Question d'origine :
Cher guichet, bonjour...
... et tout d'abord grand merci pour la qualité de la réponse que vous me fîtes cf certains tigres d'Hircanie.
Tout autre est ma question de ce jour.
Ds "Le der des ders", situé au tout début des années 1920, D. Daeninckx évoque in chap. 5 (p. 79-86 de l'éd. folio) la sombre histoire du camp de La Courtine, la répression de la mutinerie de soldats russes qui y furent parqués en 17 afin d'éradiquer toute contagion "rouge".
Mais voici le passage qui me turlupine, m'intrigue, et à propos duquel je suis bien preneur de précisions. (p149-150 de la même éd.)
"On lui reprochait d'avoir refusé de se battre contre les troupes soviétiques. André Marty, le fils d'un communard, croupissait entre quatre murs depuis près d'un an pour incitation de troupes à la mutinerie.
Plusieurs dizaines d'autres marins du "Guichen", du "France", du "Jean-Bart", et du "Waldeck-Rousseau" cassaient des cailloux sous la menace de la trique à Dar El Hamri [sic], au Maroc, ou bien ils asséchaient les marais des environs de Kénitra. Les industriels réclamaient depuis longtemps un chemin de fer à voie normale."
Daeninckx étant historiquement exact quant à La Courtine et certains personnages ou événements évoqués ici ou là ds le corpus, j'aurais tendance à penser qu'il n'a pas inventé non plus ces hauts lieux de DAR BEL AMRI (ainsi orthographié aujourd'hui) et de KENITRA dont je n'ai jamais entendu parler sous cet angle, contrairement à Tataouine, Biribi, Thiaroye etc... Les prisons hassaniennes de Kénitra, sa base américaine sont célèbres mais quid d'un camp disciplinaire ? Et quid de celui de Dar Bel Amri (village du Rharb, entre Sidi Slimane et El Kansera) ?...S'il s'agit bien de camps...militaires ? disciplinaires ou bien de bagnes + ou - occultes ? Ds tous les cas, à quand remontent-ils ?, jusqu'à quand ont-ils été opérationnels ? Ont-ils également "hébergé" des Marocains ou autres malheureux d'AFN ou AOF ?
A moins que simplement ces deux lieux ne soient donnés qu'à titre d'exemples peu hospitaliers...
Je n'ai à ce jour aucune piste... Merci d'avance de bien vouloir me mettre en route...
... et que vive le guichet ! Admirative de la rigueur, la diligence, la patience, bien souvent, la courtoisie de vos réponses, je n'ai guère de peine à vous imaginer peut-être victime d'un succès bien justifié... et souhaite vivement que les moyens accordés à une si heureuse initiative suivent !
anenmir
PS-sourire : Et sur Tortelos de Lagos, sauriez-vous qq chose ?
Rassurez-vous, je fais pour une fois la réponse : 1 lycéenne en quête des "Liaisons dangereuses" s'est vaguement souvenue du nom de l'auteur... probablement africain, a-t-elle même précisé pour faire bonne mesure. [même pas inventé, promis-juré]
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 29/01/2005 à 15h40
Le passage du livre de Daeninckx que vous citez fait allusion aux mutineries de 1919, qui eurent effectivement lieu sur les bateaux cités et qu’on retrouve mentionnées dans la plupart des notices biographiques d’André Marty et Charles Tillon, autre mutin devenu célèbre. Pour en savoir plus : Les mutins de la Mer Noire, de Jacques Raphaël-Leygues ou Les mutins de la Mer Noire, de Jean Le Ramey.
C’est en consultant les souvenirs de Tillon : La révolte vient de loin, que l’on en apprend plus sur le pénitencier militaire de Dar Bel Hamri, dans le chapitre du même nom. Charles Tillon y a été emprisonné de juillet à décembre 1920.
« A l’entrée du camp, on lisait « Pénitencier de Dar Bel Hamri ». C’était le centre de répartition des « compagnies de travail » fournies par l’armée aux entreprises de travaux publics et de profit des colonisateurs du Maroc français … » note 1, p. 385.
Il décrit les conditions de détention, très pénibles, rapporte le récit d’un prisonnier marocain (militaire pour la France), et raconte que lui et ses compagnons d’infortune étaient régulièrement envoyés sur un chantier :
« Notre chantier est situé au centre d’une dépression de terrain, à quatre cents mètres du campement , à cinq kilomètres environ du port de Kénitra »… « Nous formons un maillon d’une chaîne de travail employée à la construction d’une ligne de chemins de fer moderne … » p. 398-399.
Pour les dates, nous apprenons que « La loi du 21 Août 1920 permettait le commencement des travaux sur des concessions de terrain acquises pour presque rien par le protectorat (et ses protégés). »
Les travaux du chemin de fer à Kénitra n’ont donc commencé qu’à partir de cette date. On peut supposer que le camp de Dar Bel Hamri n’a servi de pénitencier militaire qu’à cette date aussi, du moins, forcément après 1914.
D’après ce site touristique à la page Les pégriots de Kénitra en 1931, on apprend que « le pénitencier de Kénitra a remplacé celui de Dar-Bel-Hamrit, qui en 1931 n’existe plus. »
Les souvenirs d’Albert Londres dans Dante n’avait rien vu confirment et la dureté des conditions de détention et de travail, et la présence de prisonniers arabes.
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