Question d'origine :
Hitler était-il de droite ?
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 26/01/2013 à 13h28
En répondant à la question , "Hitler était-il de droite?", nous ne sommes pas dans un débat d’opinion contrairement à ce que pourrait laisser penser les différents forums qui discutent de cette question sur le net.
Le nazisme , ainsi que le personnage d’Hitler, ont été étudiés par les historiens . Vous pouvez trouver de nombreux ouvrages qui vous permettront de connaître le travail de ces historiens notamment les biographies de Ian Keshaw : Le mythe Hitler : image et réalité sous le IIIe Reich ; Hitler.T 01. 1889-1936 : Hubris ; Hitler. T02 . 1936-1945 : Némésis de Ian Kershaw ; traduit de l'anglais par Pierre-Emmanuel Dauzat
Sur la période du III° Reich , à noter aussi :
Hitler, l’irrésistible ascension, essais sur le fascime, de Kurt, Gosweiller
1933 , Hitler prend le pouvoir , de Goerges Goriely.
Mais par rapport à la question précise que vous nous posez, plus facile d’accès est, sans doute, le numéro de la
Le nazisme, une idéologie en actes , écrit pas un historien spécialiste de l’Allemagne et de cette période notamment : Johan Chapoutot.
Nous retenons d’abord
"Le national-socialisme se veut une philosophie politique alternative au communisme, au socialisme, au libéralisme, au catholicisme politique. Il défend une conception holistique du groupe humain, où l’individu est soumis à la totalité. A l’extérieur il est ouvertement impérialiste. Enfin, son racisme est déterminant à l’intérieur (la « nation » est une communauté biologique homogène) comme à l’extérieur ( la race nordique doit combattre et détruire ces ennemis biologiques – les juifs- et conquérir son espace vital.) »
Ces « principes » sont inscrits dans la « bible » du national- socialisme, Mein Kempf , écrit par Hitler en prison dans les années 20.
Plus loin dans ce numéro , on peut lire :
« Le nazisme est-il de droite ou de gauche ?
A ceux qui dans les années 1960 et 1970 conspuaient la droite en l’affublant des épithètes infamantes de « fascistes » et de « nazie » , celle-ci répondait que « nazi » signifiait aussi bien « national » que « socialiste » - argument spécieux , car un socialisme national n’est , par définition, plus un socialisme , attendu que le mouvement ouvrier s’est défini depuis le XIX° siècle comme internationaliste par essence. Ce qui était une dispute politique a également été un débat historiographique : le nazisme a-t-il été un projet révolutionnaire ou réactionnaire ?
Force est de constater que le discours est à l’origine révolutionnaire : le programme de février 1920 demande la fin des rentiers, la nationalisation des industries, la confiscation des profits de guerre. Le discours nazi redevient fortement antibourgeois à partir de 1943 quand, dans un contexte militaire désespéré, Joseph Goebbels, en charge de la propagande nazie, retrouve ses accents révolutionnaires des débuts pour fustiger une aristocratie anémique et une bourgeoisie lâche et égoïste. Cela dit, le « socialisme » des débuts est d’un genre bien particulier : si projet révolutionnaire il y a, c’est un projet national-révolutionnaire et non internationaliste. A l’oppose du mouvement ouvrier socialiste et communiste, les nazis ne connaissent que la nation comme cadre indépassable de l’existence et de l’épanouissement d’une communauté raciale fermée sur elle-même. La rhétorique socialiste (et nationaliste) du parti a aussi une visée tactique : elle doit aimanter les ouvriers et soldats démobilisés, frappés par le chômage et tentés, comme partout en Europe, par la séduction communiste. La bourgeoisie conservatrice munichoise ne s’y trompe pas , qui accueille Hitler dans ses salons et finance le NSADP, lui permettant de fonder son propre journal , le Völksiher Beobachter, d’organiser ses meetings et d’équiper ses SA
[…]
De fait, les douze ans de régime nazi change rien à la structure sociale de l’Allemagne : si quelques établissements scolaires d’élite sont créés pour faciliter la sélection et la formation des futurs cadres du régime, les anciennes élites systématiquement dépouillées, voire décimées en URSS par exemple, sont choyées par le pouvoir nazi, qui en adopte les usages et les codes, comme l’a bien montré l’historien français Fabrice d’Almeida (la vie mondaine sous le nazisme 2006). »
Pour répondre à la question "Hitler était-il de droite?" , on peut aussi répondre à une autre question, comme le fait cet ouvrage :
« Qui était nazi en Allemagne ?
Des études de sociologie électorale permettent de mieux savoir, tout d’abord, qui votait nazi, ou plutôt qui a voté national socialiste pendant la période du décollage du NSDPA, entre 1930 et 1932n au moment o*
U l’électorat nazi passe de 800 000 à près de quinze millions de voix. Le politologue Jurgen Falter (Hitelrs Wälhers, 1991) a ainsi remarqué que la croissance numérique de l’électorat nazi est concomitante d’un effondrement des partis de droite traditionnelle ( DDP, DVP, et DNPV), qui passent de 28% à 8 % des voix de 1928 à 1932, pendant que le SPD (socialistes) reculent de 10 points , mais que le Zentrum( centre, parti catholique) se maintient et que le KPD ( communiste) gagne 7 points. La conclusion, sous réserve de nouveaux électeurs apparus au cours de la période, est que le parti nazi a siphonné la droite bourgeoise et capté plus de la moitié de son électorat, ainsi que, estime-t-on 1/7° des électeurs du SPD. Ce sont donc les classes moyennes (salariés, commerçants, petits fonctionnaires) qui ont constitué le gros de l’électorat nazi, tandis que les communautés ouvrières (SPD-KPD) et catholiques (Zentrum) constituaient des pôles de résistance à la pénétration nazie. "
L’article se poursuit en décrivant pourquoi on vote nazi, qui adhère au parti, les fluctuations de l’opinion allemande, plus tard , selon d’autres sources puisqu’il n’y a plus d’élections libres à partir de 1933, la place de l’antisémitisme……
Vous trouverez dans cette revue toute une série d’informations complémentaires qui vous permettront de compléter cette réponse.
Enfin, pour conclure, je vous rappellerai que le nazisme et le fascisme ont fait l’objet de nombreuses études, qui visent notamment à les situer dans le spectre politique .
Vous pouvez consulter :
Dictionnaire historique des fascismes et du nazisme
Du fascisme, de Pascal Ory
Ni droite, ni gauche, l’idéologie fasciste en France, de Stev Sternhell
DANS NOS COLLECTIONS :
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