Instinct de mort de Jacques Mesrine
DIVERS
+ DE 2 ANS
Le 10/01/2007 à 14h48
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Question d'origine :
Bonjour.
Le livre Instinct de mort de Jacques Mesrine a été censuré en 1977.
L'éditeur marseillais Le chien rouge le ressort aujourd'hui.
Comment est-ce possible ?
Comment fonctionne la censure d'un livre ?
Est-ce dû à la sortie prochaine du film ?
Merci de votre réponse et bonne année
Réponse du Guichet
anonyme
- Département : Équipe du Guichet du Savoir
Le 10/01/2007 à 16h48
Sur le fonctionnement de la censure en France, vous pouvez consulter ce précédent question-réponse du Guichet. Cette réponse faisait notamment le point sur la différence entre censure administrative et judiciaire, et renvoyait vers Légifrance en ce qui concerne les arrêtés d'interdiction d'ouvrages.
La loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse sur laquelle s'appuyait la censure administrative permettait d'interdire la publication d'un ouvrage au simple fait qu'il était de nature à troubler l'ordre public. Or, ainsi que nous l'indiquions dans la réponse mentionnée plus haut, la Cour européenne des droits de l‘homme a estimé en 2001 que ce texte était contraire aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales. La France fut condamnée à payer 300 000 francs à un éditeur dont un livre avait été interdit pendant dix ans. Voici un extrait du jugement rendu par cette Cour (AFFAIRE ASSOCIATION EKIN c. FRANCE, 17/07/2001 39288/98) :
22. Le régime français des publications comporte toutefois des formes d’intervention préalables, qui peuvent entraîner des interdictions et saisies, mais qui sont dans tous les cas assujetties au respect du principe de proportionnalité aux faits les motivant.
Des mesures d’interdiction et de saisies peuvent être prises en application des pouvoirs généraux de police administrative
Ces mesures ne peuvent être justifiées que par la nécessité de protéger l’ordre public contre les troubles occasionnés, ou susceptibles de l’être, à l’occasion de la distribution ou de la mise en vente d’une publication. Par un arrêt du 25 juillet 1930 (Abbé de Kervenoael, D.P. 1930, 497), le Conseil d’Etat a ainsi estimé que « les dispositions des articles 18 et suivants de la loi du 29 juillet 1881 ne font pas obstacle au droit des maires de prendre, en vertu de leurs pouvoirs généraux de police, les mesures que peut exiger le maintien de l’ordre et de la tranquillité » et qu’« il leur appartient en conséquence d’interdire la distribution sur la voie publique des écrits de nature à troubler l’ordre ».
Néanmoins, ainsi que l’établit un arrêt du Tribunal des conflits du 8 avril 1935 (L’action française, D.P. 1935, 3, 25, concl. Josse, note Waline), une telle mesure ne peut être employée que lorsqu’aucun autre moyen d’assurer le maintien ou le rétablissement de l’ordre public n’existe. Il faut aussi qu’elle soit proportionnée au désordre et limitée, dans l’espace et dans le temps, au strict nécessaire.
La loi du 29 juillet 1881 modifiée autorise en second lieu des interdictions et des saisies judiciaires dans certaines conditions
Aux termes de l’article 51 de cette loi, le juge d’instruction peut ordonner la saisie « des écrits ou imprimés, des placards ou affiches », selon les conditions prévues par le code de procédure pénale, « dans les cas prévus aux articles 24 (§§ 1 et 3), 25, 36 et 37 de la loi ». Il s’agit des cas de provocation et apologie de crimes (article 24), provocation de militaires à la désobéissance (article 25), offense et outrage envers les chefs d’Etat et de gouvernement et les agents diplomatiques étrangers (articles 36 et 37). L’article 61 de la loi précise que, « s’il y a condamnation, l’arrêt pourra, dans les cas prévus aux articles 24 (§§ 1 et 3), 25, 36 et 37, prononcer la confiscation des écrits ou imprimés, placards ou affiches saisis, et, dans tous les cas, ordonner la saisie et la suppression ou la destruction de tous les exemplaires qui seraient mis en vente, distribués ou exposés au regard du public. Toutefois, la suppression ou la destruction pourra ne s’appliquer qu’à certaines parties des exemplaires saisis ».
23. Au surplus, l’article 62 de la loi du 29 juillet 1881 modifiée ajoute que, en cas de condamnation prononcée en application des articles 23, 24 (§§ 1 et 2), 25 sanctionnant les provocations et apologies de crimes, et 27, sanctionnant le délit de fausse nouvelle, « la suspension du journal ou du périodique pourra être prononcée par la même décision de justice,
400 publications ont été interdites dans les années 1970. Dans la mesure où Légifrance ne permet pas de remonter au-delà de 1996 en ce qui concerne les arrêtés d'interdiction de publication, il ne nous est pas possible de vérifier si celui de Mesrine l'a été, et aucun élément probant ne nous permet de l'affirmer. Quoi qu'il en soit, l'arrêt de la Cour européenne suffit à justifier de la réédition de l'ouvrage.
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