Question d'origine :
Cet été, j'ai vu sur Arte un téléfilm retraçant la biographie de Champollion.
Dans ce téléfilm, on y apprenait que le roi Louis XVIII avait accepté de soutenir les recherches de Champollion à condition que ses découvertes n'aillent pas à l'encontre des enseignements de la Bible et entre autres, la datation du Déluge par addition de l'âge des prophètes.
Champollion a fini par découvrir dans les hiéroglyphes l'histoire d'un personnage qui aurait vécu à une époque antérieure à la date donnée pour le Déluge. Donc en le publiant, il entrait en contradiction avec la Bible;
Champollion aurait publié cette découverte dans ses "carnets secrets" (si je me souviens bien!!!). Quand ont-ils été publiés ? C'est à dire, combien de temps après la mort de Champollion ?
Bien avant, j'avais vu un téléfilm sur le "procès du singe" (aux Etats-Unis) qui a eu lieu dans les années 20 (si mes souvenirs sont bons). Et il y était fait allusion à l'addition de l'âge des prophètes pour connaître l'âge du monde (ou dater le Déluge).
Cette théorie religieuse de tout dater par l'addition de l'âge des prophètes porte-t-elle un nom ? Qui en a été l'instigateur ?
Avant d'en entendre parler dans les téléfilms, je n'en avais jamais entendu parler. La religion catholique approuvait-elle ce genre de calcul et de datations ? Jusqu'à quand ?
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 24/08/2012 à 09h54
Bonjour,
Jean-François Champollion dit Champollion le Jeune ou « l’Egyptien » (1790-1832), est un égyptologue français. Déchiffreur des hiéroglyphes, il est considéré comme le père de l'égyptologie. Champollion, un scribe pour l’Egypte de Michel Dewachter, est un ouvrage essentiel sur Champollion puisqu’il a servi de base à plusieurs reportages diffusés sur Arte.
Dans l’ouvrage Champollion, le savant déchiffré d’Alain Faure, on retrouve p.566-567, le poids qu’exerçait encore l’Eglise sur les découvertes scientifiques du XIXème siècle : « Lorsqu’il reçut les gravures des obélisques qu’il devait corriger et commenter pour l’ouvrage demandé par le Pape, « l’Egyptien » fut prié de donner l’assurance écrite qu’il ne publierait rien de défavorable aux Ecritures saintes dans ses travaux futurs. […]Champollion se trouva une nouvelle fois confronté à ce dilemme : transiger avec sa conscience ou refuser de se soumettre, au risque d’hypothéquer ses chances de fouler un jour le sable d’Egypte ».
C’est lors de son voyage en Egypte qu’il fera effectivement la découverte contredisant la chronologie biblique : « En quelques mois son œil exceptionnel est capable d’attribuer à chaque œuvre une date dans la chronologie égyptienne. Il voit aussi se confirmer une hypothèse redoutable, celle de l’extraordinaire antiquité de l’Egypte. Cette découverte il la tiendra « sous le boisseau » comme il l’écrit à son frère, car elle va à l’encontre de la chronologie officielle, dite « biblique » imposée aux historiens sous la Restauration, aucun monument ne pouvait être antérieur à 2396, date du déluge. Prudent Champollion ne tient pas à ranimer la querelle avec les tenants tout-puissants du clergé, même s’il a pu fixer l’époque des pyramides dans le courant du IIIème millénaire avant J-C. »Extrait de L’Egypte de Jean-François Champollion, Lettres et journaux de voyage
Il n’est fait mention nulle part de « carnets secrets » écrits par Champollion, il semblerait que toutes ses découvertes aient été partagées avec son frère dans leur correspondance. Sur le site du projet Gutenberg, vous pourrez trouver, numérisée, la réédition Lettres écrites d’Egypte et de Nubie de Champollion, cette édition a été publiée en 1868 par son fils, Z. Chéronnet-Champollion, la 1ère édition fut quant à elle publiée par son frère, M. Champollion-Figeac en 1833, un an seulement après le décès de Jean-François Champollion.
Concernant la théorie de la datation par l’addition de l’âge des patriarches (et non des prophètes), il semblerait qu’il n’existe pas de terme précis pour la désigner.
Néanmoins cette chronologie a été pendant longtemps la seule acceptée :
« L’idée « naturelle » était, comme l’enseigne la Bible, que la Terre et la vie sont apparues ensemble (à trois jours près pour les plantes et six pour l’homme – et la femme). Le Livre saint étant alors considéré comme un livre d’histoire, c’est à cette aune que sont fixées les « datations absolues ». Ainsi, les plus grands esprits de cette époque opèrent des calculs savants qui tiennent compte des générations énumérées par la Bible, y ajoutant quelques considérations astronomiques et raccordant ces données à l’histoire écrite, voire aux légendes des Grecs.
– Isaac Newton, physicien et mathématicien (1642-1727), arrive ainsi à la date de formation de la Terre de 3998 ans avant J.-C.
– Johannes Kepler, astronome et physicien (1571-1630), trouve 3993 ans avant J.-C.
– James Usher, archevêque anglican (1581-1656), annonce en 1650, que le monde a 4004 ans avant J.-C., précisant même le jour de naissance : le 23 octobre ! Cette dernière estimation restera près de trois cents ans dans les éditions de la « Bible anglaise autorisée ». » Histoire de l'âge de la Terre
Voici un exemple de ces calculs : Calcul âge de la Terre par Ussher
Cette chronologie était acceptée par tous et défendue par l’Eglise catholique, à partir du XVIème. Sa position se raidira avec la contre-Réforme, ne souhaitant pas laisser aux protestants le monopole du retour aux Ecritures saintes.
Au XVIIIème siècle, le développement des sciences expérimentales jettera le doute sur la véracité de cette datation.
« Petit à petit, la référence aux Écritures Saintes n’apparaît plus de mise. René Descartes, philosophe, mathématicien et physicien français (1596-1650), en particulier, considère que si Dieu a créé le monde, il faut appliquer les lois de la physique pour en comprendre l’évolution. Initialement même, il s’agissait de vérifier la véracité du Déluge, décrit par la Bible et attesté par les fossiles marins trouvés partout sur la Terre, y compris en montagne.
Un précurseur de Buffon, Benoît de Maillet (1656-1738), consul de France en Égypte, partant de l’hypothèse que toute la Terre a émergé de la mer, extrapole les vitesses d’élévation des continents et aboutit à un âge de la planète de 2 milliards d’années. Notons qu'il prendra la précaution d’écrire clandestinement (sous l’anagramme de Telliamed), et ne sera par ailleurs publié que dix ans après sa mort, aux Pays-Bas. » Histoire de l'âge de la Terre
L’Eglise s’arrangera avec certaines des découvertes faites par les scientifiques comme avec celles de Champollion comme on peut le voir avec cette Chronologie sacrée, basée sur les découvertes de Champollion d’André Archinard, ministre du Saint-Evangile publiée en 1842 dans laquelle l’auteur démontre qu’il existe plusieurs chronologies bibliques mais que l’une d’entre elles est plus valable car elle coïncide avec les découvertes de Champollion. Ainsi les découvertes de Champollion ne remettent pas en cause la datation officielle du monde par les Ecritures saintes.
Avec la publication de la théorie de l’évolution par Charles Darwin en 1859, la chronologie biblique est désavouée, pourtant cette théorie ne sera pas condamnée par l’Eglise. Au XXème siècle elle sera même enseignée dans l’éducation chrétienne. Il faudra néanmoins attendre 1996 pour que le Pape Jean-Paul II reconnaisse que la théorie de l’évolution n’est pas qu’une hypothèse.
Le « Procès du singe » dont vous faites mention, s’est déroulé en 1925 aux Etats-Unis, il concerne un professeur ayant enseigné à ses élèves la théorie de l’évolution en opposition à une loi promulguée dans plusieurs états du Sud des Etats-Unis qui interdisait aux enseignants de nier « l'histoire de la création divine de l'homme, telle qu'elle est enseignée dans la Bible », le Butler Act. Cette affaire opposa les créationnistes aux évolutionnistes, et même si les premiers obtinrent un jugement en leur faveur, le procès relança le débat quant aux origines du monde. Un débat qui n’est toujours pas clos puisqu’aux Etats-Unis certains états n’enseignent toujours pas la théorie de l’évolution et qu’une frange des chrétiens (fondamentalistes et créationnistes) continue à n’accepter que la chronologie biblique comme chronologie officielle.
Jean-François Champollion dit Champollion le Jeune ou « l’Egyptien » (1790-1832), est un égyptologue français. Déchiffreur des hiéroglyphes, il est considéré comme le père de l'égyptologie. Champollion, un scribe pour l’Egypte de Michel Dewachter, est un ouvrage essentiel sur Champollion puisqu’il a servi de base à plusieurs reportages diffusés sur Arte.
Dans l’ouvrage Champollion, le savant déchiffré d’Alain Faure, on retrouve p.566-567, le poids qu’exerçait encore l’Eglise sur les découvertes scientifiques du XIXème siècle : « Lorsqu’il reçut les gravures des obélisques qu’il devait corriger et commenter pour l’ouvrage demandé par le Pape, « l’Egyptien » fut prié de donner l’assurance écrite qu’il ne publierait rien de défavorable aux Ecritures saintes dans ses travaux futurs. […]Champollion se trouva une nouvelle fois confronté à ce dilemme : transiger avec sa conscience ou refuser de se soumettre, au risque d’hypothéquer ses chances de fouler un jour le sable d’Egypte ».
C’est lors de son voyage en Egypte qu’il fera effectivement la découverte contredisant la chronologie biblique : « En quelques mois son œil exceptionnel est capable d’attribuer à chaque œuvre une date dans la chronologie égyptienne. Il voit aussi se confirmer une hypothèse redoutable, celle de l’extraordinaire antiquité de l’Egypte. Cette découverte il la tiendra « sous le boisseau » comme il l’écrit à son frère, car elle va à l’encontre de la chronologie officielle, dite « biblique » imposée aux historiens sous la Restauration, aucun monument ne pouvait être antérieur à 2396, date du déluge. Prudent Champollion ne tient pas à ranimer la querelle avec les tenants tout-puissants du clergé, même s’il a pu fixer l’époque des pyramides dans le courant du IIIème millénaire avant J-C. »Extrait de L’Egypte de Jean-François Champollion, Lettres et journaux de voyage
Il n’est fait mention nulle part de « carnets secrets » écrits par Champollion, il semblerait que toutes ses découvertes aient été partagées avec son frère dans leur correspondance. Sur le site du projet Gutenberg, vous pourrez trouver, numérisée, la réédition Lettres écrites d’Egypte et de Nubie de Champollion, cette édition a été publiée en 1868 par son fils, Z. Chéronnet-Champollion, la 1ère édition fut quant à elle publiée par son frère, M. Champollion-Figeac en 1833, un an seulement après le décès de Jean-François Champollion.
Concernant la théorie de la datation par l’addition de l’âge des patriarches (et non des prophètes), il semblerait qu’il n’existe pas de terme précis pour la désigner.
Néanmoins cette chronologie a été pendant longtemps la seule acceptée :
« L’idée « naturelle » était, comme l’enseigne la Bible, que la Terre et la vie sont apparues ensemble (à trois jours près pour les plantes et six pour l’homme – et la femme). Le Livre saint étant alors considéré comme un livre d’histoire, c’est à cette aune que sont fixées les « datations absolues ». Ainsi, les plus grands esprits de cette époque opèrent des calculs savants qui tiennent compte des générations énumérées par la Bible, y ajoutant quelques considérations astronomiques et raccordant ces données à l’histoire écrite, voire aux légendes des Grecs.
– Isaac Newton, physicien et mathématicien (1642-1727), arrive ainsi à la date de formation de la Terre de 3998 ans avant J.-C.
– Johannes Kepler, astronome et physicien (1571-1630), trouve 3993 ans avant J.-C.
– James Usher, archevêque anglican (1581-1656), annonce en 1650, que le monde a 4004 ans avant J.-C., précisant même le jour de naissance : le 23 octobre ! Cette dernière estimation restera près de trois cents ans dans les éditions de la « Bible anglaise autorisée ». » Histoire de l'âge de la Terre
Voici un exemple de ces calculs : Calcul âge de la Terre par Ussher
Cette chronologie était acceptée par tous et défendue par l’Eglise catholique, à partir du XVIème. Sa position se raidira avec la contre-Réforme, ne souhaitant pas laisser aux protestants le monopole du retour aux Ecritures saintes.
Au XVIIIème siècle, le développement des sciences expérimentales jettera le doute sur la véracité de cette datation.
« Petit à petit, la référence aux Écritures Saintes n’apparaît plus de mise. René Descartes, philosophe, mathématicien et physicien français (1596-1650), en particulier, considère que si Dieu a créé le monde, il faut appliquer les lois de la physique pour en comprendre l’évolution. Initialement même, il s’agissait de vérifier la véracité du Déluge, décrit par la Bible et attesté par les fossiles marins trouvés partout sur la Terre, y compris en montagne.
Un précurseur de Buffon, Benoît de Maillet (1656-1738), consul de France en Égypte, partant de l’hypothèse que toute la Terre a émergé de la mer, extrapole les vitesses d’élévation des continents et aboutit à un âge de la planète de 2 milliards d’années. Notons qu'il prendra la précaution d’écrire clandestinement (sous l’anagramme de Telliamed), et ne sera par ailleurs publié que dix ans après sa mort, aux Pays-Bas. » Histoire de l'âge de la Terre
L’Eglise s’arrangera avec certaines des découvertes faites par les scientifiques comme avec celles de Champollion comme on peut le voir avec cette Chronologie sacrée, basée sur les découvertes de Champollion d’André Archinard, ministre du Saint-Evangile publiée en 1842 dans laquelle l’auteur démontre qu’il existe plusieurs chronologies bibliques mais que l’une d’entre elles est plus valable car elle coïncide avec les découvertes de Champollion. Ainsi les découvertes de Champollion ne remettent pas en cause la datation officielle du monde par les Ecritures saintes.
Avec la publication de la théorie de l’évolution par Charles Darwin en 1859, la chronologie biblique est désavouée, pourtant cette théorie ne sera pas condamnée par l’Eglise. Au XXème siècle elle sera même enseignée dans l’éducation chrétienne. Il faudra néanmoins attendre 1996 pour que le Pape Jean-Paul II reconnaisse que la théorie de l’évolution n’est pas qu’une hypothèse.
Le « Procès du singe » dont vous faites mention, s’est déroulé en 1925 aux Etats-Unis, il concerne un professeur ayant enseigné à ses élèves la théorie de l’évolution en opposition à une loi promulguée dans plusieurs états du Sud des Etats-Unis qui interdisait aux enseignants de nier « l'histoire de la création divine de l'homme, telle qu'elle est enseignée dans la Bible », le Butler Act. Cette affaire opposa les créationnistes aux évolutionnistes, et même si les premiers obtinrent un jugement en leur faveur, le procès relança le débat quant aux origines du monde. Un débat qui n’est toujours pas clos puisqu’aux Etats-Unis certains états n’enseignent toujours pas la théorie de l’évolution et qu’une frange des chrétiens (fondamentalistes et créationnistes) continue à n’accepter que la chronologie biblique comme chronologie officielle.
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