Question d'origine :
Bonjour,
dans un article paru dans "L'histoire" n°271 (2002, p. 22) de Catherine Guignon intitulé "La Santé si mal nommée", l'auteur écrit : "L'histoire de la prison est marquée par quelques mutineries (comme celle tonitruante de 800 détenus en 1962".
Après de nombreuses recherches, je n'ai rien trouvé évoquant cette mutinerie de 800 détenus à la Prison de la Santé en 1962. Bref, je m'adresse à vous pour en savoir un peu plus sur cet évenement.
Je peux vous donner deux pistes mais je ne sais pas si elles seront fructueuses : vous avez à la bibliothèque de Lyon deux ouvrages qui pourraient avoir des élements de réponses :
-Pierre Montagnon, "42 rue de la santé. une prison politique, 1867-1968"
-Jacques-Guy Petit, "Histoire des prisons en France, 1789-200".
Je vous remercie.
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 22/06/2010 à 09h46
Catherine Guigon mentionne effectivement une mutinerie dans le numéro 270 de l’Histoire. Aucun document ne fait état de cette mutinerie, mais il ressort que l’actualité des prisons françaises en 1962 est liée à la guerre d’Algérie.
Sans connaitre la date exacte de ces événements, il a été difficile de trouver des informations dans les différents ouvrages consultés.
L’ouvrage Histoire des prisons en France ne donne pas de détail sur les établissements pénitentiaires, mais donne quelques informations sur le climat qui y règne en 1962, notamment la menace de coups de main de la part de détenus activistes (partisans de l’Algérie française) (p.211)
C’est le livre de Pierre Montagnon , 42 rue de la Santé, disponible uniquement au centre de documentation du Centre d’Histoire, de la Résistance et de la Déportation, qui nous a mis sur la voie :
Le 20 avril 1962, en fin de journée, la quartier haut est en ébullition. Une rumeur circule : "Salan a été arrêté", "Il vient d’arriver à la Santé". La nouvelle est exacte. Le commandant en chef de l’OAS a été localisé et arrêté le matin même, rue Desfontaines à Alger, sur trahison d’un certain Lavanceau qui avait réussi à avoir le contact avec lui sous couvert de négociations avec le MNA de Messsali Hadj. L’Organisation aux abois cherchait des alliés. Cette recherche a été fatale au chef de l’OAS bientôt dirigé sur Paris par avion spécial.
Son arrivée ne passe pas inaperçue. Dès 19 heures, des renforts de gardes mobiles pénètrent à l’intérieur de la prison. A l’extérieur, la rue de la santé est rigoureusement interdite. Des fenêtres des cellules des cris commencent à fuser : "Algérie française", "Libérez Jouhaud", "Salan au pouvoir". […] Un peu après l’arrivée de Salan, des manifestants des deux bords se heurtent sur la boulevard Arago. Des coups sont échangés avant quer les gardiens de la paix ne dégagent la chaussée et ses abords. Au quartier haut, la présence proche du grand patron, inculpé d’attentat et complot contre l’autorité de l’Etat, déclenche un tohu-bohu général. Mais les portes des cellules sont à l’épreuve des coups les plus rudes. Quelques uns essaient de les enflammer. Ceux qui réussissent à sortir (1) se heurtent vite au mur implacable des gardes mobiles. Il y a une quinzaine de blessés légers.
La note de bas de page (1) dit : "800 annoncera le rapport de l’administration pénitentiaire, mais ce chiffre parait élevé (à diviser au moins de moitié)"
Nous avons retrouvé dans nos collections du journal Le Monde, un article daté du 22-23 avril 1962 que nous mettons en pièce jointe.
Et aussi, l'arrivée de Salan à la Santé sur le site de l'INA.
Sur Internet, quelques rensignements complémentaires sur la maison d’arrêt de la Santé à Paris autour de la date que vous indiquez mentionne : La réforme de 1945, belle utopie au départ, s’est peu à peu transformée en une sorte de référence mythique, passage obligé des discours officiels. En 1955, la plupart des condamnés pour faits de collaboration sont sortis de prison. La prison reviendra à l’actualité avec le conflit algérien. Les mouvements indépendantistes algériens, qui se structurent, remplissent les prisons, à tel point que les prisons algériennes deviennent vite surpeuplées par les soutiens du FLN, et du MNA dans une moindre mesure. Pour cela, 1600 prisonniers seront internés en France. Le 16 juillet 1957, les détenus de la Santé, parmi lesquels des algériens du FLN, se mutinent. A l’occasion d’un mouvement des gardiens (réclamant une revalorisation de leur salaire), les détenus, mécontents de ne pas recevoir leur repas, chahutent, comprennent l’absence des geôliers, et brisent quelques cellules. Huit escadrons de gardes républicains et de gendarmes mobiles sont envoyés pour mater les rebelles, dont certains lancent des briques depuis les toits. Parmi les détenus se trouve Ahmed Ben Bella, qui « fait effort pour rétablir le calme ». Il s’agit de la première grande mutinerie française depuis la libération de Paris. Le 18 juin 1959 débute une grève de la faim dans les établissements de Fresnes et de la Santé en vue de l’obtention du statut de détenu politique. Le 2 juillet 1959, le “ régime A ” est accordé aux détenus du FLN. Ce régime spécial se détériore peu à peu pour déboucher sur une nouvelle grève de la faim de 18 jours, qui commence le 2 novembre 1961. La lutte des détenus algériens est suivie du transfert de Ben Bella (et de quatre autres chefs historiques de la rébellion capturés en 1956, dont Boudiaf et Aït Ahmed), de Saint-Martin de Ré à l’île d’Aix, puis au château de Turquant. La pratique du transfert est alors appliquée dans un but politique évident d’apaisement des prisons. Le tourisme pénitentiaire, technique de maintien de l’ordre au sein des prisons, est dicté par le pragmatisme qui tient compte du caractère endémique de la surpopulation carcérale, propice aux mouvements collectifs. Au terme de la signature des accords d’Evian, le décret du 22 mars 1962, portant amnistie des infractions commises au titre de l’insurrection algérienne, entraîne la libération de 5451 détenus. L’arrêt des hostilités provoque également le rapatriement du personnel pénitentiaire stationné en Algérie. Celui-ci se montrera totalement étranger aux principes de la réforme de 1945. Une fois l’indépendance de la France acquise vis à vis de l’Algérie (le pétrole algérien continuant d’être payé en francs, et la France conservant un droit sur le Sahara pour ses essais nucléaires), le pouvoir gaulliste va s’affronter aux activistes de l’Organisation armée secrète. Ceux-ci se sont lancés contre une lutte à mort contre le général.
Source : Association pour la communication sur les prisons et l’incarcération en Europe
Merci à CJ du CHRD pour son aide précieuse.
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