Question d'origine :
Napoleon a créé la legion d'honneur en France mais a t il créé ou rétabli d'autres ordres spécifiques aux "pays" conquis ( Pologne, Italie...)? Et si oui lesquels?
Merci
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 05/10/2004 à 13h33
Napoléon ne créa que trois ordres dans les pays occupés. Successivement : l’ordre de la Couronne de fer, l’ordre des Trois toisons d’or, l’ordre impérial de la Réunion.
1) L’ordre de la Couronne de fer : « Quelques jours après son couronnement comme roi d’Italie à Milan, le 23 mai 1805, Napoléon institua l’ordre de la Couronne de Fer, destiné à récompenser les services rendus à cette couronne aussi bien dans la carrière des armes que dans la magistrature, l’administration les lettres et les arts. Bien que l’importance que l’Empereur et Roi lui accorda ne puisse être mise en parallèle avec celle que prit immédiatement la Légion d’honneur, l’ordre italien devait tenir dans la péninsule la place de grande récompense nationale ; la couronne de Fer était le symbole du Milanais : couronne des rois lombards dont le nom rappelait qu’un clou de la Vraie Croix était fondue dans son cercle. Elle avait couronné à Rome Charlemagne et venait mille ans plus tard, d’être posée sur le front de Napoléon. Cette fois, le monarque n’hésitait plus, comme lors de la fondation de la Légion d’honneur, à employer les termes « ordre », « grand maître », bref, la terminologie traditionnelle. Il avait franchi la barrière de l’éthique révolutionnaire.
L’ordre ne comporta que trois grades : chevaliers, commandeurs (et non plus commandants) et dignitaires qui purent obtenir eux aussi des lettres patentes de chevaliers de l’Empire. Le grand chancelier, à Milan, fut le comte de Mareschalchi, ministre des Relations extérieures du Royaume d’Italie. L’insigne se composait d’une couronne vallaire avec ou sans boules, surmontée d’un aigle et timbrée du médaillon impérial, avec l’inscription en français : « Dieu me l’a donnée, gare à qui la touchera » , à laquelle se substitua, en 1809, la légende italienne « Dio me l’ha data, guai a cui la tocchera . » Ruban orange à liseré vert. L’insigne était d’argent pour les chevaliers, d’or pour commandeurs et les dignitaires (d’un module plus grand). Pour ceux-ci, il exista de plus une grande décoration avec cordon en écharpe sur lequel étaient brodées trois couronnes qui furent rapidement remplacées par une plaque de paillettes d’argent et de broderies : au centre, trois couronnes et trois aigles d’or entourant le profil de l’empereur et roi et la légende en français. Napoléon porta constamment l’insigne de la Couronne de Fer sur la poitrine, à côté de l’étoile de la Légion d’honneur.
Si l’ordre intéressa au premier chef les Italiens, il compta également de très n ombreux Français décorés par l’Empereur soit pour services rendus en Italie même, soit simplement pour confirmer un témoignage de satisfaction déjà exprimé par la Légion d’honneur. Plusieurs maréchaux, de nombreux généraux et quelques ministres français reçurent les insignes de grand dignitaire ou de commandeur. Toutefois, parmi les chevaliers français, l’ordre fut décerné surtout à des officiers, mais à fort peu d’hommes de troupe. Preuve que Napoléon n’accordait pas le même prestige à sa décoration italienne : lui qui n’avait pas décoré Talma de la Légion d’honneur remit la Couronne au chanteur-compositeur Crescentini, à la réputation considérable, mais dont la décoration fit l’objet de nombreuses railleries (il était castrat).
L’ordre disparut avec le royaume napoléonien d’Italie. En 1814, l’Empereur d’Autriche, reprenant le Milanais, institua à son tour un ordre impérial autrichien portant la devise : « Avita et Aucta », avec ruban jaune à liséré bleu foncé. Les titulaires de l’ordre napoléonien reçurent l’ordre de remplacement dont l’insigne se présenta pour les officiers sous la forme d’une couronne sur laquelle reposait l’aigle impériale autrichienne bicéphale, centrée à l’avers de la lettre F et au revers de la date 1815. Le ruban resta jaune et vert. Les soldats et sous-officiers reçurent une médaille d’argent portant d’un côté une épée en pal et de l’autre l’inscription : « Pro Virtute Militari . » L’ordre napoléonien s’éteignit avec ses derniers titulaires. Mais, en France, Napoléon III fit revivre les couleurs de l’institution impériale lorsqu’il créa, en 1851, la Médaille militaire, au ruban jaune à liseré vert. »
2) L’ordre des Trois Toisons d’Or : « L’ordre des Trois Toisons d’Or fut institué le 15 août 1809, l’Empereur étant à Schönbrunn. Après l’Espagne, il venait de vaincre l’Autriche. On sait que ces deux monarchies se partageaient, depuis le début du XVIIIe siècle, le privilège de conférer le plus illustre des ordres de chevalerie, créé en 1430 à Bruges par le duc de Bourgogne Philippe le Bon, la Toison d'Or. Le nouvel ordre impérial, disait le décret, devait « donner à notre Grande Armée une prueve toute particulière de notre satisfaction ». Il compterait 100 grands chevaliers, 400 commandeurs, 1000 chevaliers, les deux premières classes étant réservées aux officiers. Un article permettait d’accorder les Trois Toisons à certains régiments et, au sein de ces régiments, à un officier et à un soldat désignés « secrètement » à l’Empereur par les colonels et les chefs de bataillons. Mais, à côté de cette disposition aussi originale que démocratique, la rédaction des textes complémentaires conférant à la dignité de grands chevaliers une solennité toute spéciale, prévoyant pour eux colliers, costumes et cuirasses d’apparat, fixant leur réunion annuelle au 15 avril, de même que le serment juré « sur Dieu », mettent en lumière l’inspiration profonde qui guidait Napoléon. Il souhaitait certainement créer, à côté de son ordre de mérite, la Légion d’honneur, un véritable ordre de chevalerie, donc militaire par définition, très fermé et digne de rivaliser avec ceux des souverains héréditaires étrangers (Jarretière anglaise, Saint-André de Russie, etc.) en s’appuyant sur l’immense prestige que revêtait encore, aux yeux de toute l’Europe, l’ordre de la Toison d’Or.
Ce projet reçut en France un accueil très froid. L’armée craignait de voir passer la Légion d’honneur au second plan. Pour l’entourage de l’Empereur, et quelle que fût alors sa docilité,, ce retour aux errements de la monarchie semblait inutile et dangereux. Enfin, Napoléon épousa bientôt la fille de l’empereur d’Autriche, et ce rappel de la défaite de son père ne pouvait lui être agréable.
Pourtant, Napoléon poursuivit encore quelque temps son dessein, créa une administration confiée au comte Andréossy, dota l’ordre de biens propres (les mines de fer de l’île d’Elbe) et nomma les chevaliers proposés par les régiments en vertu du texte de fondation. Cependant, l’insigne lui-même ne fut jamais définitivement adopté. Tous les artistes et orfèvres officiels, Biennais, Coudray, Nez, entre autres,, s’y exercèrent pour répondre aux directives impériales : une aigle tenant dans ses serres trois toisons de béliers. Les résultats se révélèrent fort laids, certains même ridicules. Un seul dessin fût peut-être retenu : il était dû au général Lejeune. Mais, se rendant compte enfin que l’institution qu’il avait conçue ne venait pas à son heure, l’Empereur y renonça et réunit par décret du 27 septembre 1813 la dotation des Trois Toisons d’Or à la Légion d’honneur. L’ordre disparut sans que ses insignes eussent jamais été décernés. Cette disposition témoigne de la distance qui s’établit du règne entre les initiatives de Napoléon et les aspirations de son peuple qu’il avait si longtemps et si bien comprises. »
3) L’ordre impérial de la Réunion : « Par décret daté du Palais d’Amsterdam le 18 octobre 1811, Napoléon institua l’ordre de la Réunion « pour récompenser les services rendus dans l’exercice des fonctions judiciaires et administratives et dans la carrière des armes ». Cet ordre s’inspirait en partie de l’ordre royal de l’Union du roi Louis de Hollande et disparut lors de l’annexion de la Hollande par la France en 1810, à la suite de l’abdication de Louis. Deux motifs avaient présidé à la création impériale. La première découlait de l’inflation des effectifs de la Légion d’honneur, seule récompense française dont disposait l’Empereur (les trois Toisons s’élaboraient difficilement), et qui risquait peu à peu de se dévaloriser. Malgré cette inflation, elle laissait de côté, sous la pression des événements militaires, toute une catégorie de Français, notamment les civils. Un second ordre de mérite, conçu selon les mêmes règles que le précédent , permettrait de pallier en partie ce déséquilibre. Il offrirait aussi à l’Empereur la possibilité de moduler davantage ses témoignages de reconnaissance. En second lieu, Napoléon souhaitait réaliser sur le plan continental, aussi heureusement qu’il l’avait expérimenté avec la Légion d’honneur en France, l’amalgame des différents états annexés, unis sous la même devise « A jamais, Tout pour l’Empire ». L’Empire, en effet, venait d’atteindre ses plus larges dimensions, notamment avec la constitution des nouveaux états hollandais et l’annexion, dès 1809, de Rome et des territoires pontificaux.
C’est dans cette perspective que Cambacérés et Regnault de Saint-Jean d’Angely furent chargés de présenter les statuts de la nouvelle institution au Conseil d’Etat, en août 1811. Ce conseil approuva sans difficultés le projet de texte qui reprend, comme cela avait déjà été fait pour la Couronne de Fer, toute la terminologie des ordres royaux…
Le Conseil de l’ordre, constitué dès le 18 octobre et composé de sept grand-croix, fut présidé par le nouveau grand chancelier Nompère de Champagny, duc de Cadore, négociateur du mariage autrichien. LA grande trésorerie était remise au baron Van der Goes Van Dirxland, ancien ministre de Louis. L’ordre eut son siège à Paris, dans le très bel Hôtel du Châtelet construit en 1740 par Cherpitel, rue de Grenelle (actuel ministère du Travail). La dotation comprit un prélèvement de 500000 francs sur le domaine personnel impérial et les revenus de l’ancien ordre de l’Union. Le choix de l’insigne s’avéra encore une fois très long, l’Empereur souhaitant y évoquer par allégorie tous les Etats du Grand Empire. Deux projets de Vivant Denon et Laffite, puis de Denon et Brenet, précédèrent celui qu’adopta Napoléon, dû sans doute à Biennais. Il présente une étoile d’or à douze rayons simples pommetés émaillés de blanc et séparés par trente flèches maintenues 5 par 5 par un ruban portant la devise « A jamais. » Au centre, le trône surmonté d’un aigle, entouré de la légende « Tout pour l’Empire » sur fond d’émail bleu ciel. Le dossier du trône est semé d’abeilles ; sur le siège, un coussin supporte une couronne de laurier ; les bras sont soutenus par le Lion hollandais posé sur les flèches des Provinces néerlandaises et par le Lion de Florence posé sur une Fleur de lys ; des tridents rappellent Gênes et Hambourg, et la Louve romaine est couchée en avant. Le revers porte l’ « N » sur fond rayonnant dans une couronne de laurier entourée de la devise « A jamais ». L’étoile est surmontée de la couronne impériale ; sur le bandeau on lit, sur fond d’émail bleu : « Napoléon fondateur. » La plaque de grand-croix présente deux modèles, le premier légèrement ovale, le second circulaire, et rappelant l’insigne.
Les droits et les devoirs des membres de la Réunion s’apparentent de très près à ceux des légionnaires : prestation du serment, inscription sur les listes électorales, obtention de lettres patentes d’anoblissement, entrée des filles dans les maisons de la Légion d’honneur. (…)
Bien que les statuts aient stipulé que tous les membres des ordres des pays « réunis » étaient autorisés à solliciter leur entrée dans le nouvel ordre, cette autorisation fut rarement accordée, et les Français entrèrent pour deux tiers environ dans les contingents. Mais peut-être, avec le temps, la Réunion serait-elle devenue une grande institution européenne ?
Dictionnaire Napoléon sous la dir. de Jean Tulard
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