travaux sur l'identité de cette jeunesse, hormis l'enquête sur les militaires français issus de l'immigration réalisée en 2004, pour le compte du ministère de la défense, par Christophe Bertossi et Catherine Wihtol de Wenden (3).L'armée, à l'image de la République, répugne au traitement différencié de ses troupes : elle se veut, «par ses traditions et ses structures, un univers favorable à l'intégration des jeunes Français d'origine maghrébine (4)», comme il fut répondu, en 1996, à l'actuel maire de Paris et alors sénateur, M. Bertrand Delanoë, qui s'inquiétait des suites données au rapport Biville. [...]
Chaque corps de l'armée a développé sa propre stratégie à l'égard des jeunes les moins favorisés, parmi lesquels on compte nombre de beurs. La marine dispose en particulier d'un contrat court pour des fonctions peu spécialisées qui attire beaucoup de candidats en provenance des «quartiers». L'armée de l'air propose, quant à elle, un contrat de militaire technicien de l'air (MTA) d'une durée de trois ans renouvelable et la possibilité pour un petit nombre de devenir sous-officiers - les plus cyniques ont décliné MTA en «Marocain, Tunisien, Algérien».
Avec la professionnalisation, l'armée a abandonné son rôle de creuset de la nation. Quant aux jeunes, ils n'ont plus de contact avec l'institution, si ce n'est lors de la journée défense et citoyenneté (JDC).
[...]
En France, la question des «jeunes issus de l'immigration», politisée à l'extrême, se trouve prise en étau entre l'urgence du débat et la crispation du législateur face à la question des discriminations raciales. Dans ces conditions et par ses traditions, comment l'armée prendrait-elle les devants ? L'initiative de M. Chevènement, qui demandait aux préfets, en 1999, «de diversifier les recrutements et de permettre l'accueil au sein des services de police des jeunes issus de l'immigration (13)», peut-elle servir de modèle ?
Cette entreprise suscite encore de nombreuses réserves, que résument les sociologues Véronique De Rudder, Christian Poiret et François Vourc'h, de l'unité de recherche migrations et sociétés (Urmis) du CNRS, dans leur ouvrage L'Inégalité raciste.
La BML conserve cet ouvrage : L'inégalité raciste : l'universalité républicaine à l'épreuve / Véronique De Rudder, Christian Poiret, François Vourc'h
Voir aussi cet article :
En 1990, du temps du service national, le colonel Biville, chef du centre d'études sur la sélection du personnel de l'armée de terre, aujourd'hui général en retraite, avait rédigé un rapport concernant les appelés. Ce rapport était intitulé " Armée et populations à problème d'intégration : le cas des jeunes Français d'origine maghrébine ".
Ce travail, " qualitatif " et non statistique, s'appuyait sur près de 600 entretiens et des constats ponctuels sur la double culture, la revendication identitaire, la marginalisation. " A certains moments ou endroits, des écarts peuvent se produire, comme dans toute communauté humaine ", précise aujourd'hui M. Biville.Le rapport s'achevait par une cinquantaine de propositions d'amélioration : " La majorité ont été reprises par le ministre de la défense de l'époque, Jean-Pierre Chevènement. Des directives ont été adressées aux trois armées et à la gendarmerie. Le problème a été pris à bras-le-corps. Des progrès ont été faits. "
L'armée a beaucoup évolué, confirme le colonel Nicaise , chef du 35e régiment d'artillerie parachutiste. " Sur 136 000 militaires dans l'armée de terre [63 000 dans l'armée de l'air, 44 000 dans la marine, 97 000 dans la gendarmerie], on ne peut exclure les brimades. On y est particulièrement vigilant. Les garde-fous sont nombreux. Le devoir du militaire est de rendre compte. Les sanctions les plus sévères sont appliquées. "
source : BEURS POUR LA FRANCE : Ils sont français d'origine maghrébine, immigrés de la deuxième génération. Ils ont voulu " s'en sortir " et ils ont choisi l'armée. L'intégration sous l'uniforme / Marion Van Renterghem - Le Monde, samedi 13 décembre 2003, p. 14
Un article assez corrosif a été écrit en 1991 contre ces directives : "Beur ou ordinaire" par Jean-Pierre Steinhofer pour le mensuel du ministère de la Défense « Armées d’Aujourd’hui». L'auteur y dénonce le caractère discriminatoire de la politique nouvellement mise en place dans l’armée pour privilégier les appelés beurs pour la promotion dans les grades supérieurs d’appelés du contingent (caporal, caporal-chef et sergent) et pour l’attribution des permis de conduire.
source : Wikipedia Discrimination positive, Beur, Jean-Pierre Steinhofer.
Nous conservons cette revue à la Bibliothèque municipale de Lyon : Armées d'aujourd'hui. Vous pouvez venir la consulter sur place.
Il s'agit du numéro 163 de septembre 1991. L'article se situe dans le cahier central "Libres réflexions sur la défense".
A consulter également :
- France que fais-tu de ta République ? Par Tidiane Diakite, pages 178-179.
Voici tout d'abord quelques extraits d'un article de Karim Bourtel intitulé Les jeunes Français d'origine maghrébine poussent à la porte (Manière de voir, no. 126 L'armée dans ses tous états, samedi 1 décembre 2012, p. 74) :
En 1990, le colonel Yves Biville, chef du Centre d'études sur la sélection du personnel de l'armée de terre (Cespat), remettait au ministre de la défense de l'époque, M. Jean-Pierre Chevènement, un rapport sur les «beurs» et le service national (1). Ses conclusions sont accablantes. Les «jeunes Français d'origine maghrébine» (JFOM), selon l'expression du rapport, restent confinés dans des postes subalternes. Pour eux, «pas de permis de conduire, pas d'insertion professionnelle, pas de promotion». Leur religion n'est pas suffisamment prise en compte, pas plus que les prescriptions alimentaires qui en découlent (2). Par défiance, «les JFOM commettent trois fois et demi plus de désertions, six fois plus de refus d'obéissance, six fois plus d'outrages à supérieurs et huit fois plus d'insoumission».
Le ministère de la défense adopte alors plusieurs mesures pour différer l'âge d'appel de ces jeunes, les réformer (un quart seulement accomplissent à l'époque leurs obligations militaires), et disperser les autres dans les unités.
Depuis la publication de ce document, les multiples instances politiques et militaires chargées d'accompagner la professionnalisation, décrétée en 1996, ont produit un important matériel de réflexion sur les liens entre l'institution, la jeunesse et la nation, mais peu de travaux sur l'identité de cette jeunesse, hormis l'enquête sur les militaires français issus de l'immigration réalisée en 2004, pour le compte du ministère de la défense, par Christophe Bertossi et Catherine Wihtol de Wenden (3).
Chaque corps de l'armée a développé sa propre stratégie à l'égard des jeunes les moins favorisés, parmi lesquels on compte nombre de beurs. La marine dispose en particulier d'un contrat court pour des fonctions peu spécialisées qui attire beaucoup de candidats en provenance des «quartiers». L'armée de l'air propose, quant à elle, un contrat de militaire technicien de l'air (MTA) d'une durée de trois ans renouvelable et la possibilité pour un petit nombre de devenir sous-officiers - les plus cyniques ont décliné MTA en «Marocain, Tunisien, Algérien».
Avec la professionnalisation, l'armée a abandonné son rôle de creuset de la nation. Quant aux jeunes, ils n'ont plus de contact avec l'institution, si ce n'est lors de la journée défense et citoyenneté (JDC).
[...]
En France, la question des «jeunes issus de l'immigration», politisée à l'extrême, se trouve prise en étau entre l'urgence du débat et la crispation du législateur face à la question des discriminations raciales. Dans ces conditions et par ses traditions, comment l'armée prendrait-elle les devants ? L'initiative de M. Chevènement, qui demandait aux préfets, en 1999, «de diversifier les recrutements et de permettre l'accueil au sein des services de police des jeunes issus de l'immigration (13)», peut-elle servir de modèle ?
Cette entreprise suscite encore de nombreuses réserves, que résument les sociologues Véronique De Rudder, Christian Poiret et François Vourc'h, de l'unité de recherche migrations et sociétés (Urmis) du CNRS, dans leur ouvrage L'Inégalité raciste.
La BML conserve cet ouvrage : L'inégalité raciste : l'universalité républicaine à l'épreuve / Véronique De Rudder, Christian Poiret, François Vourc'h
Voir aussi cet article :
En 1990, du temps du service national, le colonel Biville, chef du centre d'études sur la sélection du personnel de l'armée de terre, aujourd'hui général en retraite, avait rédigé un rapport concernant les appelés. Ce rapport était intitulé " Armée et populations à problème d'intégration : le cas des jeunes Français d'origine maghrébine ".
Ce travail, " qualitatif " et non statistique, s'appuyait sur près de 600 entretiens et des constats ponctuels sur la double culture, la revendication identitaire, la marginalisation. " A certains moments ou endroits, des écarts peuvent se produire, comme dans toute communauté humaine ", précise aujourd'hui M. Biville.
L'armée a beaucoup évolué, confirme le colonel Nicaise
Un article assez corrosif a été écrit en 1991 contre ces directives : "Beur ou ordinaire" par Jean-Pierre Steinhofer pour le mensuel du ministère de la Défense « Armées d’Aujourd’hui». L'auteur y dénonce le caractère discriminatoire de la politique nouvellement mise en place dans l’armée pour privilégier les appelés beurs pour la promotion dans les grades supérieurs d’appelés du contingent (caporal, caporal-chef et sergent) et pour l’attribution des permis de conduire.
source : Wikipedia Discrimination positive, Beur, Jean-Pierre Steinhofer.
Nous conservons cette revue à la Bibliothèque municipale de Lyon : Armées d'aujourd'hui. Vous pouvez venir la consulter sur place.
Il s'agit du numéro 163 de septembre 1991. L'article se situe dans le cahier central "Libres réflexions sur la défense".
A consulter également :
- France que fais-tu de ta République ? Par Tidiane Diakite, pages 178-179.
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