A combien d'exemplaires tirait une édition au XVIe, XVIIe et
PATRIMOINE
+ DE 2 ANS
Le 30/08/2012 à 08h03
578 vues
Question d'origine :
Bonjour,
j'essaie de dresser un panorama de la diffusion de livres anciens illustrés (avec des gravures sur cuivre, de 50 à 100 par livre). Je connais bien le nombre d'éditions et de traduction de chacun des livres étudiés, mais je me demandais si des études avaient été faites sur le tirage moyen des livres anciens, afin d'avoir un ordre d'idée de la production totale de ces ouvrages : 500 exemplaires par édition ? 1000 ?
Les livres que j'étudie traversent l'époque moderne de la fin du XVIe siècle (1570) au début du XVIIIe siècle (1730).
Merci d'avance !
Benjamin Ravier-Mazzocco
Réponse du Guichet
bml_anc
- Département : Fonds Ancien
Le 30/08/2012 à 12h29
Voici les éléments que donne Marie-Anne Merland dans l’article « Tirage » qu’elle a rédigé dans le Dictionnaire encyclopédique du livre, Editions du Cercle de la Librairie, 2011, tome 3, p. 844 :
« Peu de documents existent sur les chiffres de tirage pratiqués par les imprimeurs de la période artisanale. Ce n’est souvent qu’incidemment qu’il y est fait allusion et c’est par approximation que l’on avance des chiffres (…).
A partir du XVIe siècle et jusqu’à la fin du XVIIIe, les chiffres varient, sauf exception, de 500 à 2 000. Charles Sorel élargit cette fourchette, déclarant en 1623 à propos du succès du Recueil des farces de Tabarin : C’est un livre de si bonne chance qu’on en a vendu vingt mil exemplaires au lieu que d’un bon livre à peine peut-on en vendre six cens » ; encore ne précise-t-il pas si ces chiffres de vente correspondent à une seule impression. En 1588, la Stationers’ Company, équivalent de la communauté des libraires à Paris, limite le chiffre de tirage à 1500. On sait en revanche qu’à Rouen, au milieu du XVIIe siècle, la pratique corporative des éditions partagées permet d’atteindre couramment des tirages de 5 000 à 7 600 exemplaires pour les dictionnaires destinés aux collégiens. »
Marie-Anne Merland indique ensuite que la technique même d’impression employée à l’époque (presse d’impression à deux coups ; nombre réduit des fontes de caractères qui oblige à démonter rapidement les formes) peut limiter le tirage.
De même, les lois du marché jouent leur rôle (ibidem, p.845) :
« La limitation des chiffres de tirage dépend aussi du marché et du potentiel de consommation. Or le marché du livre sous l’Ancien Régime est encore relativement étroit. Un document de 1778 provenant du libraire parisien Guillaume II Debure indique qu’il faisait tirer ses ouvrages de 1 000 à 1 500 exemplaires pour l’essentiel de son fonds courant et mettait parfois plus de vingt ans pour les écouler. Vers la même date, les tirages déclarés par les imprimeurs bénéficiaires de la permission simple définie en 1777 établissent une moyenne similaire : 1 200 à 1 500 exemplaires.
Le même document émanant du libraire Debure montre que les ouvrages considérés comme de vente certaine ne sont tirés qu’à 3 000 exemplaires. Nous avons par d’autres sources quelques chiffres de tirage : les ouvrages à succès sont soit des livres de dévotion, jusqu’à 18 000 exemplaires pour des Heures publiées à Bayeux en 1784, de médecine pratique, des ouvrages scolaires, quelques livres de référence. La littérature de colportage, avec ses livrets composés le plus souvent d’un ou deux cahiers in-12, peut atteindre elle aussi des tirages élevés. On cite le chiffre de 36 000 exemplaires pour un livret de pèlerinage à Notre-Dame-de-Liesse au XVIIe siècle (…). Cependant, il est frappant de voir que, plutôt que des tirages élevés, les imprimeurs et libraires pratiquaient la réimpression, lorsque l’ouvrage était un succès ».
Pour les livres illustrés de nombreuses planches, les chiffres de tirage sont moins élevés, en particulier à l’époque qui vous intéresse, d’une part parce que ce sont des livres coûteux, donc à diffusion moindre, et d’autre part parce que les planches s’abîment au fur et à mesure de l’impression.
DANS NOS COLLECTIONS :
Ça pourrait vous intéresser :
Commentaires 0
Connectez-vous pour pouvoir commenter.
Se connecter