Question d'origine :
Bonjour à tous,
lors de la campagne de Russie en 1812, des soldats de Napoléon ont été fait prisonniers par les Russes. Certains sont restés prisonniers jusqu'en 1814. Quelles étaient leur conditions d'existence pendant ces années en Russie ?
Merci pour votre aide
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 15/12/2004 à 13h45
Les prisonniers de guerre français en Russie «… formaient toute une armée de 200000 à 210000 hommes… En 1813 fut publiée une circulaire de K. Viazmitinov, ministre de la police, suivie en novembre 1813 d’un oukaze du tsar, d’après lesquels les prisonniers de guerre de la Grande Armée pouvaient, à titre de colons étrangers, se faire naturaliser ; ils étaient libres de pratiquer leur culte, exemptés de service militaire et d’impôts pendant cinq à dix ans. En même temps, ils touchaient un subside… et recevaient un lopin de terre en Ukraine ou en Sibérie.
L’ordonnance prévoyait une citoyenneté provisoire (de deux à trois ans) ou « perpétuelle », et exigeait de préciser l’appartenance à telle ou telle catégorie sociale… Les artisans (la couche bourgeoise) avaient le droit d’ouvrir des ateliers ; ceux qui allaient travailler dans des fabriques concluaient un contrat individuel avec le patron de l’entreprise (en présence d’un fonctionnaire) sur l’embauche et les conditions de travail (ce qui était inconnu des ouvriers serfs russes).
En août 1814, presque un quart des prisonniers de guerre devinrent ainsi sujets du tsar, la majorité prenant la citoyenneté provisoire. La guerre continuait, et le statut provisoire de citoyen russe était beaucoup moins pesant que celui de prisonnier de guerre. Il n’y avait pas eu, depuis Pierre Ier, de projet plus ambitieux : plus de 200000 ressortissants d’Europe occidentale (l’équivalent de la population d’une ville comme Moscou ou Saint-Pétersbourg en 1812) furent ainsi versés dans l’industrie, le commerce et l’agriculture ; auparavant l’émigration royaliste en Russie (le duc de Richelieu, le comte de Langeron, etc.) avait grossi les effectifs de l’armée ou de l’administration.
Mais l’expérience ne dura pas : quand l’Empire s’effondra en 1814, les Bourbons demandèrent à Alexandre Ier de rendre les prisonniers de guerre à la France… Le tsar réagit vivement à la demande de Louis XVIII. Le baron Morain, « commissaire du roi au renvoi accéléré en France des prisonniers de guerre se trouvant dans l’Empire russe », comme disait son mandat, partit alors pour la Russie. Dès l’été 1814, dans les journaux russes en français et en allemand, il commença à publier des annonces sur le rapatriement des prisonniers de guerre et la majorité d’entre eux, y compris ceux qui avaient pris la nationalité russe provisoire, répondirent à cet appel. En automne 1814, un premier convoi de trois bateaux, avec 900 anciens prisonniers de guerre à bord, quitta Riga pour Le Havre. A la fin de 1815 (avec un arrêt lors des Cent-Jours), l’écrasante majorité des prisonniers avaient regagné la France par mer ou par terre.
Mais pas tous. Ceux qui avaient peu servi (depuis 1811-1812) ou, au contraire, depuis longtemps combattu dans l’armée de Napoléon, ceux qui n’avaient pas ou plus de famille, ne tenaient pas à revenir en France… La pression de ceux qui ne cherchaient pas à partir de leur plein gré fut très forte puisque, le 29 août 1814, le tsar fit paraître un nouvel oukaze précisant que le rapatriement était volontaire et qu’on ne devait renvoyer personne de force.
Jusqu’en 1816, le gouvernement de Louis XVIII faisait placer, en français, des annonces dans les journaux russes pour obtenir le retour immédiat des Français. Le nombre des soldats ou officiers de Napoléon restés en Russie après 1816 était donc considérable : les Bourbons n’auraient pas déployé une telle activité pour quelques centaines de personnes… » (Vladlène Sirotkine in Dictionnaire Napoléon, sous le dir. de Jean Tulard, T. II)
Dictionnaire Napoléon / sous la dir. de Jean Tulard, T. II
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