Question d'origine :
Bonjour,
je cherche des élèments sur le personnage d'eusatche le moine, notable du Boulogne-sur-Mer fin XII ème, qui fut sénéchal de Renaud de Dammartin, conte de Boulogne. Après une brouille avec ce dernier il s'allia à Jean Sans terre et devint pirate. R de Dammartin s'est ensuite faché avec Philippe Auguste et Eustache a alors changé de camp et s'est battu contre les anglais aux côté de Ph Auguste. Il a été pris par les anglais à la bataille de Sandwich et décapité.
Je cherche des documents autour de ces guerres franco-anglaises entre Jean-sans-terre et Philippe Auguste, la bataille de Bouvine (Renaud de D s'y bat contre Ph A)...
Merci
Françoise Barret
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 10/12/2008 à 17h54
Indiquons en premier lieu les deux ouvrages classiques qui consacrent une dizaine de pages à cet Eustache sur lequel on ne sait visiblement pas grand-chose de précis :
Histoire des corsaires de Jean Merrien
Visages de corsaires de Roger Vercel
Quelques ouvrages généraux susceptible de renfermer quelques détails supplémentaires :
Histoire des pirates et des corsaires de Ludwig Buhnau
Histoire de la piraterie de Robert de La Croix
Histoire des corsaires d’Auguste Toussaint
Les pirates de Gilles Lapouge
Pirates, flibustiers et corsaires de Gérard A. Jaeger
Le grand livre des aventuriers des mers de Didier Pouillaude
Une série de sites :
Eustache le moine
Eustache le moine
Eustache le moine
Blanche de Castille
Héritage Guernsey
Les Capétiens: Philippe Auguste
Quid : Capétiens
Du donjon au tribunal
Eustache le moine
Eustache le moine
Eustache le moine
Pour finir, un article qui donne les grandes lignes de la conjoncture historique dans laquelle s’inscrit l’activité d’Eustache le moine :
La vérité sur “Louis Ier” : le retour.
le Lion en Angleterre en 1216
par Hefiz
Voici la suite et fin des cavalcades de Louis en Angleterre; appelé par la noblesse anglaise, en révolte contre le monstrueux Jean sans Terre, Louis de France, fils de Philippe (le futur Auguste), batailla durement avec gloire et succès contre le parti du honni avant de se décourager après quelques échecs et la trahison progressive des pairs anglais orchestrée par la papauté.
Nous sommes en 1216. Louis, décrit comme chétif et petit par rapport à son vigoureux père Philippe, se trouve en Angleterre à l'appel des barons du pays pour les aider à chasser Jean sans Terre (le meurtrier présumé d'Artus, l'héritier de Richard Coeur-de-Lion) et sa clique de féaux.
le contexte politique
Pour des histoires de despotisme paternel, c'est à grand-peine que Louis pût monter matériellement son expédition. Rappelons que l'expédition avait été préparée par Philippe pour châtier Jean au nom du Pape et de toute la Chrétienté mais que la rouerie de Jean l'en avait empêché. Jean avait en effet, dans un premier temps, fait soumission au Pape, puis été jusqu'à offrir le royaume d'Angleterre à la papauté. (de la part d'un usurpateur, voilà qui est bien joué...) Le Pape Honorius III considérait donc l'Angleterre comme un fief épiscopal et, tout à son idée de croisade en Orient, voyait d'un très mauvais oeil toute dissenssion entre ces deux royaumes chrétiens catholiques. C'est ainsi que le Pape soutint Jean, puis le tout jeune Henri III, contre les partisans de Louis, allant même jusqu'à excommunier le parti français.
Le statut de Louis : Louis n'était pas un usurpateur sans foi ni loi; il n'a jamais signé "Louis, Roi d'Angleterre"; c'est une légende. Le 21/11/1216, il signait encore "Louis, fils aîné de Monseigneur le roi de France", sceau de cire verte pendant sur lacs de soie rouge et verte.
la réussite de Louis
C'est Juillet finissant. Louis, souverain légitime (mais non sacré puisqu'excommunié), tient tout l'Ouest, le Nord, Londres; il dispute le centre aux "royalistes" de Jean sans Terre et les royaumes de Galles et d'Ecosse tiennent pour lui. Ne lui manquent dans les territoires contrôlés que trois places-fortes (Douvres, Lincoln et Windsor), hormis les marécageux châteaux d'Exeter et d'Ely (laissés aux grenouilles), la place de Worcester qui sera prise avant d'être reperdue le 17/07/1216 et l'abbaye de Saint-Augustin de Cantorbery (tenue par Alexandre, ami et frère de lait de Jean).
les relations avec le clergé
Les seuls couvents avec lesquels le parti de Louis a de mauvaises relations sont Saint-Augustin de Cantorbery et Westminster. Nul autre établissement religieux n'a eu à souffrir des Français. Par contre Jean sans Terre, juste avant de mourir, incendia complètement Petersborough et ses dépendances, chargea Savarin de Mauléon de détruire le monastère et la ville de Croyland, fit ou laissa piller Worcester par ses chefs de bandes le comte de Chester et Fauquet de Bréauté (17/07/1216).
la mort de Jean
"Sordida foedatur foedante Johanne gehenna" : La mort de Jean sans Terre va être à l'image de son règne : le 19 octobre 1216, il meurt de dysenterie après avoir trop bu de cidre, à l'abbaye de Swineshead. Et Matthieu de Paris d'écrire dans ses Chroniques que "Jean [était] plus souillé que l'enfer".
De manière surprenante, c'était la pire chose qui pouvait arriver à Louis. Après la mort de Jean, quelques barons anglais retournent leur veste, préférant voir sur le trône d'Angleterre l'enfant Henri (futur Henri III) que Louis, fût-il de haut lignage et reconnu roi par eux. Il faut alors à Louis batailler plus âprement face à la régence de Henri, prête à tout pour conserver ses privilèges en plaçant Henri sur le trône et en le régentant.
l'aide de la France
Louis s'embarque pour la France. Il pense pouvoir compter, quoique avec discrétion et parcimonie, sur l'aide de son père.
Pendant son absence début 1217, 150 nobles anglais, achetés par la régence de Henri III, font défection, leur "honneur" satisfait par les faveurs obtenues (de mars à avril 1217); les partisans de Henri allèrent même jusqu'à se croiser, parodiant ainsi "la chevalerie du Christ".
Nullement aidé par son père (qui le juge sans doute déjà bien trop puissant), Louis repart de Calais le 22/04/1217 avec 140 chevaliers et des mercenaires.
la campagne de 1217
Les royalistes fuyant devant lui à Winchester, et la garnison de Douvres n'ayant pas respecté la trêve conclue, il est obligé de revenir pour la 4éme fois à Douvres (12 mai 1217) en partageant son armée avec Sehier de Quinai.
La nouvelle armée de Sehier de Quinai se dirige vers Lincoln : cette ville fort populeuse et depuis longtemps toute acquise à Louis comporte un château-fort rebelle défendu par la (vieille) dame Nicole de la Haie, assiégé depuis mars par les Français et les norois, sous le commandement de Gilbert de Gant.
Lincoln
Au nord de la ville, fondé par le Téméraire, le château avait la réputation d'être inexpugnable, ayant servi de refuge à l'empress Mathilde en 1140.
Le 20 mai au matin, les royalistes arrivent en vue de Lincoln pour profiter de ce que Louis avait partagé son armée : comte de Chester, comte de Pembroke, comte de Salisbury et Pierre des Roches commandaient les "batailles". Presque tous les châteaux avaient été dégarnis pour constituer cette armée : 400 chevaliers, 300 arbalétriers plus les sergents à pied et à cheval. Face à eux l'armée des partisans de Louis : 600 chevaliers, 1000 fantassins et quelques seigneurs Français.
Les Français, trompés par les nuages de poussière levés par les chariots à bagages, crurent l'ennemi plus nombreux qu'eux et s'enfermèrent dans la ville, pensant prendre aussi le château en un seul assaut.
la bêtise de Perche et Quinai
MAIS! les royalistes firent un détour et entrèrent dans la ville par le château, au nord! Le comte du Perche et Sehier de Quinai avaient "oublié" de faire garder les abords du château du côté campagne!
Les royalistes entrent par là, mais sont empêchés de passer dans la ville et s'établissent en arbalétriers sur les murailles du château (côté ville); ils brisent aussi une porte de la ville et s'y engouffrent.
Pendant deux heures la mêlée est terrible dans les rues. Sans scrupules, les "chevaliers" royalistes tuaient les chevaux de leurs adversaires! A la fin, 400 chevaliers se rendirent. Dans la bataille moururent deux (2) personnes et le comte du Perche, et beaucoup de gens de pied massacrés lors de leur fuite par les paysans à l'entour. La ville fut mise à sac, y compris les églises. La journée prit le nom de Foire de Lincoln.
conséquences
La bataille eut une influence morale plutôt que matérielle, les prisonniers s'étant rachetés contre rançon. Malgré quelques défections anglaises supplémentaires, Louis restait très redoutable, comme le montrent les offres si conciliantes de la régence...
On conclut une paix le 12/06/1217 malgré le légat du Pape qui ne voulait pas amnistier les prélats favorables à Louis.
Cependant, Blanche de Castille, la femme de Louis et future mère de son fils (saint-) Louis, se démenait ( se "pener moult durement") en France et obtenait des renforts sous la forme d'une flotte. Les auxiliaires naturels de Louis étaient les Artésiens mais Louis n'était pas assez riche pour se payer largement leur concours; les nobles de cette terre qui l'avaient accompagné, nous dit l'Anonyme de Béthune, se plaignaient du "molt povre guerredon" qu'il leur offrait. Les marchands et les mariniers d'Artois, obligés de lui fournir des nefs et des vivres au moment de son premier embarquement en mai 1216, se virent frustrés de l'indemnité qu'il leur avait promise et firent des pertes considérables. Les plaintes des communes d'Arras et de Gravelines ressurgirent après la mort de Louis VIII vers sa veuve, devenue régente.
Pendant les mois de juin, juillet et août, entre le moment où les royalistes se dispersèrent et celui où la flotte française se prépara à quitter Calais, il ne se passa rien hormis des négociations infructueuses et la soumission des quelques rebelles; le nombre de ces soumissions, assez considérable en juin (310 à 313), décroit progressivement en juillet et en août; on savait qu'une armée de secours allait arriver et on attendait les évènements.
sur les eaux
Les côtes furent surveillées par les royalistes et les Français furent même inquiétés par les marins royalistes, qui venaient leur décocher des traits pendant qu'ils mettaient en état leurs nefs dans le port de Calais; mais un beau jour on se porta à la rencontre des Anglais, on les mit en déroute et on leur prit quelques bateaux. Enhardis par ce succès, les Français mirent à la voile et vinrent dans les ténèbres jeter l'ancre devant Douvres; le lendemain, ils voulurent gagner la Tamise, mais une tempête les rejeta sur le Boulonnais et la Flandre.
Le départ définitif eut lieu dans la nuit du 23 au 24 août 1217. La flotte comportait quatre-vingts nefs en tout, parmi lesquelles dix grands vaisseaux pour transporter une centaine de chevaliers et quelques centaines de sergents. Dans la première grande nef, commandée par Eustache le Moine, montèrent trente-six chevaliers, au milieu desquels figuraient Robert de Courtenai, Raoul de la Tournelle et le célèbre Guillaume des Barres; le maire de Boulogne, le châtelain de Saint-Omer, Michel de Harnes et le reste des chevaliers montèrent des les trois nefs suivantes; les six autres grands vaisseaux, fort bien appareillés pour soutenir un combat, reçurent les sergents. Quant aux soixante-dix petites nefs, elles contenaient "le harnois et la marchandise".
En somme, la flotte de secours n'aurait pas changé grand-chose sur le terrain de bataille, mais elle fut anéantie et cet évènement eut pour conséquence immédiate la conclusion de la paix.
la bataille navale
Les combats sur mer au moyen-âge ont été, sinon peu fréquents, du moins rarement décrits. Celle-ci fut au contraire racontée avec maints détails (et exagérations), pour la plus grande satisfaction des Anglais de nos jours, qui voient dans cette victoire remportée par leurs ancêtres du XIIIè siècle la première page glorieuse de leur histoire maritime.
A la nouvelle que la flotte française appareillait, Guillaume le Maréchal s'était rendu sur la côte avec toutes les forces dont il disposait. Le 19 août, la présence du roi (Henri) est signalée à Romney. Ce fut seulement à ce moment-là que les barons des Cinq-Ports retournèrent décidément au service de Henri III. Le Maréchal eut de longs pourparlers avec eux; ils se plaignaient amèrement des torts que leur avait faits le roi Jean; mais on leur promit de si belles récompenses, tant d'argent et tant de franchises pour l'avenir qu'ils s'engagèrent à aller attaquer les Français en pleine mer. Ils s'assemblèrent à Sandwich et préparèrent leurs nefs. Leur concours était indispensable; le roi d'Angleterre ne possédait alors lui-même que quelques vaisseaux; le gros de sa flotte était formé du contingent des Cinq-Ports, qui se composait d'une cinquantaine de galées (de vastes barques munies d'un mât et d'une grande voile carrée; comme tous les vaisseaux de guerre du moyen-âge, quand on les armait pour la guerre, ces barques portaient sur l'avant et l'arrière des châteaux, sortes de boîtes carrées ouvertes. La proue était très forte, car une tactique chère aux Anglais consistait à fondre par derrière sur les vaisseaux ennemis).
Guillaume le Maréchal arrive le 23 à Cantorbéry et, le lendemain à l'aube, il part pour Sandwich; le temps était clair et l'on vit à l'horizon reluire les voiles des nefs françaises, qui cinglaient vers l'embouchure de la Tamise. Hubert de Bourg eut l'inspiration d'invoquer Dieu et le bon droit pour galvaniser les Anglais. Le comte de Pembroke resta toutefois sur le rivage.
sable et chaux vive
Hubert de Bourg et Philippe d'Aubigné prirent le commandement dela flotte, qui comportait dix-huit grandes nefs et une vingtaine de barques. Poussées par un vent propice, les nefs françaises s'avançaient en bon ordre; les Anglais n'attaquèrent pas de front; ils lofèrent comme s'ils voulaient gagner Calais, puis, une fois en poupe de l'ennemi, ils le poursuivirent soudainement. Une coge, que le comte de Varenne avait fourni et qui était pleine de sergents anglais, aborda la nef d'Eustache le Moine. Celle-ci était très chargée et encombrée; tousles principaux chevaliers français s'y trouvaient; elle contenait en outre l'argent et les chevaux de prix qu'on amenait à Louis, et un trébuchet; elle était si pleine qu'elle enfonçait dans la mer presque jusqu'au bord. De la coge anglaise, qui était beaucoup plus haute, on jeta sur les Français du sable et de la chaux vive en poudre pour les aveugler; enfin un sergent de Guernesey, nommé Renaud Paien, sauta hardiment dans la nef d'Eustache le Moine, suivi de ses compagnons; trois autres bateaux anglais vinrent à la rescousse et cette espèce de "navire amiral" fut pris. Hubert de Bourges et Philippe d'Aubigné se battaient vaillamment de leur côté. Les Anglais eurent bientôt l'avantage; ils avaient toutes sortes de procédés de combat que leurs adversaires ignoraient, comme ce curieux emploi de la chaux vive, qu'ont noté tous les chroniqueurs; Roger de Wendover parle aussi des éperons de fer qui garnissaient leurs proues, et avec lesquels ils coulaient les vaisseaux; enfin Matthieu de Paris prétend qu'en abordant l'ennemi, ils coupaient à la hache ses cordages et ses vergues de façon à faire tomber la voile sur lui, comme un filet tombe sur des oiseaux. Bref les soixante-dix petites nefs françaises furent presque toutes prises ou coulées; la plupart des grandes nefs échappèrent, mais pour cingler vers la France.
triomphe des royalistes
Beaucoup de Français périrent : un certain nombre se noyèrent et l'on égorgea sans pitié tous les non-nobles. Les chevaliers qui se trouvaient dans la nef d'Eustache le Moine furent gardés prisonniers. Eustache le Moine offrit une rançon énorme si on voulait lui laisser la vie; mais chacun fut d'avis qu'il fallait décapiter ce "pirate pervers". Un marin de Winchelsea nommé Etienne Trabe, qui avait autrefois servi sous ses ordres, se chargea de l'exécuter. (dans les sources anglaises "indiscutables", Pauli par exemple, on se base sur Roger de Wendover qui prétend que c'est Richard de Cornouailles, frère naturel de Henri III, qui tua le pirate; mais ce fougueux héros n'avait alors que huit ans...)
Le retour des vainqueurs fut triomphal, et Eustache le Moine, dont la tête fut enfichée sur une pique et promenée à l'entour de Cantorbéry, entra dans la légende.
Louis de France apprit la nouvelle le 26 août. Il ne pouvait plus compter sur aucun secours; il renonça a rester plus longtemps en Angleterre. Le 28 il envoya Robert de Dreux conférer avec le comte de Pembroke, qui se trouvait à Rochester; le comte, retenant Robert de Dreux comme otage, permit à Robert de Courtenai, qui avait été fait prisonnier pendant le combat naval, d'aller parler à Louis. Le sire de Courtenai moyenna une entrevue le 29 août, aux portes de Londres, entre le fils de Philippe-Auguste, Guillaume le Maréchal et Hubert de Bourg. Ils convinrent de la paix à signer.
épilogue
L'Angleterre, ruinée par la guerre, devait payer 10 000 marcs esterlings à Louis pour qu'il signe et rentre en France. Plusieurs années après, on levait encore des souscriptions publiques pour payer la somme et "débarasser l'Angleterre des Français".
Résultat final : ironiquement et fortuitement, Louis de France n'aura réussi qu'à maintenir contre la papauté les vieilles libertés anglaises (les Grandes Chartes de 1215 et 1216 confirmées par lui )...
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