Question d'origine :
Dans notre village, un sujet fait débat : pour ou contre les sonneries civiles des cloches de l'église la nuit. (Les cloches sonnent deux fois chaque heure nuit et jour). Je souhaiterais savoir à quand remonte la tradition de ces sonneries nocturnes. Je pensais naïvement qu'elles étaient liées à la mécanisation et non à un besoin de connaître et faire connaître l'heure de nuit.
Merci
Réponse du Guichet
gds_db
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 22/09/2009 à 10h26
Réponse du service Guichet du Savoir
Bonjour,
La jurisprudence administrative se montre assez constante dans son orientation depuis plus d’un siècle : le maire peut à bon droit maintenir la sonnerie des cloches « dès lors que cette pratique correspond à un usage local auquel les habitants de la commune sont attachés et malgré une interruption pendant plusieurs années ».
source et pour en savoir plus :
- Carrefourlocal.senat.fr
- www.territorial.fr
A quand remonte la tradition de ces sonneries nocturnes ?
Selon les particularités locales, la réponse à votre question va être bien différente comme le montrent les différents extraits suivants :
Grâce à la cloche, chacun est prévenu du déroulement des heures. Ce futCharles V qui, vers l'an 1370, régla, le premier en France, la sonnerie horaire des horloges monumentales *¹ ; mais l'usage de la cloche comme instrument sonore indicateur de l'heure se retrouve à travers toute l'Europe*² . La vie quotidienne était rythmée par cette sonnerie. C'est un point de repère pour tous.
Beaucoup de cloches ont été faites spécialement pour servir de timbres (de tinterelles, dit-on en Normandie) à l'horloge publique. Il peut y en avoir de une à trois par horloge selon que l'on veut distinguer la sonnerie de l'heure de la sonnerie des quarts et des demis.
source : La grande aventure des cloches / Eric Sutter
voir aussi le site Campanologie.free.fr
*¹ en 1370, Charles V ordonne que toutes les cloches de Paris se règlent sur l'horloge du palais royal qui sonne les heures et les quarts d'heure.
source : La nouvelle histoire / par Jacques Le Goff
*²Les horloges sonnant les heures, une nouveauté technique sensationnelle au XIVe siècle
Une chronique urbaine deMilan mentionne pour l'année 1336 l'installation d'une horloge admirable par sa manière de sonner les heures, et de la plus grande utilité pour toutes les catégories de la population :
... il y a de nombreuses cloches au sommet de la tour ; là se trouve une horloge admirable, parce qu'il s'agit d'une très grande cloche (tyntinabulum) qui frappe une cloche (campana)vingt-quatre fois, selon le nombre des vingt-quatre heures du jour et de la nuit , si bien qu'elle donne une note à la première heure, deux coups à la deuxième, trois à la troisième et quatre à la quatrième, et elle distingue ainsi les différentes heures. C'est extrêmement nécessaire pour toutes les catégories.
source : L'histoire de l'heure: l'horlogerie et l'organisation moderne du temps / Par Gerhard Dohrn-van Rossum, Olivier Mannoni
Il convient de replacer l'horloge publique dans l'ensemble des signaux de la ville, et notamment dans un "environnement acoustique" très encombré : les villes avaient été amenées à multiplier le nombre de cloches, chaque activité ou groupe social reconnaissant le son de la sienne, outre les cloches "communes" ; d'ailleurs, vers 1300, le nombre de cloches d'une ville était un indice de sa grandeur : "la diversité des sonneries symbolisait la différenciation politique et socio-économique" de la ville. Une telle diversité de signes émis n'étaient spontanément comprise que par les habitués ; des "querelles de sonneries" étaient réglées en fonction du "statut social" de la cloche. [...]
Cependant, si certaines chroniques urbaines signalent avec fierté qu'elles disposent d'une horloge qui "sonne les heures du jour et de la nuit", pendant longtemps beaucoup de villes se contentèrent de sonner les heures modernes de jour seulement, afin d'éviter un dérangement nocturne inutile : la notion de journée pleine abstraite de 24 heures égales se heurtait encore à la résistance de l'ancienne division entre jour et nuit.
L'usage des indications horaires modernes et abstraites restait donc, une possibilité, mais non une obligation*.
*Selon Dohrn-Van Rossum, 1997, p.225 et suivantes, la fameuse ordonnance de 1370, à travers laquelle Charles V aurait imposé à toutes les cloches de Paris de s'aligner sur l'horloge du Palais royal, souvent évoquée par les historiens, ne serait qu'une légende, trop belle pour être vraie : personne - pas même ceux qui la citent n'aurait jamais vu cette ordonnance.
source : Régulation temporelle et territoires urbains : habiter l'espace et le temps d'une ville / René Kahn
L'ouvrage d'Alain Corbin intitulé Les cloches de la terre : paysage sonore et culture sensible dans les campagnes au XIXe siècle présente cette histoire complexe de la cohabitation des sonneries civiles et religieuses et de leurs codes :
p. 155-156
Sous l'Ancien-Régime, l'extrême diversité des manières de sonner imposait aux habitants de chaque paroisse un apprentissage spécifique. Bien que les autorités du XIXe siècle se soient efforcées d'instaurer une certaine uniformité, dans le cadre du département, chaque communauté continue de posséder son code de sonneries, compris de chacun de ses membres ; ce code demeure, au moins partiellement hermétique à l'"étranger". Les gouvernements successifs ont en effet admis la perpétuation de ces "usages mémoriaux", que prélats et préfets se sont, à plusieurs reprises, efforcés d'enregistrer, en même temps qu'ils tentaient d'en repérer l'origine. [...]
Nombre de conflits passionnés naissent alors de l'incohérence des annonces et de la désorganisation de l'architecture temporelle qui en résulte.
Quel que soit le lieu, le langage des cloches, qui ordonne l'information et la communication au sein de la communauté, doit obéir à quelques règles, uniformes celles-là.La sonnerie religieuse a priorité sur toute autre. Le curé ou le desservant doit être informé de l'usage civil de la cloche. Nous l'avons vu, sauf exception circonstanciée, on ne sonne pas avant l'angélus du matin et après l'angélus du soir. Le sonneur civil - s'il ne confond pas avec le sonneur religieux - doit éviter tout simultaneum ; il ne lui est pas permis de mettre en branle une cloche dans l'intervalle des différentes séquences d'une sonnerie religieuse. Il ne doit pas sonner durant un office. Le règlement de la Dordogne (1884) prévoit qu'en vertu de cette infériorité de principe, "les sonneries civiles seront suspendues du jeudi saint à neuf heures du matin au samedi saint à midi". Plus précisément, aucune sonnerie civile ne doit risquer d'être confondue avec une sonnerie religieuse.
p. 118 : Si l'on en croit l'arrêté municipal du maire de Verdun, daté du 14 octobre 1907, les sonneries sont autorisées de trois heures du matin à neuf heures le soir du 1er mai au 1er octobre et de cinq heures et demie à huit heures et demie le reste l'année...
L'apparition d'instruments modernes de mesure du temps et notamment l'invention des horloges à poids moteur, permettent très tôt le tintement automatique de la cloche marquant les heures du jour comme de la nuit.
Cette évolution technique ainsi que le développement de l'usage de l'horloge publique dès le XIVe siècle, facilitent le passage de l’heure antique à l’heure moderne impliquant le passage d’une division ecclésiastique du temps à une division laïque du temps. Mais ceci ne s'est pas fait au même rythme sur tout le territoire.
Dans bien des communes rurales, le poids de la tradition et des usages religieux l'emportent.
Les sonneries de l'angélus (retentissant le matin à midi et le soir), les sonneries des heures, du couvre-feu et de sa levée, celles réglementant l'organisation de la vie professionnelle, les évènements exceptionnels comme les fêtes civiles et religieuses relèvent de particularités locales ou régionales.
Dans la mesure où l'usage du décompte moderne des heures n'a pas été prescrit par une quelconque autorité mais s'est imposé de lui-même sur l'ensemble du territoire, il nous est impossible de le dater précisément.
Nous vous conseillons donc de rechercher l'histoire de votre "clocher" pour savoir quels étaient les usages locaux réglementant les sonneries civiles nocturnes de votre propre commune.
Pour approfondir le sujet, deux réponses sur la réglementation :
- Nuisances sonores : les cloches
- Cloches (nuisances)
et une réponse sur l'histoire des cloches : Les cloches, origine, fabrication etc.
Bonjour,
La jurisprudence administrative se montre assez constante dans son orientation depuis plus d’un siècle : le maire peut à bon droit maintenir la sonnerie des cloches « dès lors que cette pratique correspond à un usage local auquel les habitants de la commune sont attachés et malgré une interruption pendant plusieurs années ».
source et pour en savoir plus :
- Carrefourlocal.senat.fr
- www.territorial.fr
A quand remonte la tradition de ces sonneries nocturnes ?
Selon les particularités locales, la réponse à votre question va être bien différente comme le montrent les différents extraits suivants :
Grâce à la cloche, chacun est prévenu du déroulement des heures. Ce fut
Beaucoup de cloches ont été faites spécialement pour servir de timbres (de tinterelles, dit-on en Normandie) à l'horloge publique. Il peut y en avoir de une à trois par horloge selon que l'on veut distinguer la sonnerie de l'heure de la sonnerie des quarts et des demis.
source : La grande aventure des cloches / Eric Sutter
voir aussi le site Campanologie.free.fr
*¹ en 1370, Charles V ordonne que toutes les cloches de Paris se règlent sur l'horloge du palais royal qui sonne les heures et les quarts d'heure.
source : La nouvelle histoire / par Jacques Le Goff
*²
Une chronique urbaine de
... il y a de nombreuses cloches au sommet de la tour ; là se trouve une horloge admirable, parce qu'il s'agit d'une très grande cloche (tyntinabulum) qui frappe une cloche (campana)
source : L'histoire de l'heure: l'horlogerie et l'organisation moderne du temps / Par Gerhard Dohrn-van Rossum, Olivier Mannoni
Il convient de replacer l'horloge publique dans l'ensemble des signaux de la ville, et notamment dans un "environnement acoustique" très encombré : les villes avaient été amenées à multiplier le nombre de cloches, chaque activité ou groupe social reconnaissant le son de la sienne, outre les cloches "communes" ; d'ailleurs, vers 1300, le nombre de cloches d'une ville était un indice de sa grandeur : "la diversité des sonneries symbolisait la différenciation politique et socio-économique" de la ville. Une telle diversité de signes émis n'étaient spontanément comprise que par les habitués ; des "querelles de sonneries" étaient réglées en fonction du "statut social" de la cloche. [...]
L'usage des indications horaires modernes et abstraites restait donc, une possibilité, mais non une obligation*.
*Selon Dohrn-Van Rossum, 1997, p.225 et suivantes, la fameuse ordonnance de 1370, à travers laquelle Charles V aurait imposé à toutes les cloches de Paris de s'aligner sur l'horloge du Palais royal, souvent évoquée par les historiens, ne serait qu'une légende, trop belle pour être vraie : personne - pas même ceux qui la citent n'aurait jamais vu cette ordonnance.
source : Régulation temporelle et territoires urbains : habiter l'espace et le temps d'une ville / René Kahn
L'ouvrage d'Alain Corbin intitulé Les cloches de la terre : paysage sonore et culture sensible dans les campagnes au XIXe siècle présente cette histoire complexe de la cohabitation des sonneries civiles et religieuses et de leurs codes :
p. 155-156
Sous l'Ancien-Régime, l'extrême diversité des manières de sonner imposait aux habitants de chaque paroisse un apprentissage spécifique. Bien que les autorités du XIXe siècle se soient efforcées d'instaurer une certaine uniformité, dans le cadre du département, chaque communauté continue de posséder son code de sonneries, compris de chacun de ses membres ; ce code demeure, au moins partiellement hermétique à l'"étranger". Les gouvernements successifs ont en effet admis la perpétuation de ces "usages mémoriaux", que prélats et préfets se sont, à plusieurs reprises, efforcés d'enregistrer, en même temps qu'ils tentaient d'en repérer l'origine. [...]
Nombre de conflits passionnés naissent alors de l'incohérence des annonces et de la désorganisation de l'architecture temporelle qui en résulte.
Quel que soit le lieu, le langage des cloches, qui ordonne l'information et la communication au sein de la communauté, doit obéir à quelques règles, uniformes celles-là.
p. 118 : Si l'on en croit l'arrêté municipal du maire de Verdun, daté du 14 octobre 1907, les sonneries sont autorisées de trois heures du matin à neuf heures le soir du 1er mai au 1er octobre et de cinq heures et demie à huit heures et demie le reste l'année...
L'apparition d'instruments modernes de mesure du temps et notamment l'invention des horloges à poids moteur, permettent très tôt le tintement automatique de la cloche marquant les heures du jour comme de la nuit.
Cette évolution technique ainsi que le développement de l'usage de l'horloge publique dès le XIVe siècle, facilitent le passage de l’heure antique à l’heure moderne impliquant le passage d’une division ecclésiastique du temps à une division laïque du temps. Mais ceci ne s'est pas fait au même rythme sur tout le territoire.
Dans bien des communes rurales, le poids de la tradition et des usages religieux l'emportent.
Les sonneries de l'angélus (retentissant le matin à midi et le soir), les sonneries des heures, du couvre-feu et de sa levée, celles réglementant l'organisation de la vie professionnelle, les évènements exceptionnels comme les fêtes civiles et religieuses relèvent de particularités locales ou régionales.
Dans la mesure où l'usage du décompte moderne des heures n'a pas été prescrit par une quelconque autorité mais s'est imposé de lui-même sur l'ensemble du territoire, il nous est impossible de le dater précisément.
Nous vous conseillons donc de rechercher l'histoire de votre "clocher" pour savoir quels étaient les usages locaux réglementant les sonneries civiles nocturnes de votre propre commune.
Pour approfondir le sujet, deux réponses sur la réglementation :
- Nuisances sonores : les cloches
- Cloches (nuisances)
et une réponse sur l'histoire des cloches : Les cloches, origine, fabrication etc.
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