Question d'origine :
Bonjour,
Je cherche à établir une définition de ce qu'est le milieu rural, dans le cadre de mon mémoire d'études "Les bibliothèques 3ème lieu en milieu rural". Je ne sais pas où regarder, quelles sources utiliser. Je me doute qu'il n'existe pas LA Définition d'une telle expression, mais je n'arrive pas à recouper les données afin d'en tirer une.
Je vous remercie d'avance !
Aurore D.
Réponse du Guichet
gds_ah
- Département : Équipe du Guichet du Savoir
Le 07/03/2013 à 14h51
Bonjour,
Nous vous proposons en premier lieu une définition disponible sur un site belge qui reprend une définition de l'OCDE :
Le milieu rural englobe l'ensemble de la population, du territoire et des autres ressources des campagnes, c'est-à-dire des zones situées en dehors des grands centres urbanisés (Source : OCDE et Conseil de l'Europe).
Le milieu rural constitue le lieu de production d'une grande partie des denrées et des matières premières. Essentiellement agricole et sylvicole antérieurement, il est en voie de transformation et assure de plus en plus des fonctions de détente, de loisirs, de dépaysement et de vie alternative, notamment pour les habitants des grands centres urbains.
Sa spécificité se situe dans une diversité d'attitudes, de traditions socio-culturelles, de liens avec la nature et de caractéristiques économiques et environnementales dont l'origine est principalement basée sur l'agriculture et la sylviculture. Cette spécificité lui procure son attractivité et doit donc être préservée, tout en assurant une réponse adéquate et durable à nos besoins.
Au sens du Code wallon de l'Aménagement du Territoire, le milieu rural comprend la partie du territoire qui englobe la zone agricole, la zone forestière, la zone d'espace vert, ou de parcs. Pour rencontrer l'acception générale du concept de milieu rural, Il faudrait y inclure également une part non négligeable de zones bâties imbriquées dans ces zones, ainsi que d'autres éléments liés ou non à l'exploitation agricole ou sylvicole.
De ces éléments on peut tirer la conclusion que pratiquement toutes les Communes de la Région wallonne présentent au moins une parcelle de leur territoire qui ressortit à la zone rurale. »
Par ailleurs, pour comprendre l’expression « milieu urbain », il faut en fait reprendre l’histoire du concept de « milieu » largement utilisé par diverses disciplines scientifiques.
Nous vous proposons notamment la lecture de la définition disponible dans l’ouvrage Notions / Encyclopaedia universalis (Paris, Universalis, 2004 )
MILIEU
Écologie
L'imprécision du terme « milieu » est telle que différentes disciplines scientifiques ont pu s'en emparer en lui donnant des acceptions différentes. Les mathématiciens, notamment les spécialistes de la géométrie, l'utilisent dans son sens originel, logique : le milieu (mi-lieu) est un lieu ou un point placé a égale distance des extrémités d'une ligne ou, plus généralement, situé au centre d'une figure géométrique. C'est dans ce sens qu'il est le plus employé dans la vie courante. La Chine ancienne lui a donne ses lettres de noblesse puisque ce pays était autrefois désigné sous le nom d'« Empire du Milieu » (c'est-à-dire du centre du monde). Cette acception conduit à parler du milieu de la France, du milieu d'une vie, d'une journée... En sciences humaines et sociales, le terme change du tout au tout : il ne renvoie plus à ce qui est central mais à ce qui entoure l'homme. Il correspond alors à la sphère intellectuelle, morale et sociale dans laquelle vit l'individu et dont il subit l'influence ou dont il est issu.
Du biotope à l'écosystème
Ce transfert de signification explique sans doute en partie le succès rencontré par ce mot et sa récupération par les naturalistes. L'un des tout premiers à l'avoir utilisé est Claude Bernard qui précisait (1878) : « II y a pour l'animal deux milieux : un milieu extérieur dans lequel est placé l'organisme, et un milieu intérieur dans lequel vivent les éléments des tissus. » C'est ce milieu extérieur qui va intéresser les écologues. D'ailleurs, François Bourlière, en 1965 (in Péter Farb, L'Écologie), définit l'écologie comme « la science des relations des êtres vivants avec leur milieu ». Cesare Sacchi va encore plus loin en considérant, en 1985 que «l'organisme et son milieu constituent le binôme fondamental de l’écologie » Et il poursuit : « dans cette discipline, on entend par milieu la partie du monde avec laquelle un organisme vivant est en contact : c'est donc celle qui en détermine les réactions, les adaptations physiologiques et parfois même morphologiques, celles qui est, en retour, modifiée, transformée, façonnée par ce contact avec le vivant ». Sacchi reconnaît toutefois que si cette définition permet de préciser assez facilement les caractères du milieu qui englobe les êtres « fixés » comme les plantes et certains animaux (les coraux, les balanes, par exemple), il sera plus délicat de cerner les contours du milieu pour les espèces se déplaçant. En ajoutant : « on aura ainsi, non sans difficulté, délimité l'environnement d’un organisme ». Sacchi ouvre ainsi la porte à une équivalence déjà soulignée par Georges Lemée (Précis d'écologie végétale, 1978) et reprise par lean Touttet, (Dictionnaire essentiel d'écologie, 1982) : le terme d'environnement, adoption en français d'un mot en usage chez les écologues anglo-saxons, se substitue à alors à celui de milieu.
Pour un écologue, le milieu dans lequel vit un organisme comprend à la fois des éléments non vivants (le substrat minéral, l'air, l'eau, le rayonnement solaire...) et des éléments vivants (microbes, champignons, plantes et animaux de diverses espèces dont l'homme). On appelle facteur l'action d'un ou plusieurs éléments du milieu sur les organismes. Les facteurs sont dits biotiques lorsqu'ils désignent la partie non vivante d'un écosystème. Au départ, ces facteurs physico-chimiques du milieu (ou de l'environnement), conditionnant l'existence d’une population déterminée, étaient considérés comme constituant un biotope ou un habitat (Pierre Duvigneaud, La Synthèse écologique, 1974 ; Jacques Blondel, Biogéographie et écologie, 1979). Par la suite, les facteurs biotiques ont été intégrés dans la définition de l'habitat qu'on ne peut donc plus confondre avec celle du biotope (François Ramade, Dictionnaire encyclopédique de l'écologie et des sciences de l’environnement, 1993). Ce qui a conduit cet auteur à écrire que « l'habitat correspond de façon plus précise au lieu où vit l'espèce et à son environnement immédiat à la fois biotique et abiotique ». Avec la promulgation de la directive européenne du 21 mai 1992, dite directive Habitats, ce terme est défini par rapport non plus à une seule espèce mais à l'ensemble des organismes (biocénose) vivant dans un environnement physico-chimique (biotope) déterminé. Globalement, le milieu au sens large, considéré comme habitat, devient alors synonyme d'écosystème au sens statique du terme (biotope + biocénose = écosystème), avec, comme paradoxe le fait que l'application de la directive Habitats - qui a engendré cette confusion entre milieu, habitat et écosystème - conduit à définir ces systèmes complexes uniquement sur la base d'associations végétales caractéristiques.
La nouvelle vie du terme milieu ?
Ses différents sens et la confusion qui en résulte font que, paradoxalement, le terme milieu, d'origine scientifique, est peut-être plus usité dans le langage courant qu'il ne l'est désormais dans le domaine de la recherche. Il semble actuellement de plus en plus réservé à la désignation de la matière ou d'un élément dominant de l'environnement, ce qui contraint à l'associer à un adjectif. On parle ainsi de milieux polaire, désertique, forestier, marin etc.
Actuellement, les écologues, les protecteurs de la nature et les administrations ou organismes ayant en charge « l'environnement » utilisent la dénomination de milieux naturels pour caractériser des espaces peu modifiées par l'homme où dominent des espèces « sauvages » et « spontanées ». Si l'on considère que l'avenir et l'existence même de 1’humanité sont Indissociables de son milieu naturel, le terme milieu, associé à celui de naturel prend une autre acception : celle d'une nature non plus vierge et indépendante de tout contact humain, mais profondément modifiée et transformée par l’homme. Ce sens avait été évoqué dès 1922 par Lucien Febvre : « pour agir sur le milieu, l'homme ne se place pas en dehors du milieu ». Ce qui n'est pas éloigné de la définition actuelle de l'environnement - tout ce qui entoure l'homme - et qui a conduit certains écologues à proposer le terme « anthroposystème » pour remplacer celui d'écosystème. Les mots évoluent et changent de sens. Laissons-les vivre avec toutefois une nuance : la nécessité, comme dans la confusion milieu-habitat-écosystème, de savoir retrouver à temps... un juste milieu. Jean-Claude LEFEUVRE
Géographie
L'usage en géographie du terme milieu, dont l'étymologie n'aide guère à préciser le sens, est banalisé au sens des « conditions extérieures » qui détermineraient les relations entre l’homme, la société la nature. Bien souvent, seule l'association d'un adjectif qualificatif autorise sa définition : le milieu est naturel ou urbain, par exemple. Le milieu est dit « naturel » lorsque prédominent des éléments façonnés par des processus naturels d'ordre climatique, hydrique géologique, biologique. À l'opposé, les milieux humanisés sont caractérisés par l'omniprésence d’artefacts adaptés (le champ ou la plantation) ou construits (immeubles ou aéroports). On s'accorde généralement sur le fait que hormis quelques espaces parfaitement circonscrits (Antarctique ou déserts hyper-arides par exemple), il n'existe plus de milieux qui soient parfaitement naturels. Dans la tradition naturaliste, le milieu se réduit à une dimension d'échelle de l'analyse géo-écologique. Il est l’unité élémentaire, association d'un biotope et d'une biocénose, c'est-à-dire un écosystème. A la fin du XIXe siècle, le roman naturaliste révèle 1’utilité sociale de la notion, que la sociologie va explorer pour investir les domaines du travail, de la famille, de la ville, de l'école ou des institutions. Les travaux de l'école de Chicago (écologie urbaine) témoignent de ce transfert de sens vers la société urbaine vue comme « milieu », société que l'individu se doit d'intégrer pour fonder sa place et qu'il est à même de modifier. Le « milieu » a marqué la pensée géographique et sa mise en pratique. Il incarne d'abord le paradigme de l'École française de géographie. Paul Vidai de la Blache (1845-1918) le situait comme intermédiaire entre l'homme et la nature. Portée par une volonté d'expliquer le monde après l'avoir longtemps décrit, la géographie interroge les interactions entre l'homme et le milieu et procède à la différenciation des espaces à la surface de la Terre. Très vite, la notion va témoigner de la diversité des formes de l'établissement humain. Dans les années 1940, l'expression « milieu géographique » assure l'ancrage disciplinaire de la notion. Dès lors, les éléments de définition proposés signalent les efforts continus consentis par la géographie pour rejoindre les sciences sociales : nature et culture sont convoquées pour forger une acception renouvelée, intégrant la polysémie de la notion. Mais, refusée par la géographie moderne qui la juge dépassée et non scientifique, la notion de milieu va décliner à partir des années 1960. Dans le même temps, l'essor de l'urbanisation, l'industrialisation grandissante et la prise de conscience des conséquences dommageables de certaines activités humaines font prévaloir les enjeux de préservation, de protection et de mise en valeur. Le développement durable devient progressivement le mot d'ordre. Ne rendant plus suffisamment compte de cette nouvelle situation, la notion de milieu est délaissée au profit de celle d'« environnement », d'inspiration anglo-saxonne. En 1988, dans le Dictionnaire de l'urbanisme et de l'aménagement, Françoise Choay et Pierre Merlin mentionnent le « milieu », mais renvoient à l'article « Environnement » pour sa définition. Encore qu'en matière d’ aménagement on ne doive pas méconnaître le milieu car celui-ci constitue une réalité bien plus tangible que l'environnement, dont il apparaît comme la version objectivée et a posteriori.
En effet, face aux grandes questions environnementales et dans la perspective d'une altération directe du milieu naturel, tout aménagement gagne à interroger préalablement le milieu. C'est ce que font Vincent Berdoulay et Olivier Soubeyran , L'Écologie urbaine et l'urbanisme. Aux fondements des enjeux actuels, 2002) qui voient dans le milieu un principe d'organisation des territoires. Face à ces enjeux, ranimant la polysémie quelque peu embarrassante de la notion, on se doit d'évoquer des approches nouvelles qui ne réduiraient pas le milieu à l'une ou l'autre de ses dimensions. Une première définition situe le milieu dans le champ des représentations sociales. Il n'a donc aucune réalité hors de l'idée que l'on s'en fait. Saisis par les représentations, les attributs naturels d'un lieu participent alors du milieu. Celui-ci, quelles qu'en soient ses composantes, trouve son sens dans la société. Une seconde attitude pose le milieu comme relation intrinsèque de l'homme à la nature. Principe scientifique, il devient donc explicatif de l'action humaine. Dès lors que le milieu est appréhendé comme une réalité complexe ne pouvant se réduire à une acception unique hors de cette interprétation, Augustin Berque {Médiance : de milieux en paysages, 1990) préconise de fonder une véritable science des milieux, la mésologie, pour fournir une clef de lecture des rapports de l'homme et de la société à la nature.
Jean-Charles FILLERON et Laurent VIALA
A lire aussi, la définition disponible dans le dictionnaire des sciences humaines / Sylvie Mesure et Patrick Savidan (PUF)
Nous vous proposons en premier lieu une définition disponible sur un site belge qui reprend une définition de l'OCDE :
Le milieu rural englobe l'ensemble de la population, du territoire et des autres ressources des campagnes, c'est-à-dire des zones situées en dehors des grands centres urbanisés (Source : OCDE et Conseil de l'Europe).
Le milieu rural constitue le lieu de production d'une grande partie des denrées et des matières premières. Essentiellement agricole et sylvicole antérieurement, il est en voie de transformation et assure de plus en plus des fonctions de détente, de loisirs, de dépaysement et de vie alternative, notamment pour les habitants des grands centres urbains.
Sa spécificité se situe dans une diversité d'attitudes, de traditions socio-culturelles, de liens avec la nature et de caractéristiques économiques et environnementales dont l'origine est principalement basée sur l'agriculture et la sylviculture. Cette spécificité lui procure son attractivité et doit donc être préservée, tout en assurant une réponse adéquate et durable à nos besoins.
Au sens du Code wallon de l'Aménagement du Territoire, le milieu rural comprend la partie du territoire qui englobe la zone agricole, la zone forestière, la zone d'espace vert, ou de parcs. Pour rencontrer l'acception générale du concept de milieu rural, Il faudrait y inclure également une part non négligeable de zones bâties imbriquées dans ces zones, ainsi que d'autres éléments liés ou non à l'exploitation agricole ou sylvicole.
De ces éléments on peut tirer la conclusion que pratiquement toutes les Communes de la Région wallonne présentent au moins une parcelle de leur territoire qui ressortit à la zone rurale. »
Par ailleurs, pour comprendre l’expression « milieu urbain », il faut en fait reprendre l’histoire du concept de « milieu » largement utilisé par diverses disciplines scientifiques.
Nous vous proposons notamment la lecture de la définition disponible dans l’ouvrage Notions / Encyclopaedia universalis (Paris, Universalis, 2004 )
MILIEU
L'imprécision du terme « milieu » est telle que différentes disciplines scientifiques ont pu s'en emparer en lui donnant des acceptions différentes. Les mathématiciens, notamment les spécialistes de la géométrie, l'utilisent dans son sens originel, logique : le milieu (mi-lieu) est un lieu ou un point placé a égale distance des extrémités d'une ligne ou, plus généralement, situé au centre d'une figure géométrique. C'est dans ce sens qu'il est le plus employé dans la vie courante. La Chine ancienne lui a donne ses lettres de noblesse puisque ce pays était autrefois désigné sous le nom d'« Empire du Milieu » (c'est-à-dire du centre du monde). Cette acception conduit à parler du milieu de la France, du milieu d'une vie, d'une journée... En sciences humaines et sociales, le terme change du tout au tout : il ne renvoie plus à ce qui est central mais à ce qui entoure l'homme. Il correspond alors à la sphère intellectuelle, morale et sociale dans laquelle vit l'individu et dont il subit l'influence ou dont il est issu.
Du biotope à l'écosystème
Ce transfert de signification explique sans doute en partie le succès rencontré par ce mot et sa récupération par les naturalistes. L'un des tout premiers à l'avoir utilisé est Claude Bernard qui précisait (1878) : « II y a pour l'animal deux milieux : un milieu extérieur dans lequel est placé l'organisme, et un milieu intérieur dans lequel vivent les éléments des tissus. » C'est ce milieu extérieur qui va intéresser les écologues. D'ailleurs, François Bourlière, en 1965 (in Péter Farb, L'Écologie), définit l'écologie comme « la science des relations des êtres vivants avec leur milieu ». Cesare Sacchi va encore plus loin en considérant, en 1985 que «l'organisme et son milieu constituent le binôme fondamental de l’écologie » Et il poursuit : « dans cette discipline, on entend par milieu la partie du monde avec laquelle un organisme vivant est en contact : c'est donc celle qui en détermine les réactions, les adaptations physiologiques et parfois même morphologiques, celles qui est, en retour, modifiée, transformée, façonnée par ce contact avec le vivant ». Sacchi reconnaît toutefois que si cette définition permet de préciser assez facilement les caractères du milieu qui englobe les êtres « fixés » comme les plantes et certains animaux (les coraux, les balanes, par exemple), il sera plus délicat de cerner les contours du milieu pour les espèces se déplaçant. En ajoutant : « on aura ainsi, non sans difficulté, délimité l'environnement d’un organisme ». Sacchi ouvre ainsi la porte à une équivalence déjà soulignée par Georges Lemée (Précis d'écologie végétale, 1978) et reprise par lean Touttet, (Dictionnaire essentiel d'écologie, 1982) : le terme d'environnement, adoption en français d'un mot en usage chez les écologues anglo-saxons, se substitue à alors à celui de milieu.
Pour un écologue, le milieu dans lequel vit un organisme comprend à la fois des éléments non vivants (le substrat minéral, l'air, l'eau, le rayonnement solaire...) et des éléments vivants (microbes, champignons, plantes et animaux de diverses espèces dont l'homme). On appelle facteur l'action d'un ou plusieurs éléments du milieu sur les organismes. Les facteurs sont dits biotiques lorsqu'ils désignent la partie non vivante d'un écosystème. Au départ, ces facteurs physico-chimiques du milieu (ou de l'environnement), conditionnant l'existence d’une population déterminée, étaient considérés comme constituant un biotope ou un habitat (Pierre Duvigneaud, La Synthèse écologique, 1974 ; Jacques Blondel, Biogéographie et écologie, 1979). Par la suite, les facteurs biotiques ont été intégrés dans la définition de l'habitat qu'on ne peut donc plus confondre avec celle du biotope (François Ramade, Dictionnaire encyclopédique de l'écologie et des sciences de l’environnement, 1993). Ce qui a conduit cet auteur à écrire que « l'habitat correspond de façon plus précise au lieu où vit l'espèce et à son environnement immédiat à la fois biotique et abiotique ». Avec la promulgation de la directive européenne du 21 mai 1992, dite directive Habitats, ce terme est défini par rapport non plus à une seule espèce mais à l'ensemble des organismes (biocénose) vivant dans un environnement physico-chimique (biotope) déterminé. Globalement, le milieu au sens large, considéré comme habitat, devient alors synonyme d'écosystème au sens statique du terme (biotope + biocénose = écosystème), avec, comme paradoxe le fait que l'application de la directive Habitats - qui a engendré cette confusion entre milieu, habitat et écosystème - conduit à définir ces systèmes complexes uniquement sur la base d'associations végétales caractéristiques.
La nouvelle vie du terme milieu ?
Ses différents sens et la confusion qui en résulte font que, paradoxalement, le terme milieu, d'origine scientifique, est peut-être plus usité dans le langage courant qu'il ne l'est désormais dans le domaine de la recherche. Il semble actuellement de plus en plus réservé à la désignation de la matière ou d'un élément dominant de l'environnement, ce qui contraint à l'associer à un adjectif. On parle ainsi de milieux polaire, désertique, forestier, marin etc.
Actuellement, les écologues, les protecteurs de la nature et les administrations ou organismes ayant en charge « l'environnement » utilisent la dénomination de milieux naturels pour caractériser des espaces peu modifiées par l'homme où dominent des espèces « sauvages » et « spontanées ». Si l'on considère que l'avenir et l'existence même de 1’humanité sont Indissociables de son milieu naturel, le terme milieu, associé à celui de naturel prend une autre acception : celle d'une nature non plus vierge et indépendante de tout contact humain, mais profondément modifiée et transformée par l’homme. Ce sens avait été évoqué dès 1922 par Lucien Febvre : « pour agir sur le milieu, l'homme ne se place pas en dehors du milieu ». Ce qui n'est pas éloigné de la définition actuelle de l'environnement - tout ce qui entoure l'homme - et qui a conduit certains écologues à proposer le terme « anthroposystème » pour remplacer celui d'écosystème. Les mots évoluent et changent de sens. Laissons-les vivre avec toutefois une nuance : la nécessité, comme dans la confusion milieu-habitat-écosystème, de savoir retrouver à temps... un juste milieu. Jean-Claude LEFEUVRE
L'usage en géographie du terme milieu, dont l'étymologie n'aide guère à préciser le sens, est banalisé au sens des « conditions extérieures » qui détermineraient les relations entre l’homme, la société la nature. Bien souvent, seule l'association d'un adjectif qualificatif autorise sa définition : le milieu est naturel ou urbain, par exemple. Le milieu est dit « naturel » lorsque prédominent des éléments façonnés par des processus naturels d'ordre climatique, hydrique géologique, biologique. À l'opposé, les milieux humanisés sont caractérisés par l'omniprésence d’artefacts adaptés (le champ ou la plantation) ou construits (immeubles ou aéroports). On s'accorde généralement sur le fait que hormis quelques espaces parfaitement circonscrits (Antarctique ou déserts hyper-arides par exemple), il n'existe plus de milieux qui soient parfaitement naturels. Dans la tradition naturaliste, le milieu se réduit à une dimension d'échelle de l'analyse géo-écologique. Il est l’unité élémentaire, association d'un biotope et d'une biocénose, c'est-à-dire un écosystème. A la fin du XIXe siècle, le roman naturaliste révèle 1’utilité sociale de la notion, que la sociologie va explorer pour investir les domaines du travail, de la famille, de la ville, de l'école ou des institutions. Les travaux de l'école de Chicago (écologie urbaine) témoignent de ce transfert de sens vers la société urbaine vue comme « milieu », société que l'individu se doit d'intégrer pour fonder sa place et qu'il est à même de modifier. Le « milieu » a marqué la pensée géographique et sa mise en pratique. Il incarne d'abord le paradigme de l'École française de géographie. Paul Vidai de la Blache (1845-1918) le situait comme intermédiaire entre l'homme et la nature. Portée par une volonté d'expliquer le monde après l'avoir longtemps décrit, la géographie interroge les interactions entre l'homme et le milieu et procède à la différenciation des espaces à la surface de la Terre. Très vite, la notion va témoigner de la diversité des formes de l'établissement humain. Dans les années 1940, l'expression « milieu géographique » assure l'ancrage disciplinaire de la notion. Dès lors, les éléments de définition proposés signalent les efforts continus consentis par la géographie pour rejoindre les sciences sociales : nature et culture sont convoquées pour forger une acception renouvelée, intégrant la polysémie de la notion. Mais, refusée par la géographie moderne qui la juge dépassée et non scientifique, la notion de milieu va décliner à partir des années 1960. Dans le même temps, l'essor de l'urbanisation, l'industrialisation grandissante et la prise de conscience des conséquences dommageables de certaines activités humaines font prévaloir les enjeux de préservation, de protection et de mise en valeur. Le développement durable devient progressivement le mot d'ordre. Ne rendant plus suffisamment compte de cette nouvelle situation, la notion de milieu est délaissée au profit de celle d'« environnement », d'inspiration anglo-saxonne. En 1988, dans le Dictionnaire de l'urbanisme et de l'aménagement, Françoise Choay et Pierre Merlin mentionnent le « milieu », mais renvoient à l'article « Environnement » pour sa définition. Encore qu'en matière d’ aménagement on ne doive pas méconnaître le milieu car celui-ci constitue une réalité bien plus tangible que l'environnement, dont il apparaît comme la version objectivée et a posteriori.
En effet, face aux grandes questions environnementales et dans la perspective d'une altération directe du milieu naturel, tout aménagement gagne à interroger préalablement le milieu. C'est ce que font Vincent Berdoulay et Olivier Soubeyran , L'Écologie urbaine et l'urbanisme. Aux fondements des enjeux actuels, 2002) qui voient dans le milieu un principe d'organisation des territoires. Face à ces enjeux, ranimant la polysémie quelque peu embarrassante de la notion, on se doit d'évoquer des approches nouvelles qui ne réduiraient pas le milieu à l'une ou l'autre de ses dimensions. Une première définition situe le milieu dans le champ des représentations sociales. Il n'a donc aucune réalité hors de l'idée que l'on s'en fait. Saisis par les représentations, les attributs naturels d'un lieu participent alors du milieu. Celui-ci, quelles qu'en soient ses composantes, trouve son sens dans la société. Une seconde attitude pose le milieu comme relation intrinsèque de l'homme à la nature. Principe scientifique, il devient donc explicatif de l'action humaine. Dès lors que le milieu est appréhendé comme une réalité complexe ne pouvant se réduire à une acception unique hors de cette interprétation, Augustin Berque {Médiance : de milieux en paysages, 1990) préconise de fonder une véritable science des milieux, la mésologie, pour fournir une clef de lecture des rapports de l'homme et de la société à la nature.
Jean-Charles FILLERON et Laurent VIALA
A lire aussi, la définition disponible dans le dictionnaire des sciences humaines / Sylvie Mesure et Patrick Savidan (PUF)
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