Question d'origine :
Bonjour cher Guichet,
Je me demande depuis longtemps pourquoi les voix qu'on entend sur les archives radio, ou télé, qui datent des années 30, 40, 50, on ce timbre si particulier, un peu nasillard, avec beaucoup d'emphase, un mélange d'accent parisien, de déclamation à la Malraux... ?
Est-ce que tout le monde parlait comme ça à l'époque ? Pourquoi mon pépé, qui est pourtant bien vieux, a-t-il perdu cette prononciation ? Ou bien était-ce uniquement un ton employé pour les discours, que les gens dans la rue n'utilisaient pas ?
Et est-ce qu'au XIXème siècle, les gens parlaient d'une manière encore plus marrante ?
Quand j'était au Lycée, ma prof de Français nous avait lu du Racine "comme à l'époque", et c'était assez fendart... comment les scientifiques savent-ils quelles étaient les prononciations à telle ou telle époque, sachant qu'on ne dispose - à ma connaissance - d'aucun enregistrement audio de Corneille déclamant ses textes ?
Et pour voir plus loin, dans disons 60 ans, est-ce que mes petits enfants se moqueront de moi et du ton qui était employé au 20h de TF1 à quand j'étais jeune, à la fin du XXème siècle ?
Merci pour les réponses que vous donnerez à cette rafale de question... et encore merci pour votre bon boulot de chaque jour !
(PS : n'y a-t-il pas une rubrique "remerciements", ou tous les gens que vous avez aidé pourraient vous remercier sans avoir à poser une nouvelle question ?)
Réponse du Guichet
bml_litt
- Département : Langues et Littératures
Le 20/09/2006 à 13h23
Effectivement, la question est multiple et nous allons essayer d’y répondre de manière synthétique .
Tout le monde ne parlait pas comme «dans le poste» dans la première moitié du 20e siècle. Les voix qu’on entend sur les archives audiovisuelles ont effectivement un ton et un timbre particuliers. D’une part, il fallait, semble-t-il, tenir compte de contraintes techniques et un timbre élevé passait mieux «sur les ondes» et souffrait mieux la reproduction, les hautes fréquences étant alors mieux rendues que les basses fréquences. Les « speakers » et commentateurs (d’ailleurs beaucoup moins nombreux qu’aujourd’hui) cultivaient donc cette façon de parler. D’autre part, le ton déclamatoire a toujours été emprunté par tous les orateurs dans l’exercice de leur art. A commencer par les comédiens, dont la diction et le ton ont très longtemps été rigoureusement codifiés, d’autant plus lorsque que les textes étaient en vers (c’était le cas, entre autres, à l’époque de Corneille). Le chemin menant vers une diction plus «naturelle» des comédiens et acteurs fait partie de l’évolution de l’histoire du théâtre, puis du cinéma… et de l’art oratoire en général. Avec le développement des média et le renforcement de la proximité avec le spectateur, cette tendance s’est généralisée dans tous les domaines (journalisme, politique…). Cela exige d’ailleurs un travail aussi (voire plus) rigoureux de «mise a plat» pour les intéressés. Parions et souhaitons pour autant que dans 10 ou 20 ans, les archives des émissions contemporaines feront sourire vos enfants comme vous-même.
Voici quelques liens susceptibles d’illustrer cette approche :
Le site canadien artsvivants (entre autres la page sur les grands comédiens de l'histoire)
Quelques documents sur l’histoire de la radio et de la télévision (BM de Lyon)
Voix des poètes: 14 poètes disent leurs textes d'Apollinaire à Saint-John Perse
«L’Odyssée du lisse», article paru dans Télérama 2953, août 2006
«La machine à rectifier la prononciation», savoureux article de 1934, sur le site languefrançaise.net.
La complexité de la question nous a amené à dépasser le délai imparti pour apporter nos réponses. Nous vous prions de nous en excuser.
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