Question d'origine :
Bonsoir,
dans le cadre de mes recherches historiques je cherche à savoir quelle est la dévaluation de l'assignat entre 1790 et 1791. Je m'explique: j'ai un document (non daté) qui évoque la future vente comme bien national d'une abbaye pour la somme estimée de 17 000 livres. Or la vente effective de ce monastère en mars 1791 se fait pour la somme de 90 200 livres. Puis-je retrouver la date approximative de mon premier document grâce à l'évolution de la valeur de l'assignat et puis-je être sûre que ce document est authentique ?
Un grand merci d'avance,
Adrienne
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 06/04/2006 à 12h59
Deux sites font la synthèse des livres et des documents que vous pouvez consulter à la bml, pour calculer la dévaluation de l'assignat entre 1790-1791.
1-L'origine des assignats remonte au mois de décembre 1789 lorsque fut créée la Caisse de l'extraordinaire. Celle-ci devait recevoir le produit de la vente des biens confisqués au clergé. Les assignats n'étaient que de simples avances sur la vente des biens nationaux. Ces assignats portaient intérêt.
Les choses vont cependant évoluer rapidement. En septembre 1790, les assignats cessent de porter intérêt et sont reçus «comme espèces sonnantes dans toutes les caisses publiques et particulières». Le montant des émissions s'élève dans un mouvement qui s'accélère jusqu'en 1796. Face à cette prolifération de papier-monnaie, le gage des domaines nationaux auquel on continue à faire référence devient illusoire et la valeur des assignats s'effondre..
-2 Le contexte et lancement des assignats :
Le motif de la convocation des états généraux est d’ordre financier. Le roi est au bord de la faillite. La moitié du budget royal est consacré à servir des rentes et à éponger des dettes…Il lui faut de nouvelles ressources, impôts et emprunts. La révolution de 1789 ne suffit évidemment pas à résoudre le problème. Le 10 octobre 1789, Talleyrand propose à la toute nouvelle assemblée nationale ce qu’on appellerait aujourd’hui une nationalisation des biens de l’église, évalués à 2 à 3 milliards de livres de l’époque. Le 2 novembre l’Assemblée décide de mettre les biens du Clergé à la disposition de la Nation.
Une caisse des extraordinaires est créée et émet 400 millions de billets, divisés en coupures de 1000 livres et portant intérêt à 5 % : les assignats. Ils sont supposés être gagés sur la vente prévue de biens de nationaux, à désigner ultérieurement…Il sont convertibles en or et permettent d’acheter des biens nationaux. Ils n’ont pas (encore) cours forcé, ce ne sont donc pas de la monnaie, mais techniquement des obligations hypothécaires. A ce stade, indépendamment du jugement qu’on peut porter sur la « nationalisation », il s’agit d’une opération raisonnable au plan financier, qui pouvait réussir. Mais les choses n’en restèrent rapidement pas là.
Une émission de billets croissant plus qu’exponentiellement
Au printemps 1790, les 400 millions sont dépensés….et une émission complémentaire de 400 millions est faite. Puis une autre, puis une autre. Progressivement les pièces métalliques ne circulent plus (elles sont thésaurisées en France ou à l’étranger) et les assignats circulent de plus en plus vite. La spéculation contre l’assignat (qui fait la fortune de certains…) s’installe. Le système s’emballe : l’Etat doit émettre de plus en plus de billets pour faire face à ses besoins, accrus par les faibles rentrées fiscales et les exigences d’une économie de guerre (déclaration de guerre en 1792), mais aussi pour faire face à la demande de monnaie, nécessaire aux échanges.
Voici les émissions faites dans le temps, en millions (de livres, sachant que le franc est réintroduit en 1795, et selon les estimations de B.Daste). Pour situer les ordres de grandeur la masse monétaire métallique est estimée à l’époque à environ 2 milliards :
sept.
montant cumulé:
mars
montant cumulé:
1796 , c’est la fin des assignats, après une émission cumulée de 45 milliards. Une deuxième tentative d’émission monétaire (les mandats) est relancée et échoue début 1797…Une période de dépression économique s’installe alors du fait du manque de numéraire.
La dépréciation irrésistible de l’assignat :
On voit dans le tableau ci-dessus que, dès 1791, l’émission de billets est proche de la valeur estimée des biens en garantie…Instinctivement on en déduit que la valeur des assignats n’a pu que se déprécier par rapport à la monnaie métallique. Il semble que la dépréciation de l’assignat ait vraiment démarrée fin 1791, pour s’emballer irréversiblement. La valeur des assignats ne cessa de décroître comme le montre le tableau suivant (chiffres indicatifs, reconstitués à partir des différentes sources citées en bibliographie) accréditant dans les esprits l’idée qu’une émission monétaire est toujours inflationniste.
valeur en numéraire de 100 livres assignat :
voir en pièce jointe : le graphique représentant les variations du nombre de livres-numéraire que pouvaient acheter 100 livres- assignats à Paris de 1790 à 1795.
n.b. : graphique consultable sous forme de dépliant dans :
Les assignats. Révolution et inflation de Jean Morini-Comby
Consulter également les livres suivants :
L’ assignat et la Révolution de Bernard Rizo
La monnaie de Bernard Daste
La grande inflation : la monnaie en France de Louis XVI à Napoléon de François Crouzet. pp. 571 - 582 : 16 tableaux statistique.
La Civilisation et la Révolution française d’ Albert Soboul.
Pièces jointes
DANS NOS COLLECTIONS :
Commentaires 0
Connectez-vous pour pouvoir commenter.
Se connecter