Question d'origine :
Bonjour,
Il y a quelques dizaines d'années, les jeunes filles constituaient leur "trousseau" de linge en brodant des initiales : quelles initiales étaient brodées, prénom et nom de jeune fille ou prénom et nom de future femme mariée ?
Je souhaiterais connaître l'origine et les raisons de cette coutume.
Je vous remercie vivement par avance.
Réponse du Guichet
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- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 16/07/2004 à 09h23
Un trousseau constitue l’ensemble du linge, des vêtements que l’on donne à une jeune fille qui quitte sa famille pour se marier, entrer au couvent, ou à un enfant qui entre en pension part en apprentissage, etc.
Source : Dictionnaire Hachette 2004
Voici ce que nous dit l’ABCdaire du Point de croix:
« A l’origine, [le « point de croix » ou « point de marque »] était enseigné pour marquer le linge constituant le trousseau de la jeune fille. La future maîtresse de maison brodait sur chaque pièce de linge un monogramme, c’est-à-dire les initiales du nom de son mari et les siennes. Le linge était marqué pour des raisons esthétiques, mais également pratiques. En effet, faire la lessive, autrefois, était une grande affaire : elle se faisait au lavoir, en commun avec d’autres lavandières et, une fois lavé, le linge était étendu au soleil pour blanchir. Il était donc important qu’il soit marqué pour pouvoir le récupérer… »
Pour tout savoir sur l’histoire du trousseau, nous vous recommandons vivement la lecture de Rêves de blanc : la grande histoire du linge de maison de Françoise de Bonneville, dont voici quelques extraits :
« Que peuvent bien avoir en commun Isabelle de France en 1397 et une jeune fille modeste résidant en ville autour de 1910 ? Rien, sinon le fil éternel qui tisse l’étoffe de leur trousseau, ces mêmes pièces de toile destinées aux mêmes gestes quotidiens, et qui se trouvent être dans des proportions à peu près comparables à cinq siècles de distance.
Le trousseau d’Isabelle de France lui fut donné à l’âge de sept ans, à sa promesse de mariage avec Richard II d’Angleterre. Il se compose de quatorze paires de draps, […]
Il est en effet de tradition, et elle persistera jusqu’au début du XXe siècle, que le trousseau inclue la literie entière et de quoi le ranger : coffres, armoires ou autres « accommodements ». Il comporte aussi toujours le linge de corps.
…
Aujourd’hui, le mot « trousseau » évoque plutôt dans nos mémoires, le cérémonial traditionnel de préparation étalé sur des années d’un linge brodé et marqué aux chiffres des futurs époux, porteurs d’innombrables symboles et surtout signe de bien que l’on exposait devant les invités. Ce trousseau-là est l’invention du XIXe siècle et deviendra une véritable institution, manifestation exacerbée de la bourgeoisie triomphante.
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Autre symbole du trousseau traditionnel, les initiales entrelacées comme les bras des jeunes mariés, dont chaque pièce de linge durant tout le XIXe siècle et encore dans une moindre mesure jusqu’à la fin des années cinquante, recevait le sceau soigneusement brodé. …
Si marquer le linge est une tradition très ancienne, elle ne fut pas initialement dictée par un souci de décoration. Dès les premières thésaurisations de linge au Moyen Age, les touailles, terme générique pour nommer nappes ou serviettes, et les linceuls, ancien nom des draps, étaient imprimés dans un coin pour les reconnaître à l’aide d’un liquide indélébile.
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Le fil rouge restera le plus classique.
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C’est surtout au XIXe siècle à l’instar des rois et de la noblesse dont les blasons et les armes personnalisent depuis longtemps le linge, que le chiffre brodé, notamment sur les draps, devient un véritable ornement. Mais cette habitude de signer tout le linge de la maison est à replacer dans le contexte de la montée de l’individualisme et de l’affirmation de soi quasi ostentatoire de la bourgeoisie du XIXe siècle, qui, faute de couronnes et d’armoiries, paraphe tout, du linge à l’argenterie, aux cristaux et aux services de porcelaine, pratique qui, avouons-le, fait aujourd’hui nos délices !
Quand le trousseau est préparé lors de la période des fiançailles, ce qui est le cas le plus fréquent en ville, le monogramme du futur marié figure devant celui de la fiancée. S’il est brodé de la main de la jeune fille longtemps avant le mariage, il peut être chiffré de ses propres initiales, non seulement par ignorance de celles du futur mari, mais aussi pour lui ajouter un signe de propriété personnelle et, pourquoi pas, par narcissisme, le linge entrant dans le cortège des innombrables symboles du Moi. En outre, de cette manière, le nom de l’aïeule n’était pas complètement oublié de ses descendants et ses initiales ranimaient leur mémoire. »
En complément, quelques sites internet :
- Marquette… Marquoir… Marquer le trousseau !
- Un siècle de broderies et de dentelles
- La femme dans le christianisme : représentations et pratiques
- Marquer son linge
DANS NOS COLLECTIONS :
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