Question d'origine :
Bonjour,
Qu'y a-t-il derrière l'univers ?
Réponse du Guichet
bml_sci
- Département : Sciences et Techniques
Le 06/10/2012 à 14h53
Le département Sciences et techniques de la bibliothèque est bien embêté avec cette question… Peut-être nos collègues chargés de la philosophie (reine des sciences !) auraient-ils eu davantage de facilités.
Demander ce qu’il y a derrière l’univers est un peu comme demander ce qu’il y a avant le temps. Avant le temps, il n’y a pas de temps, donc pas d’avant ou d’après, donc pas d’avant le temps. L’univers est la totalité, il n’y a donc pas quelque chose hors de l’univers, que ce soit devant, derrière, ou au-dessus… L’univers n’est pas une toile, un mur que l’on pourrait contourner. Il est tout, y compris le mur.
Cette conception de l’univers comme enveloppe autour du monde est par exemple présentée par Lucrèce, philosophe, poète et savant de l’antiquité. Si l’on se rend au bord de l’univers et que l’on décoche une flèche à travers l’enveloppe, soit la flèche traverse l’enveloppe, et il y a donc quelque chose derrière, et l’enveloppe n’est donc pas la fin de l’univers, soit la flèche est arrêtée parce que quelque chose derrière l’enveloppe empêche la flèche de passer ; il y aurait donc quelque chose, là encore, derrière l’univers, et cette enveloppe ne serait pas la limite réelle de l’univers.
On trouve ce questionnement et son caractère absurde, ou déstabilisant, dans nombres d’œuvres de fiction contemporaines, ce questionnement de la réalité est par exemple l’un des thèmes principaux des romans de l’écrivain américain Philip K. Dick, auteur repris massivement par le cinéma, que ce soit directement (Minority Report, A Scanner Darkly) ou indirectement (Matrix, Dark City). Pour citer un film hollywoodien présentant une scène similaire à celle décrite par Lucrèce, voyons The Truman Show, de Peter Weir (plus ou moins directement issu d’une œuvre de Philip K. Dick, là encore, Le temps désarticulé). Arrivé au bord du monde factice qu’il a toujours connu, le navire de Truman Burbank, joué par Jim Carrey, bute contre un mur couleur bleu ciel. Truman trouve quelques marches d’escalier, une porte qui donne de l’autre côté de son mur… Il disparaît par cette porte, fuit hors de son univers factice pour rentrer dans l'univers réel.
En réalité, les spectateurs du Truman Show, et a fortiori le public du film, savent bien que son univers n’est le véritable univers, il n’en est qu’une partie ; en quittant son univers, Truman ne fait que passer une porte qui fait partie de l’univers réel, son univers n’en était qu’un fragment, il ignorait simplement que l’univers était plus vaste. Dans une tentative de mise en abyme, on pourrait dire que même cet univers, plus vaste que la petite île sur laquelle a grandi Truman, est fictif, puisque nous, public, savons que ce n’est qu’un film.
Et puisqu’on est dans les considérations artistiques plus que scientifiques, faisons un léger détour par la musique et la chanson : pour Léo Ferré, derrière l’univers, il y a des yeux :
Et puis tes yeux là-bas derrière l'Univers
Comme si de tes yeux tu m'apportais l'envers
De tout de rien de toi de la vie passagère
Et quand tu t'ouvres enfin j'entre l'âme légère
Léo Ferré, En faisant l’amour
Eloignons-nous de la littérature et du cinéma pour essayer de revenir à quelque chose de plus scientifique. La question « qu’est-ce qu’il y a derrière l’univers ? » avait été posée en 2007 dans l’émission Les P’tits Bateaux, de France Inter, mais n’est malheureusement plus écoutable en ligne sur le site de la radio. On peut malgré tout entendre la réponse d’André Brahic, astronome, physicien, et astrophysicien français sur ce Paperblog : qu’y a-t-il derrière l’Univers ?
Imaginer qu’il y a un « derrière l’univers » est peut-être le signe que ce qu’est l’univers, lui-même, est mal compris ou mal connu. De fait, dire que c’est tout est insatisfaisant, et difficile à appréhender pour nos esprits finis. Voyons la définition de l’univers par Hermann Bondi, mathématicien et cosmologiste : « c’est l’ensemble des objets (événements) auxquels les lois physiques peuvent être appliquées de façon cohérente et pertinente. » On découvre et corrige sans cesse les lois de l’univers, et cette recherche redéfinit l’univers et ses limites. L’univers est toujours plus grand qu’on le croit.
Notre univers n’est pas un objet physique, il ne peut être conçu sur le modèle de la chose, c’est un ordre à retrouver et cet ordre est temporel, et même littéraire, selon Michel Cassé : les notions de Tout, d’Infini, de Zéro sont poétiques, voire mathématiques, mais non physique.
Ce n’est pas tant qu’il n’y a rien derrière l’univers, c’est plutôt qu’il n’y a pas de « derrière l’univers », l’univers n’a pas de derrière…
Forme et origine de l’Univers : regards philosophique sur la cosmologie, sous la direction d’Aurélien Barrau et de Daniel Parrochia, Dunod, 2010 ;
Petite histoire de l’univers : du Big Bang à la fin du monde, de Stephen Hawking, City éditions, 2008 ;
A la découverte de l’Univers, introduction à l’astronomie et à l’astrophysique, de Neil Comins, De Boeck, 2011 ;
Les univers parallèles : du géocentrisme au multivers, de Tobias Hürter et Max Rauner, CNRS éditions, 2009 ;
Les énigmes de l’univers, Science&Vie, éditions de La Martinière, 2009.
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