Question d'origine :
Très cher Guichet,
un de mes ancêtres (1715-1786) était maître d'école. Je me demande quel a bien pu être son quotidien. Comment faisait-on l'école dans un village au XVIIIe siècle ? Y avait-il une quelconque obligation ? Qui payait le maître ? etc
Pourrais-tu m'éclairer ?
Mille mercis par avance,
Tinodela.
Réponse du Guichet
gds_alc
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 06/07/2011 à 14h28
Réponse du service Guichet du Savoir
Bonjour,
Il existe une littérature abondante sur l’histoire de l’école et, pour comprendre quelle était la vie à l’école au XVIIIe siècle, il importerait de suivre toute l’évolution de l’enseignement en France de l’Antiquité jusqu’à cette période. Nous essayerons néanmoins de dresser les caractéristiques de l’école au XVIIIe siècle.
La première moitié du XVIIIe siècle connaît une grande avancée avec l’apparition, sur le devant de la scène pédagogique d’un nouveau partenaire, les congrégations enseignantes [qui] multiplient à travers le pays les écoles de charité à l’ »intention des enfants nécessiteux. Durant tout le XVIIIe siècle, les écoles sont contrôlé par l’Eglise et il faudra attendre le XIXe siècle pour que naisse et s’organise l’institution d’Etat.
Pour commencer et reprendre les propos de Pierre Giolitto le terme « instituteur » apparaît pour la première fois en 1697 dans les statuts synodaux de l’évêque d’Amiens (…) Mais c’est à Condorcet qu’on doit l’entrée de ce mot dans notre législation scolaire (...) la tâche à laquelle la révolution convie les instituteurs est précisément celle de participer à la création d’une nation dont le cœur battrait au rythme de la devise révolutionnaire.
La lecture de l’ouvrage de Pierre Giolitto permet de comprendre les différentes nuances et évolutions dans les statuts d’enseignant, du régent à l’instituteur.
Ce dernier explique les modes de recrutement des personnes appelées « à instruire, régir et gouverner les enfants » et rappellent que celles-ci varient sous l’Ancien régime d’une province à l’autre. Le moyen le plus sûr pour accéder à la fonction de régent consiste à se faire engager à titre privé par un maître en place. Rétribué par lui, l’aspirant régent le seconde dans la tâche, avant de s’arranger pour lui succéder.
Dans les écoles paroissiales, c’est le curé qui se charge de découvrir le futur maître d’école. Après l’avoir choisi parmi les jeunes gens les plus futés de la paroisse, il le « dégrossit » lui-même, lui faisant ânonner quelques mots de latin, avant de le placer chez le régent le plus savant de la région. Le candidat subit ensuite un examen rapide devant un jury, réduit parfois au seul écolâtre. Quelques questions orales, un exercice d’écriture (ronde, bâtarde, coulée) et de taille de plume, permettent de juger de ses capacités.
Lorsque c’est une fondation pieuse qui assure les gages du maître, c’est le fondateur lui-même, ou une personne désignée par lui – curé de la paroisse ou procureur de la fabrique – qui choisit le régent.
Dans les écoles « civiles », c’est la communauté qui l’emploie qui recrute le maître d’école.
Bien évidemment, dans tous les cas de figure le régent ou l'instituteur s’engageait à instruire avant tout la bonne vie et les mœurs (et notamment en instruisant les enfants dans la doctrine et la piété chrétienne).
De nombreux témoignages montrent que les conditions d’exercice des maîtres d’école étaient souvent pénibles du fait d’instruire et de rendre vertueux des êtres , selon les écrits de J. de Batencourt, chez qui « les sens de la nature corrompue règnent sur la raison ».
Par ailleurs, le caractère quasi religieux de sa fonction imposait au maître d’être pieux, de fréquenter les sacrements, d’être prudent dans sa conduite etc. Soumis à l’autorité ecclésiastique, il était également étroitement contrôlé par l’autorité publique qui pouvait à tout moment décider de le révoquer.
Enfin, comme le mentionne l’auteur, l’instituteur devait également combattre les très nombreuses réticences des villageois qui considéraient que cet étranger distillait des idées dangereuses.
Quant aux conditions de vie du maître de l’école, les écrits dépeignent bien souvent des conditions de misère. Ainsi, le soucis qui se manifeste au XVIIIe siècle d’améliorer l’instruction des enfants du peuple ne laisse pas d’attirer l’attention sur la condition misérable des maîtres d’écoles. Les cahiers de 1789 demandent qu’on ne laisse plus croupir dans la misère ceux qui sont en charge de l’instruction des jeunes générations. Pour illustrer ces propos, Michelet écrit en 1846 que l’homme de France le plus méritant, le plus misérable, le plus oublié, c’est le maître d’école .
Cependant, Pierre Giolitto souligne qu'il est difficile d’appréhender la rétribution des maîtres d’autrefois. Mis à part les quelques-uns d’entre eux qui ont la chance d’être gagés du roi (…) la majorité des régents perçoivent un salaire dont le montant résulte de la conjonction de trois sources de revenus différentes dans leur origine et leur nature : le traitement communal ou gages fixes ; une rétribution scolaire mensuelle, l’écolage payée par les enfants ; un certain nombre d’avantage en nature (blé, habits, droit de faire pâturer ses vaches etc.)
Quoiqu’il en soit, ce dernier constate qu’avant la révolution, les régents de campagne n’auraient pas pu vivre s’ils n’avaient exercé un second métier.…
Source : Histoire de l'école : maîtres et écoliers de Charlemagne à Jules Ferry, p. 56-134.
Vous pourrez approfondir vos connaissances sur les conditions de vie du maître d'école en consultant l'ouvrage mentionné ci-dessus et poursuivre avec les lectures suivantes :
* Histoire de l'enseignement en France / Antoine Léon, Pierre Roche, 2008.
* Eglise, pouvoir civil et enseignement (XVI-XVIIIe siècle), actes de la journée d'étude organisée aux Facultés universitaires Saint-Louis le 7 décembre 2007, en collaboration avec le Programme pluri-formations Education et religion dans la France du Nord et les "provinces belgiques" du XVIe siècle à nos jours (Lille 3-Charles de Gaulle).
* Histoire de l'enseignement et de l'éducation. 02. De Gutenberg aux Lumières (1480-1789) / François Lebrun,... Marc Venard,... Jean Quéniart..., 2003.
* L'enseignement classique au XVIIIe siècle / Pierre Costabel, 1986.
Enfin, vous trouverez sur la base de données Persée des articles consultables en ligne qui vous permettront de comprendre toutes les facettes du métier de maître d'école en fonction, par exemple, de la localité, du contraste entre les villes et les campagnes.
Bonjour,
Il existe une littérature abondante sur l’histoire de l’école et, pour comprendre quelle était la vie à l’école au XVIIIe siècle, il importerait de suivre toute l’évolution de l’enseignement en France de l’Antiquité jusqu’à cette période. Nous essayerons néanmoins de dresser les caractéristiques de l’école au XVIIIe siècle.
La première moitié du XVIIIe siècle connaît une grande avancée avec l’apparition, sur le devant de la scène pédagogique d’un nouveau partenaire, les congrégations enseignantes [qui] multiplient à travers le pays les écoles de charité à l’ »intention des enfants nécessiteux. Durant tout le XVIIIe siècle, les écoles sont contrôlé par l’Eglise et il faudra attendre le XIXe siècle pour que naisse et s’organise l’institution d’Etat.
Pour commencer et reprendre les propos de Pierre Giolitto le terme « instituteur » apparaît pour la première fois en 1697 dans les statuts synodaux de l’évêque d’Amiens (…) Mais c’est à Condorcet qu’on doit l’entrée de ce mot dans notre législation scolaire (...) la tâche à laquelle la révolution convie les instituteurs est précisément celle de participer à la création d’une nation dont le cœur battrait au rythme de la devise révolutionnaire.
La lecture de l’ouvrage de Pierre Giolitto permet de comprendre les différentes nuances et évolutions dans les statuts d’enseignant, du régent à l’instituteur.
Ce dernier explique les modes de recrutement des personnes appelées « à instruire, régir et gouverner les enfants » et rappellent que celles-ci varient sous l’Ancien régime d’une province à l’autre. Le moyen le plus sûr pour accéder à la fonction de régent consiste à se faire engager à titre privé par un maître en place. Rétribué par lui, l’aspirant régent le seconde dans la tâche, avant de s’arranger pour lui succéder.
Dans les écoles paroissiales, c’est le curé qui se charge de découvrir le futur maître d’école. Après l’avoir choisi parmi les jeunes gens les plus futés de la paroisse, il le « dégrossit » lui-même, lui faisant ânonner quelques mots de latin, avant de le placer chez le régent le plus savant de la région. Le candidat subit ensuite un examen rapide devant un jury, réduit parfois au seul écolâtre. Quelques questions orales, un exercice d’écriture (ronde, bâtarde, coulée) et de taille de plume, permettent de juger de ses capacités.
Lorsque c’est une fondation pieuse qui assure les gages du maître, c’est le fondateur lui-même, ou une personne désignée par lui – curé de la paroisse ou procureur de la fabrique – qui choisit le régent.
Dans les écoles « civiles », c’est la communauté qui l’emploie qui recrute le maître d’école.
Bien évidemment, dans tous les cas de figure le régent ou l'instituteur s’engageait à instruire avant tout la bonne vie et les mœurs (et notamment en instruisant les enfants dans la doctrine et la piété chrétienne).
De nombreux témoignages montrent que les conditions d’exercice des maîtres d’école étaient souvent pénibles du fait d’instruire et de rendre vertueux des êtres , selon les écrits de J. de Batencourt, chez qui « les sens de la nature corrompue règnent sur la raison ».
Par ailleurs, le caractère quasi religieux de sa fonction imposait au maître d’être pieux, de fréquenter les sacrements, d’être prudent dans sa conduite etc. Soumis à l’autorité ecclésiastique, il était également étroitement contrôlé par l’autorité publique qui pouvait à tout moment décider de le révoquer.
Enfin, comme le mentionne l’auteur, l’instituteur devait également combattre les très nombreuses réticences des villageois qui considéraient que cet étranger distillait des idées dangereuses.
Quant aux conditions de vie du maître de l’école, les écrits dépeignent bien souvent des conditions de misère. Ainsi, le soucis qui se manifeste au XVIIIe siècle d’améliorer l’instruction des enfants du peuple ne laisse pas d’attirer l’attention sur la condition misérable des maîtres d’écoles. Les cahiers de 1789 demandent qu’on ne laisse plus croupir dans la misère ceux qui sont en charge de l’instruction des jeunes générations. Pour illustrer ces propos, Michelet écrit en 1846 que l’homme de France le plus méritant, le plus misérable, le plus oublié, c’est le maître d’école .
Cependant, Pierre Giolitto souligne qu'il est difficile d’appréhender la rétribution des maîtres d’autrefois. Mis à part les quelques-uns d’entre eux qui ont la chance d’être gagés du roi (…) la majorité des régents perçoivent un salaire dont le montant résulte de la conjonction de trois sources de revenus différentes dans leur origine et leur nature : le traitement communal ou gages fixes ; une rétribution scolaire mensuelle, l’écolage payée par les enfants ; un certain nombre d’avantage en nature (blé, habits, droit de faire pâturer ses vaches etc.)
Quoiqu’il en soit, ce dernier constate qu’avant la révolution, les régents de campagne n’auraient pas pu vivre s’ils n’avaient exercé un second métier.…
Source : Histoire de l'école : maîtres et écoliers de Charlemagne à Jules Ferry, p. 56-134.
Vous pourrez approfondir vos connaissances sur les conditions de vie du maître d'école en consultant l'ouvrage mentionné ci-dessus et poursuivre avec les lectures suivantes :
* Histoire de l'enseignement en France / Antoine Léon, Pierre Roche, 2008.
* Eglise, pouvoir civil et enseignement (XVI-XVIIIe siècle), actes de la journée d'étude organisée aux Facultés universitaires Saint-Louis le 7 décembre 2007, en collaboration avec le Programme pluri-formations Education et religion dans la France du Nord et les "provinces belgiques" du XVIe siècle à nos jours (Lille 3-Charles de Gaulle).
* Histoire de l'enseignement et de l'éducation. 02. De Gutenberg aux Lumières (1480-1789) / François Lebrun,... Marc Venard,... Jean Quéniart..., 2003.
* L'enseignement classique au XVIIIe siècle / Pierre Costabel, 1986.
Enfin, vous trouverez sur la base de données Persée des articles consultables en ligne qui vous permettront de comprendre toutes les facettes du métier de maître d'école en fonction, par exemple, de la localité, du contraste entre les villes et les campagnes.
DANS NOS COLLECTIONS :
Ça pourrait vous intéresser :
Commentaires 0
Connectez-vous pour pouvoir commenter.
Se connecter