Question d'origine :
je cherche :
le titre exact du tableau du peintre hollandais, Van Eyck qui représente de jeunes mariés ou fiancés. il y a sur le mur du fond, face au spectateur, un petit miroir rond dans lequel se reflète le peintre et le couple de dos.
il y a deux interprétations différentes de ce tableau dont j'aimerais avoir les détails; la dernière émane d'une historienne de l'art anglaise qui "lit" un hommage à une jeune femme morte en couche alors qu'on y voyait avant un couple de fiancés.
pouvez-vous m'en dire plus long ?
Réponse du Guichet
bml_art
- Département : Arts et Loisirs
Le 03/02/2005 à 14h09
Le double portrait de Van Eyck auquel vous faites allusion est connu sous le titre "Portrait des époux Arnolfini" ou "Les époux Arnolfini". Il est conservé à la National Gallery, à Londres (voici la notice et une image de cette oeuvre sur le site du musée). Il date de 1434. Il représente, c'est ce que l'on dit communément, Giovanni di Arrigo Arnolfini et sa femme Giovanna Cenami.
Ce tableau a fait l'objet de très nombreuses interprétations ; les éléments iconographiques qui le composent semblent pour beaucoup former une énigme à déchiffrer. Il suffit d'interroger la base de données BHA (Bibliography of the history of art) pour s'en convaincre (cette base de données est accessible seulement à partir des locaux de la Bibliothèque municipale de Lyon). Un article reproduit sur le site Haberarts critique trois ouvrages anglo-saxons publiés entre 1993 et 1997, et reflète la vitalité des publications sur le sujet.
Nous allons essayer ici de citer les interprétations les plus notables, et celles que l'on peut retrouver plutôt en langue française. Il est évident que l'exhaustivité est impossible, et qu'il sera indispensable de se reporter aux ouvrages cités pour en saisir toute la teneur et la complexité.
L'interprétation de Erwin Panofsky a fait date ; elle se trouve dans le chapitre "Jan Van Eyck" de son ouvrage Les primitifs flamands. Pour lui, il s'agit d'une glorification du sacrement du mariage.
Tout y concourt : du lieu représenté au cadre du miroir, en passant par le petit chien au premier plan, symbole de fidélité conjugale.
Pierre-Michel Bertrand, dans son ouvrage Le portrait de Van Eyck, soutient et argumente dans ce sens, qu'il s'agit d'une part d'un portrait du peintre et de sa femme, d'autre part que le sujet principal est l'épouse, et qu'elle est enceinte. La bougie unique qui brûle sur le lustre, le coffre sur la droite, les fruits sur le rebord de la fenêtre, le tapis, et surtout la statuette de Sainte Marguerite, patronne des femmes enceintes, en prière sur le dossier de la cathèdre, au fond, le confirment.
Sur la grossesse de la femme représentée, les interprétations divergent : certains pensent qu'il s'agit simplement de la mode de l'époque qui donne cette impression.
Quant à Lorne Campbell, dans le catalogue de la National Gallery publié en 1998, elle pense que le couple représenté n'est pas celui que l'on pensait, mais un autre Arnolfini, avec sa seconde femme.
Des interprétations psychanalytiques et alchimiques ont été avancées également ; voir par exemple l'Un couple et ses miroirs, de Michel Cautaerts.
Quant à l'interprétation récente à laquelle vous faites allusion, il s'agit apparemment de celle de Margaret L. Koster. Elle l'a développée (article en texte intégral, en anglais) en 2003, dans la revue "Apollo". Elle y critique les autres interprétations les plus notables, et argumente en effet que la femme représentée, Costanza Arnolfini, était morte (peut-être en couches ?) au moment du portrait, et examine dans cette perspective tous les éléments du tableau : le miroir, le diable sculpté à proximité des mains jointes, le chien, le miroir convexe, la bougie...
Mais peut-être suffit-il de dire que cette oeuvre, si complexe et si riche, a pu servir de modèle aux Ménines de Vélasquez (Daniel Arasse le signale dans son analyse de On n'y voit rien), un tableau qui lui aussi a fait couler beaucoup d'encre...
DANS NOS COLLECTIONS :
Ça pourrait vous intéresser :
Commentaires 0
Connectez-vous pour pouvoir commenter.
Se connecter