Question d'origine :
Bonjour.
Je recherche, dans le cadre d'une exposition organisée par la bibliothèque dans laquelle je travaille, des références bibliographiques d'ouvrages pour la jeunesse (prioritairement) qui raconteraient la naissance du filage de la soie. Le conte en question raconte que c'est lorsque qu'un cocon de chenille tomba dans son de thé qu'une princesse chinoise découvrit le fil de soie. Source? A priori Confucius...?
Merci d'avance.
Réponse du Guichet
bml_chin
- Département : Fonds Chinois
Le 27/11/2007 à 17h47
La version à laquelle vous faites référence semble être assez répandue, notamment sur l’Internet, mais il n’en va pas de même quant aux sources primaires – voire scientifiques – de référence…. Est-ce un hasard que vous-même ne preniez pas soin de citer vos propres sources ? (le conte en question… quel conte ? où l’avez-vous lu ?)
Devant la question des origines de cette version nous resterons – hélas ! – muets. Bien sûr, nous ne saurions pas à priori exclure la ‘piste Confucius’ que vous évoquez ; il serait bien possible de l’exclure à posteriori, mais il ne relève pas de nos compétences que de lire in extenso les Entretiens de Confucius ou tout autre Classique de l’école confucéenne. Nous vous laisserons ainsi le plaisir de vous y plonger, la sinologie française ayant été assez prolifique en traductions savantes.
La civilisation chinoise donna naissance aux tissus de soie. Leizu, épouse de Huangdi, l’Empereur Jeune, inventa la sériciculture. Le mythe rejoint la réalité, puisque l’archéologie moderne atteste la présence de morceaux de soie sur de sites du néolithique (entre – 5000 et – 3000, en particulier dans la province du Zhejiang).
(Cf. l’entrée ‘Soie’ du Dictionnaire de la civilisation chinoise, par Eulalie Steens, p. 442).
Épouse de l’empereur légendaire Huangdi[皇帝]. Aussi connue sous le noms de Xilingshi [西陵氏]. Elle mit au point la sériciculture […] Elle sut tirer un avantage artisanal des cocons en organisant l’élevage domestique du ver à soie. A l’état naturel, la chenille transformée en papillon doit sortir du cocon en le perçant. Le fil du cocon ainsi détruit peut seulement être cardé. Désirant travailler une matière de meilleure qualité, Leizu ébouillanta le cocon avant que le papillon ne prenne sa liberté. En le dévidant, elle fit apparaître un fil ininterrompu. Leizu enseigna aux femmes l’art d’élever les chenilles par gavage en sélectionnant les feuilles de mûrier. Elle prolongea leurs connaissances en leur apprenant le tissage des soieries. (L’entrée 'Leizu', Ib., p. 259).
S’il est vrai que même la littérature savante lie le nom de Leizu à la découverte de la sériciculture, il est également utile de noter que d’autres versions ont été transmises par la tradition chinoise. Ainsi par exemple Anne Birrell dans son Mythes chinois, p. 34-35, indique ceci :
Le mythe de l’origine de la sériciculture, la préparation de la soie, est spécifiquement chinois. On raconte que le dieu
Jacques Pimpaneau de son côté dans son Chine : Mythes et dieux de la religion populaire, p. 51-52, nous relate cette version :
Leizu, la femme de l’Empereur Jaune, participa à son rôle de héros civilisateur. Elle apporta la soie aux hommes. Au cours de la fête pour célébrer la victoire sir Chiyou, la déesse des Vers à soie en apporta en cadeau deux écheveaux, l’un doré, l’autre argenté, pour que l’Empereur Jaune s’en fasse faire des vêtements. L’impératrice Leizu eut alors l’idée d’élever des vers à soie pour pouvoir produire du tissu si beau.
Cette déesse était alors à l’origine une jeune fille qui vivait seule avec son père. Celui-ci s’étant absenté depuis assez longtemps, elle se sentait seule et demanda à un cheval d’aller chercher son père. Elle dit cela comme un enfant qui confie ses chagrins à l’animal de la maison et ajouta : « Si tu le ramènes je t’épouserai. » Or, le cheval partit, alla retrouver le père et, en le tirant par ses vêtements, en hennissant dans la direction du village, il réussit à se faire comprendre : intrigué, le père revint aussitôt chez lui. Mais dès lors le cheval refusa de manger et, aussitôt qu’il apercevait la jeune fille, il devenait très nerveux. Comme le père s’étonnait de la bizarrerie de l’animal, sa fille lui raconta qu’elle lui avait demandé de le ramener en lui promettant le mariage. Inquiet, le père interdit à sa fille de sortir et, pour éviter des ennuis, il tua le cheval et fit sécher sa peau dans la cour. Un jour que la fille jouait avec des amies, elle aperçut la peau, donna un coup de pieds dedans en s’écriant : « Vil animal, comment pouvais-tu avoir l’impudence d’oser vouloir posséder une jeune fille telle que moi ! » Alors la peau se dressa, l’enveloppa et l’enleva. Le père partit à la recherche de son enfant et découvrit qu’elle était devenue un insecte avec une tête de cheval. Puisqu’elle avait perdu son existence humaine et qu’elle vivait sur des mûriers, on l’appela can, ce qui signifie à la fois mûrier et enterrer.
Cette légende est passée au Japon, mais pour expliquer l’apparition du riz et non des vers à soie. Pour invoquer les esprits, les médiums tenaient trois petites têtes sculptés, chacune au bout d’un bâton ; l’une représentait une tête d’homme, une autre une tête de femme et la troisième une tête de cheval pour invoquer les trois personnages de ce mythe.
Dans la province du Sichuan, on invoque plutôt un dieu des vers à soie, le
Une autre version de cette même légende nous est transmise par Rémi Mathieu sous le titre français de « La fille et son cocon » dans son ouvrage Anthologie des mythes et légendes de la Chine ancienne, p. 175 et seq.
Pour une vue d’ensemble et une analyse rigoureuse des légendes liées à la sériciculture chinoise, nous ne pouvons que vous renvoyer à la section intitulée « The legend of sericulture and the material evidence of silk », p. 247 et seq. de l’ouvrage : Science and civilisation in China, Vol. 5 : Chemistry and technology, Part 9 : Textile technology spinning and reeling.
Les collègues du Département Jeunesse seront plus à même que moi de vous fournir éventuellement une liste d'ouvrages de littérature enfantine.
Réponse du Guichet
bml_jeun
- Département : Jeunesse
Le 28/11/2007 à 16h13
Nous n'avons pas trouvé exactement la version du conte dont vous parlez.
En revanche, voici une version de l'origine du filage de la soie :
Jadis, dans un pays nommé Kusaotan-kik, dans le royaume de Mahan, vivait un roi. Un jour, on le vit se promener tout inquiet dans son jardin au clair de lune. La guerre qu’il menait contre la Chine, il semblait devoir la perdre. Il murmurait :
« Hélas ! mon château ! il va tomber aux mains des ennemis ! »
La princesse demanda :
- Apanama, Votre Majesté, d’où vient votre chagrin ?
- Pourquoi n’es tu pas encore au lit ? »
Le roi s’inquiétait maintenant pour sa fille unique, belle, futée que tout le monde adorait. D’une voix merveilleuse, un grelot de perles, elle répondit :
« Apanama ! ne vous faites pas tant de bile ! Dites-moi votre chagrin !
- Soit ! Je vais parler. Et bien ! au cours de la bataille qui se déroule en ce moment, nos généraux meurent chaque jour. Si cela continue comme ça, nous somme fichus !
- C’est bien ce que je craignais, dit la princesse, dont les yeux clairs brillent. Mais j’ai une astuce à vous proposer. Pour sauver notre château, essayons ceci. Faites afficher une ordonnance royale disant : quiconque coupera la tête du général ennemi recevra une copieuse récompense et deviendra mon gendre !
- Quoi ? Trouver ainsi un gendre ? […]
Le roi fut profondément ému par la loyauté de sa fille. Dès le lendemain, il fit afficher l’ordonnance royale, selon laquelle il prendrait pour gendre le héros qui serait parvenu à décapiter le général ennemi.
Soudain, on entendit un fort hennissement. Un cheval s’enfuit sans que personne n’y comprenne goutte. Le lendemain à l’aube, on entendit un roulement de tambour annonçant la victoire. Fou de joie, le roi, accompagné de sa fille, monta sur les murailles du château. Les soldats crièrent hourra ! et enfoncèrent le camp ennemi.
Le roi, les yeux pleins de chaudes larmes, sera la main de la princesse, descendit du haut de la muraille. Voici le ciel bien clair. On entendit le même hennissement de cheval dans l’arrière-cour. Le roi se dirigea en toute hâte en direction du hennissement. Il s’approcha. Et voilà le roi ahuri, pantois de voir la tête du général ennemi dans la gueule du cheval. Un fonctionnaire se prosterna :
- Votre Majesté ! ce cheval a coupé miraculeusement la tête du général ennemi. Les ennemis sont en déroute. Ils n’ont plus le cœur à se battre. La victoire est à nous.
A ce moment, le cheval baissa la tête […]
- Sublime ! Ah, l’honorable cheval ! Grâce à toi le pays est sauvé !
Pleurant à chaudes larmes, le roi caressa la tête du cheval, l’éleva au rang de cheval royal, et le traita noblement. Mais on avait du souci dans le palais. On n’oubliait pas la promesse de prendre pour gendre le tueur du général.
-Apanama, votre fille a résolu d’épouser le cheval sauveur de la patrie !
Le roi, de son côté, était ravi que le sauveur fût un cheval plutôt qu’un humain.
-Ma chérie, oublie donc cette affaire ! De toutes façons, le cheval sera bien traité !
- Impossible, Majesté ! Votre ordonnance est la loi du pays. Chose promise, chose due. En conséquence, j’épouserai le cheval.
Voilà le roi bien triste à la pensée que sa fille doive passer solitaire le reste de sa vie avec ce cheval. Enfin, il lui vint une idée :
- Que l’on coupe aussitôt la tête de ce cheval !
Tel était l’ordre du roi, qui feignait une grande colère.
La fille ahurie, répliqua :
- Non, pas question […]
Le roi, tout triste, caressa le dos de la princesse et lui dit doucement :
- Si tel est ton souhait…[…] Mais tu dois me promettre de ne plus songer à l’épouser
La princesse bondit de surprise.
- L’ordre royal est la loi du pays[…]Je vous affirme ma résolution de consacrer ma vie à ce cheval.
[…]Le roi piqua une colère, cria à ses bourreaux :
- […] Coupez immédiatement la tête de ce cheval !
-Apanama, Calmez-vous, révoquez votre ordre, je vous en conjure !
Princesse éplorée. Hennissement sinistre du cheval venant de l’arrière-cour. Cri de mort.
Le roi regretta profondément d’avoir fait tuer le cheval. Il fit sécher la peau, la suspendit sur les branches d’un arbre dans la cour du palais. La princesse alla deux fois par jour auprès de la dépouille mortelle du sauveur de la patrie. Elle sanglotait en lui caressant la peau.
Un jour, on entendit la princesse hurler dans la cour. On accourut. Une rafale s’éleva soudain. La peau du cheval vola vers la princesse, l’enveloppa, s’envola vers le ciel.
Depuis, le roi resta au lit, sombrant dans un grand chagrin. Le printemps suivant, il apprit qu’on avait découvert la peau du cheval dans un petit village. Il alla la voir en personne. La peau pourrie se trouvait dans les branches d’un arbre. Dans la peau, on trouva de curieux vers, au lieu du cadavre de la princesse. Le roi s’écroula de chagrin. Un fonctionnaire dit :
-Je pense que ces vers incarnent les âmes de la princesse et du cheval.
Le roi, tout étonné, l’interrogea :
- Pourquoi cette étrange idée ?
- C’est que la gueule de ces vers ressemble à celle du cheval. Leur corps est doux comme la chair de princesse. Grand roi ! J’ose me permettre de vous faire observer attentivement qu’ont ces vers de ronger les feuilles. Cela ressemble étrangement à un cheval broutant l’herbe.
Le roi fondit en larmes, regardant les mouvements des vers.
- Oh ! Etes-vous la réincarnation de ma fille, ma princesse ?
Le roi ordonna de bien élever les vers trouvés dans la peau du cheval. Chaque fois qu’il en avait le loisir, il allait visiter les vers à la campagne. Le peuple, loin de trouver répugnants ces vers, les éleva avec soin. Quelques années plus tard, ces vers sont répandus dans tout le pays. Des vers à soie. La peau du cheval s’était accrochée à un mûrier.
On dit que les vers ont hérité de la princesse leur immense talent à tisser la soie. Dans certaines régions, des femmes avalent tout crus les vers à soie, afin de devenir belles comme la princesse.
In Aux origines du monde, Contes et légendes de Corée
Vous pouvez trouver une autre version dans les différentes bibliothèques de Lyon :
- Contes d'Asie , recueillis par Henri Gougaud et illustrés par Olivier Besson
Nous vous invitons à prendre rendez-vous pour consulter deux albums du Fonds d'images de la bibliothèque de la Part-Dieu :
- Le conte du ver à soie raconté par Pierre Cardin
et une version plus contemporaine et bucolique :
- La légende du ver à soie de Michèle Bayar
Aujourd'hui, dans mon jardin, sur les branches basses du vieux mûrier, il ya des vers à soie qui tissent en silence, à longueur de journée, en attendant de s'envoler. Et sur les hautes branches, sautille un rouge-gorge qui piapiate... Pour les encourager
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