Bilinguisme précoce*
DIVERS
+ DE 2 ANS
Le 02/11/2004 à 21h39
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Question d'origine :
A quel âge peut-on commencer à apprendre une langue étrangère ? Doit-on apprendre l'Anglais à un bébé par exemple ? Cela ne l'empécherait-il pas de bien apprendre le Français ?
Réponse du Guichet
anonyme
- Département : Équipe du Guichet du Savoir
Le 03/11/2004 à 15h46
Il faut distinguer l'apprentissage précoce successif des langues du bilinguisme précoce simultané. Dans son article intitulé L'enfant bilingue : chance ou surcharge ?, Georges Lüdi (Université de Bâle) explique la différence entre ces notions : " On parle d'acquisition simultanée lorsqu'un enfant acquiert deux L1 avant l'âge de 3 ans dans un milieu bilingue, p.ex. avec une mère chinoise et un père suisse francophone, dans une famille francophone avec une nourrice anglophone, etc. Dans un premier temps, l'enfant mélangera les deux langues. A partir de l'âge de 2 ans, il commencera à différencier, p.ex., entre 'langue de papa' et' langue de maman' et à exploiter ses ressources en fonction des interlocuteurs. Plus tard, il arrivera à séparer complètement ses deux langues, à déconnecter presque totalement l'une en parlant l'autre, mais aussi, comme nous verrons dans un instant, à "parlerbilingue" selon les conventions de la communauté bilingue à laquelle il appartient.
Dans le cas du bilinguisme successif, il s'agit d'acquérir une L2 après le seuil de, disons, 3 ans, le plus souvent de façon spontanée et naturelle, dans l'interaction avec le milieu social, parfois à l'aide de dispositifs pédagogiques variés allant de groupes de jeux bilingues jusqu'aux classes de langue formelles à l'école, en passant par des classes dites d'immersion. Lebilinguisme résultant peut être stable et s'affermir avec l'âge ; la L2 peut aussi rester à l'état de compétence approximative et se fossiliser ; dans l'autre extrême, elle remplace la L1 comme langue dominante (p.ex. sous l'effet de la scolarisation). "
Ce que montrent généralement les études les plus récentes sur les liens entre capacités cognitives et bilinguisme, c'est que les enfants bilingues ont généralement des capacités de raisonnement et un développement de l'intelligence supérieurs à ceux des enfants unilingues. Par ailleurs, du point de vue l'apprentissage, il faut revenir sur une idée reçue qui présente le bilinguisme comme une surcharge. Comme l'explique Georges Lüdi, la capacité des enfants normaux d'apprendre des langues est pour ainsi dire illimitée. Apprendre une deuxième, une troisième, une quatrième langue ne représente, pour eux, aucune surcharge cognitive. Même des enfants moins doués peuvent devenir plurilingues et arriver à un niveau langagier égal à celui de leurs pairs unilingues dans toutes leurs langues.
L'un des risques du biblinguisme successif précoce exposé par Georges Lüdi peut être un déséquilibre lié à un apprentissage "spoliant" la première langue au profit de la deuxième alors que la première est mal maîtrisée ou dévalorisée. Cela est notamment le cas des enfants immigrés dont la langue n'est pas considérée comme prestigieuse et que la pression sociale les contraint d'abandonner. Il précise que les conséquences éventuelles du bilinguisme individuel, qu'elles soient positives ou négatives, sont étroitement liées à l'appréciation sociale de celui-ci. De nombreux facteurs y contribuent : la valeur, sur le "marché linguistique" local, des langues qui constituent le repertoire bilingue ; le niveau socioéconomique de la personne bilingue, voire de sa famille ; le prestige social du groupe auquel elle appartient, etc. Quiconque peut être fier de son bilinguisme n'a aucune conséquence négative à craindre ; des modèles économiques ont même montré que le bilinguisme individuel positivement vécu apporte des bénéfices économiques pour l'individu lui-même aussi bien que pour la société dans laquelle il vit. Malheureusement, l'inverse est aussi vrai. Mais il serait totalement erroné de dénoncer le bilinguisme comme cause de phénomènes de sous-développment qui ont leurs racines dans les conditions économiques, politiques et sociales (...).
Le bilinguisme précoce ne constitue donc nullement un risque en soi. Ceci est vrai même pour les couches les plus défavorisées de la société. Mais il faut prendre des mesures appropriées pour éviter les désavantages nommés.
C'est ainsi qu'aujourd'hui de nombreux pays développent une politique de l'apprentissage précoce des langues, y compris avant l'âge pré-scolaire.
La question de l'apprentissage précoce des langues est un "vieux" débat qui a produit une abondante littérature. Vous pouvez consulter par exemple :
* L'apprentissage précoce des langues, Que-sais-je ?, 2003.
* Le site Educnet a consacré un important dossier à l'apprentissage des langues dès le plus jeune âge avec de nombreuses ressources en ligne.
* Le site Enfants bilingues.
* Le rapport d'information du Sénat sur l'enseignement des langues étrangères en France, 2003-2004 ainsi que l'organisation générale de l'enseignement des langues en France sur le site du Ministère de l'éducation nationale. L'enseignement d'une langue vivante étrangère deviendra obligatoire en France dès la dernière année de maternelle en 2005 (voir le site Eduscol.)
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