Question d'origine :
Qui a décidé que le vert se dirai vert et pas jaune? et d'abbord qui me dit que ce que j'appelle vert, mon voisin lui ne le voit pas ce que j'appelle jaune?
Réponse du Guichet
gds_db
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 04/01/2013 à 17h00
Bonjour,
La désignation des couleurs est une notion culturelle comme indiqué dans cette précédente réponse. En voici deux extraits significatifs :
* « Dans la plupart des civilisations d’Afrique, par exemple, peu d’importance est attachée à la frontière qui peut séparer la gamme des tons rouges de celle des bruns ou des jaunes, voire de celle des verts. En revanche, devant une couleur donnée, il est essentiel de savoir s’il s’agit d’une couleur sèche ou d’une couleur humide, d’une couleur tendre ou d’une couleur dure, d’une couleur lisse ou d’une couleur rugueuse, d’une couleur sourde ou d’une couleur sonore, parfois d’une couleur gaie ou d’une couleur triste. La couleur n’est pas une chose en soi, […] »
Michel Pastoureau, Couleurs, images, symboles.
* « … les langues africaines ne possèdent pas de mots pour désigner la « couleur ». Cela ne signifie certes pas que les populations africaines soient atteintes de daltonisme ; simplement la couleur n’est chez elles pas isolée et conceptualisée comme une entité en soi.
La couleur dans l’art, p. 21-41 : la couleur dans l’art africain, Ivan Bargna
Pour répondre à votre question, qui a dit que le vert s'appellerait vert dans notre culture occidentale ?
Les dénominations chromatiques, comme beaucoup de mots de notre vocabulaire courant trouvent leur origine dans les langues grecques et latines. D'ailleurs, comme le montrent les extraits suivants, vous avez raison de relier le jaune et le vert dont les frontières sémantiques et historiques ne sont pas si nettes :
* En grec le mot vert se disait « khloros » et signifiait à la fois « jaune verdâtre » et « vert jaunâtre », un indice de la sûre intuition sémantique de ces idolâtres du bleu du ciel. Le mot était associé à la nymphe Chloris, appelée Flore par les Romains, déesse de la jeunesse, de la floraison et symbole de fécondité. De cette racine vient le mot « chlorophylle », la molécule inventée par le règne végétal, qui produit l’oxygène comme un déchet de la photosynthèse à partir du gaz carbonique et qui nous permet, à nous les animaux terrestres, d’exister. En latin, même flottement sémantique entre le vert et le jaune. Galbus, galbinus qui signifie vert pâle finira par désigner le jaune en suivant le trajet qui va de gaus à jalne en passant par jalnus. L’autre nom du vert, « viridis », qui signifiait aussi frais, jeune ou vigoureux comme le blé en herbe est l’ancêtre direct de notre vert et il conserve des adhérences sémantiques avec les dérivés de la racine vir : virilité, virulence, puisque viridis pourrait avoir été formé avec « rudis », du grec « ruo » qui signifie « pousser en dehors, croître en taille et en volume », on ne compte plus les substantifs dérivés qui ramènent à cette métaphore végétale et ligneuse, jusqu’à Viridianus, le dieu qui présidait à la verdure.
source : France Culture
* Du latin galbinus, dérivé de galbus, « vert pâle, jaune vert », qui serait à rattacher à un radical indo-européen gal-, nous vient le terme jaune (1100), « couleur de l’or », puis (1165), dans un sens plus négatif, en parlant du teint marqué par la fatigue. [A rapprocher de l’allemand galle , « bile », et du « jaune » italien et anglais, giallo et yellow.]
Egalement apparu vers 1100, le terme vert, du latin viridis , « vert », mais aussi « frais, vigoureux, jeune », a été, dès sa création, étroitement lié à la notion de végétal, d’herbe, de croissance. [L’allemand grün : « vert » est apparenté à l’expression danoise at gro : « croître, pousser », au danois grode : « croissance », et probablement à l’allemand gras : « herbe ».]
Ces interférences et chevauchements de tonalités exprimées par le jaune et vert latins sont encore perceptibles de nos jours dans certaines langues, comme l’ont souligné de nombreux linguistes (André, 1949 ; Meillet, 1912 ; Meyerson, 1957). [Ainsi en sanskrit le terme harita signifie - le plus souvent - vert, mais parfois jaune. En russe, comme dans de nombreuses langues indo-européennes, vert et jaune ont une racine commune jel.]
source : Annie Mollard-Desfour Les mots de couleur : des passages entre langues et cultures
Nous vous conseillons de consulter les ouvrages d'Annie Mollard-Desfour ainsi que ceux de Michel Pastoureau qui répond à votre dernière question dans l'ouvrage intitulé Le petit livre des couleurs :
Un physicien considère que la couleur est un phénomène mesurable. Dans une pièce vide, il éclairera un objet coloré, enregistrera la longueur d'onde et concluera qu'il y a une couleur. Goethe a un avis opposé : "Une couleur que personne ne regarde n'existe pas !" affirme-t-il à plusieurs reprises. C'est une affirmation forte à laquelle j'adhère. "Une robe rouge est-elle encore rouge lorsque personne ne la regarde ?" s'interroge Goethe. Pour lui comme pour moi, il n'y a pas de couleur sans perception, sans regard humain (ou animal). C'est nous qui faisons les couleurs !
Pour en savoir plus sur les couleurs :
- Histoire des couleurs / Manlio Brusatin
- Lumière visible
- site de Gérard Villemin
La désignation des couleurs est une notion culturelle comme indiqué dans cette précédente réponse. En voici deux extraits significatifs :
* « Dans la plupart des civilisations d’Afrique, par exemple, peu d’importance est attachée à la frontière qui peut séparer la gamme des tons rouges de celle des bruns ou des jaunes, voire de celle des verts. En revanche, devant une couleur donnée, il est essentiel de savoir s’il s’agit d’une couleur sèche ou d’une couleur humide, d’une couleur tendre ou d’une couleur dure, d’une couleur lisse ou d’une couleur rugueuse, d’une couleur sourde ou d’une couleur sonore, parfois d’une couleur gaie ou d’une couleur triste. La couleur n’est pas une chose en soi, […] »
Michel Pastoureau, Couleurs, images, symboles.
* « … les langues africaines ne possèdent pas de mots pour désigner la « couleur ». Cela ne signifie certes pas que les populations africaines soient atteintes de daltonisme ; simplement la couleur n’est chez elles pas isolée et conceptualisée comme une entité en soi.
La couleur dans l’art, p. 21-41 : la couleur dans l’art africain, Ivan Bargna
Pour répondre à votre question, qui a dit que le vert s'appellerait vert dans notre culture occidentale ?
Les dénominations chromatiques, comme beaucoup de mots de notre vocabulaire courant trouvent leur origine dans les langues grecques et latines. D'ailleurs, comme le montrent les extraits suivants, vous avez raison de relier le jaune et le vert dont les frontières sémantiques et historiques ne sont pas si nettes :
* En grec le mot vert se disait « khloros » et signifiait à la fois « jaune verdâtre » et « vert jaunâtre », un indice de la sûre intuition sémantique de ces idolâtres du bleu du ciel. Le mot était associé à la nymphe Chloris, appelée Flore par les Romains, déesse de la jeunesse, de la floraison et symbole de fécondité. De cette racine vient le mot « chlorophylle », la molécule inventée par le règne végétal, qui produit l’oxygène comme un déchet de la photosynthèse à partir du gaz carbonique et qui nous permet, à nous les animaux terrestres, d’exister. En latin, même flottement sémantique entre le vert et le jaune. Galbus, galbinus qui signifie vert pâle finira par désigner le jaune en suivant le trajet qui va de gaus à jalne en passant par jalnus. L’autre nom du vert, « viridis », qui signifiait aussi frais, jeune ou vigoureux comme le blé en herbe est l’ancêtre direct de notre vert et il conserve des adhérences sémantiques avec les dérivés de la racine vir : virilité, virulence, puisque viridis pourrait avoir été formé avec « rudis », du grec « ruo » qui signifie « pousser en dehors, croître en taille et en volume », on ne compte plus les substantifs dérivés qui ramènent à cette métaphore végétale et ligneuse, jusqu’à Viridianus, le dieu qui présidait à la verdure.
source : France Culture
* Du latin galbinus, dérivé de galbus, « vert pâle, jaune vert », qui serait à rattacher à un radical indo-européen gal-, nous vient le terme jaune (1100), « couleur de l’or », puis (1165), dans un sens plus négatif, en parlant du teint marqué par la fatigue. [A rapprocher de l’allemand galle , « bile », et du « jaune » italien et anglais, giallo et yellow.]
Egalement apparu vers 1100, le terme vert, du latin viridis , « vert », mais aussi « frais, vigoureux, jeune », a été, dès sa création, étroitement lié à la notion de végétal, d’herbe, de croissance. [L’allemand grün : « vert » est apparenté à l’expression danoise at gro : « croître, pousser », au danois grode : « croissance », et probablement à l’allemand gras : « herbe ».]
source : Annie Mollard-Desfour Les mots de couleur : des passages entre langues et cultures
Nous vous conseillons de consulter les ouvrages d'Annie Mollard-Desfour ainsi que ceux de Michel Pastoureau qui répond à votre dernière question dans l'ouvrage intitulé Le petit livre des couleurs :
Un physicien considère que la couleur est un phénomène mesurable. Dans une pièce vide, il éclairera un objet coloré, enregistrera la longueur d'onde et concluera qu'il y a une couleur. Goethe a un avis opposé : "Une couleur que personne ne regarde n'existe pas !" affirme-t-il à plusieurs reprises. C'est une affirmation forte à laquelle j'adhère. "Une robe rouge est-elle encore rouge lorsque personne ne la regarde ?" s'interroge Goethe. Pour lui comme pour moi, il n'y a pas de couleur sans perception, sans regard humain (ou animal). C'est nous qui faisons les couleurs !
Pour en savoir plus sur les couleurs :
- Histoire des couleurs / Manlio Brusatin
- Lumière visible
- site de Gérard Villemin
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