Question d'origine :
J'aimerais en savoir un peu plus sur les médicaments psychotropes . Différentes sortes (anti-dépresseurs, anxiolitiques, neuroleptiques, hypnotiques), effets secondaires, dépendance, prescription…
Réponse du Guichet
bml_san
- Département : Médiathèque du Bachut Santé
Le 04/03/2005 à 14h42
Les psychotropes
Un psychotrope est une substance susceptible de modifier l’activité psychologique et mentale. Cette modification peut aller dans le sens d’une augmentation, d’une diminution ou être une perturbation anarchique de la vigilance et/ou de l’humeur. A partir de ces constatations, il est possible de classer les différents psychotropes.
Les antidépresseurs, les somnifères (ou hypnotiques), les anxiolytiques et les neuroleptiques sont des médicaments psychotropes. Les drogues (cannabis, héroïne, cocaïne, LSD, ecstasy, etc.) illicites sont aussi des psychotropes.
Comme une grande partie des médicaments, les psychotropes doivent toujours être utilisés dans le cadre d’une prescription ou d’un avis médical. De plus, il convient de bien lire la notice pour s’informer du mode d’emploi mais aussi des précautions, des interactions et des effets secondaires.
Les anti-dépresseurs
Les antidépresseurs sont des médicaments qui stimulent l’humeur et l’état affectif des personnes atteintes de dépression. Ils sont constitués de plusieurs familles :
Les antidépresseurs tricycliques (ou imipraminiques)
Les inhibiteurs de la monoamine oxydase (IMAO)
Les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS) dont
fait partie le Prozac®
Ces derniers (les ISRS) ont considérablement amélioré la prise en charge de la dépression car leurs effets secondaires sont beaucoup moins gênants qu’avec les IMAO et les antidépresseurs tricycliques. Certains entraînent une forme d’accoutumance et, dans ce cas, le traitement ne doit pas être interrompu brutalement.
Les hypnotiques
Les somnifères ou hypnotiques sont des médicaments inhibiteurs de l’éveil et de la vigilance (effet sédatif). Ils sont prescrits en cas d’insomnie et provoquent un sommeil normal c’est-à- dire avec conservation des cycles de sommeil. Ils sont très nombreux et très variés, ce sont notamment des barbituriques, des benzodiazépines ou des antihistaminiques. En traitement prolongé, ils sont susceptibles de provoquer une dépendance. Les barbituriques ne sont plus utilisés en tant que somnifères de nos jours.
Les anxiolytiques
Les anxiolytiques ou tranquillisants mineurs sont, comme leur nom l’indique, des substances destinées à combattre l’anxiété et le stress. Ils sont sédatifs mais à plus fortes doses que les somnifères. A dose normale, ils entraînent une somnolence qui les rend incompatibles avec la conduite d’un véhicule. Tout comme les somnifères, ils peuvent induire une dépendance en traitement prolongé. On y trouve principalement les benzodiazépines.
Les neuroleptiques
Les neuroleptiques ou tranquillisants majeurs sont des médicaments utilisés pour traiter les psychoses : schizophrénie, états maniaques, etc. Ils sont sédatifs et provoquent une inhibition psychomotrice (indifférence au monde extérieur). Ils ont également un certain nombre d’effets indésirables tels que : somnolence, mouvements anormaux et incontrôlés, hypotensions, prise de poids, développement de la poitrine chez l’homme, etc. Plusieurs familles de substances sont classées parmi les neuroleptiques : les phénothiazines, les butyrophénones et les benzamides.
Les psychodysleptiques
Les psychodysleptiques sont des substances qui perturbent l’activité mentale et la vigilance. Elles ne sont pas utilisées comme médicament et sont d’ailleurs illicites.
Concernant la dépendance aux médicaments psychotropes , il ressort d'une étude menée en 2001 par une équipe de chercheurs de l'Ecole Nationale en Santé publique :
Contrairement aux caractéristiques socio-démographiques et médicales des consommateurs, les trajectoires de consommation sont associées à leurs attitudes. L'analyse des attitudes montre l'existence d'ambivalences liées aux effets (positifs/négatifs) et aux dépendances (explicite/implicite) produits par ces médicaments. C'est ainsi que les consommateurs occasionnels ont conscience des effets négatifs de ces médicaments, nient la dépendance ou estiment que la maîtrise de leur consommation les protège de ce risque. Alors que les consommateurs continus croient en l'efficacité médicale des psychotropes tout en relativisant les impacts positifs qu'ils peuvent avoir sur leur qualité de vie. Ils se sentent obligés de prendre ces médicaments, et admettent que cette consommation entraîne une dépendance.
L'étude des vécus de consommation permet d'approfondir ces discours, et nous amène à en différencier deux pour les consommateurs continus. Les premiers se disent victimes du système. Ils prennent ces médicaments pour les autres, pour préserver ou maintenir la paix sociale. Ils sont favorables à l'automédication afin d'exercer une tentative de contrôle sur leur consommation. Les seconds ont une confiance totale dans le médicament, le corps médical. Une adaptation heureuse autour de cette consommation, dans leur vie et pour leur santé est mise en avant. Les psychotropes les aident à mieux vivre, à être bien. La dépendance est acceptée et participe à leur équilibre.
Les consommateurs de psychotropes ont des images plutôt positives de leur utilisation. Ces médicaments permettent d'oublier les problèmes, améliorent la qualité de vie, apportent un soutien. Cette attitude est toutefois contrebalancée par des attitudes plus réservées, voire plus critiques. Certaines personnes considèrent qu'il est mieux de faire preuve de volonté pour résoudre soi-même les problèmes au lieu de prendre des psychotropes, et vont jusqu'à penser que consommer ces médicaments est un signe de faiblesse personnelle. D'autres mettent en avant les effets secondaires et les signes de la dépendance pour rappeler que ces médicaments non seulement ne guérissent pas, mais couvrent les vrais problèmes. L'existence d'images péjoratives entretient une sorte de "culpabilisation sociale " que l'on évoque pour avoir bonne conscience comme si les peurs collectives permettaient de cacher le mal.
Les psychotropes procurent un bien-être tout en renfermant un risque de dépendance qui sera pour les uns ressentis, et pour les autres silencieux. Il y a consensus sur l'aide à mieux vivre, mais aussi sur le souhait de vivre sans cette aide. Deux idées maîtresses dominent.
La première évoque la soumission des consommateurs aux psychotropes associée au désir de mieux être. Ils perçoivent leur attachement à ces médicaments, affirment cependant qu'ils aimeraient pouvoir s'en passer, mais un sur deux ne le fait pas puisque sa consommation suit une trajectoire continue. L'augmentation de la consommation de psychotropes serait tributaire de cette recherche d'une "super-santé" devenue un besoin légitime. D'autre part, les consommateurs restent partagés sur le fait que : " La prise de ces médicaments signifie être malade ", ils ressentent la prise de psychotropes comme une réponse à un besoin qu'ils n'associent pas systématiquement à la présence d'une maladie. L'incertitude sur le statut du mal est soulevée.
·La seconde replace pourtant le rôle du médecin et du médicament dans une relation qui se veut être avant tout thérapeutique. Le corps médical occupe une position de garant, le médecin est le prescripteur légal de cette consommation. La confiance accordée par le public à la médecine en général renforcerait la banalisation de cette consommation particulière. Il en justifie la poursuite par sa caution étiopathologique et dédouane en quelque sorte le patient d'une éventuelle dépendance. Le phénomène de soumission des patients aux psychotropes au nom du "mieux être " soulève le problème de la soumission des médecins aux souffrances de leurs patients, et renvoie dès lors à la question de la participation du corps médical à l'élaboration d'une réponse médicalisée et à la création d'une forme de "paix sociale sous tranquillisants ".
Plus le vécu à l'égard de l'usage de médicaments psychotropes a été favorable, plus les consommateurs sont tentés de poursuivre une consommation, et ceci avec une certaine légitimation médicale. Les écarts entre les discours qui entourent la prise initiale et les raisons actuelles de la rechute ou celles de la pérennisation montrent à quel point les problèmes de la vie tant des femmes que des hommes se sont médicalisés. Un risque de dépendance même reconnue par les consommateurs ne s'avère plus être aujourd'hui une raison suffisante pour justifier un arrêt de la consommation.
Le "malaise" ou le "mal être " ne faisant pas partie du registre de la maladie, interpellerait le consommateur de psychotropes en tant qu'acteur, co-gestionnaire de sa santé. L'automédication, l'adaptation des doses, les modifications de traitement, et donc une certaine non-observance, ne seraient pas des entraves aux décisions médicales, mais tout simplement des actes d'autonomie, révélateurs d'une participation à la gestion de leur bien-être. Ces pratiques s'inscrivent davantage dans le souci de mieux "prendre en mains sa santé, donc son bien-être" que dans celui d'une défiance à l'égard du médecin. De plus, le discours de la prévention et de l'éducation à la santé insiste sur le fait que "le médecin n'est plus le seul responsable", et que la contribution des profanes doit être effectivement sollicitée. Ce paradoxe serait l'instigateur de comportements sociaux nouveaux.
Vous pouvez également consulter :
- Les médicaments psychotropes : un exposé pour comprendre, un essai pour réfléchir
- Psychopharmacologie : les médicaments et drogues psychotropes
- Les médicaments du cerveau : de la chimie de l'esprit aux médicaments psychotropes
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