mythologie*
DIVERS
+ DE 2 ANS
Le 01/01/2005 à 21h52
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Question d'origine :
je voudrais savoir dans quel mythe ou histoire, figure un pélican donnant son foie pour nourrir ses enfants?
Merci à toute la bibliothèque et bonne année
Réponse du Guichet
anonyme
- Département : Équipe du Guichet du Savoir
Le 04/01/2005 à 13h35
Vous confondez deux mythes : celui de Prométhée et celui du pélican.
C'est Prométhée dont le foie était quotidiennement dévoré par un aigle. Créateur de la race humaine, il la protègea de la colère de Zeus en récupérant le feu dont ce dernier l'avait privé. Zeux décida alors de l'enchaîner sur une montagne où son aigle venait quotidiennement dévorer son foie qui repoussait la nuit. Son supplice dura trente ans avant d'être délivré.
source : Insecula
Quant au pélican, il s'agit d'une légende qui prendrait sa source dans les mythes égyptiens et aurait été reprise (par erreur de traduction) par le symbolisme christique qui fait du pélican le symbole du sacrifice du Christ, et de l'amour paternel : le pélican se sacrifie à ses enfants et les nourrit de ses entrailles :
Il est peu d'animaux qui se soit prêté autant que le pélican à une utilisation aussi foisonnante en métaphores, symboles, emplèmes, devises, et cela en tous les domaines. Le symbole, on le sait, part toujours d'un élément réel et la réalité de cet oiseau, sa figure, ses moeurs pouvaient bien frapper les imaginations, après avoir attiré l'attention des naturalistes.
[...]
Le plus ancien pélican porteur de sens est celui de la Bible, le pélican du désert, qui fut dévié de sa signification première par suite d'interférences avec les légendes d'autre origine, et ainsi utilisé par les Pères, les Docteurs, les prédicateurs, les auteurs mystiques. Les traductions des Psaumes par les Réformés reprirent et prolongèrent le symbole.
Les interférences viennent de deux autres sources qui ont elles-mêmes mêlé leurs eaux. D'abord le Physiologus. Ce titre fut, sans doute, le nom d'un naturaliste païen, avant d'être appliqué à l'ouvrage dont il est à l'origine. ; ouvrage rédigé, selon toute probabilité, dans la seconde moitié du IIème siècle, en grec, à Alexandrie. Quarante-huit animaux, plantes et pierres y sont décrits. L'Alexandrin, par rapprochements symboliques, y a ajouté, pour chacun, une interprétation chrétienne. L'ouvrage eut une étonnante diffusion. Il est assez difficile d'en élucider les dates et les auteurs, il fut attribué aux plus grands noms de l'Antiquité chrétienne.
source : Le pélican : histoire d'un symbole, Lucienne Portier, 1984. Cet ouvrage traite également des très nombreux exemples en littérature inspirés du pélican.
Alfred de Musset l'a immortalisé dans un sublime poème La nuit de mai, dont voici un extrait :
Quel que soit le souci que ta jeunesse endure,
Laisse-la s'élargir, cette sainte blessure
Que les noirs séraphins t'ont faite au fond du cœur ;
Rien ne nous rend si grands qu'une grande douleur.
Mais, pour en être atteint, ne crois pas, ô poète,
Que ta voix ici-bas doive rester muette.
Les plus désespérés sont les chants les plus beaux,
Et j'en sais d'immortels qui sont de purs sanglots.
Lorsque le pélican, lassé d'un long voyage,
Dans les brouillards du soir retourne à ses roseaux,
Ses petits affamés courent sur le rivage
En le voyant au loin s'abattre sur les eaux.
Déjà, croyant saisir et partager leur proie,
Ils courent à leur père avec des cris de joie
En secouant leurs becs sur leurs goitres hideux.
Lui, gagnant à pas lents une roche élevée,
De son aile pendante abritant sa couvée,
Pêcheur mélancolique, il regarde les cieux.
Le sang coule à longs flots de sa poitrine ouverte ;
En vain il a des mers fouillé la profondeur ;
L'Océan était vide et la plage déserte ;
Pour toute nourriture il apporte son cœur.
Sombre et silencieux, étendu sur la pierre,
Partageant à ses fils ses entrailles de père,
Dans son amour sublime il berce sa douleur,
Et, regardant couler sa sanglante mamelle,
Sur son festin de mort il s'affaisse et chancelle,
Ivre de volupté, de tendresse et d'horreur.
Mais parfois, au milieu du divin sacrifice,
Fatigué de mourir dans un trop long supplice,
Il craint que ses enfants ne le laissent vivant ;
Alors il se soulève, ouvre son aile au vent,
Et, se frappant le cœur avec un cri sauvage,
Il pousse dans la nuit un si funèbre adieu,
Que les oiseaux des mers désertent le rivage,
Et que le voyageur attardé sur la plage,
Sentant passer la mort, se recommande à Dieu.
Poète, c'est ainsi que font les grands poètes.
Ils laissent s'égayer ceux qui vivent un temps ;
Mais les festins humains qu'ils servent à leurs fêtes
ressemblent la plupart à ceux des pélicans.
Quand ils parlent ainsi d'espérances trompées,
De tristesse et d'oubli, d'amour et de malheur,
Ce n'est pas un concert à dilater le cœur.
Leurs déclamations sont comme des épées :
Elles tracent dans l'air un cercle éblouissant,
Mais il y pend toujours quelque goutte de sang.
Vous pouvez également consulter les ressources suivantes sur le web :
* le site du diocèse de Bourges
* pélican, le bon père site personnel
Ainsi que cet ouvrage : "Le Mythe du Pélican, de Marot à Musset, ou l'histoire d'une profanation", Alfred de Musset, Premières poésies, Poésies nouvelles. Actes de la journée d'étude organisée par l'École doctorale de Paris-Sorbonne 18 novembre 1995. Textes réunis par Pierre Brunel et Michel Crouzet, Mont-de-Marsan, Éditions InterUniversitaires, 1995, p. 187-207, disponible à la bibliothèque universitaire Lyon 3.
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